Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« Le Concile des arbres » par Nicolas Bara et Pierre Boisserie
Dans ce fantastique XIXe siècle, Artémis d’Harcourt et Casimir Dupré sont deux agents spécialisés dans les phénomènes paranormaux. Ils vont tenter de comprendre pourquoi, dans un hôpital perdu en pleine forêt, sept enfants se livrent chaque nuit à de curieux rituels : leurs mélopées seraient-elles liées à ce lieu maudit où, jadis, furent massacrés des druides ? Avec « Le Concile des arbres », Pierre Boisserie et Nicolas Bara introduisent en 62 planches un efficace nouveau duo de héros dans la collection Long Courrier chez l’éditeur Dargaud. Rondement menée, cette première enquête en appelle certainement d’autres !
Né en 1964, Pierre Boisserie est connu par de nombreux bédéphiles pour ses séries « La Croix de Cazenac » (1999 – 2008, dessin par Éric Stalner), « Dantès » (2007 à 2016, dessin par Erik Juszezak), « Flor de Luna » (2007 à 2014, dessin par Éric Stalner et Éric Lambert) ou, plus récemment, « La Banque » (depuis 2014, dessin de Julien Maffre et Malo Kerfriden) et « Les Années rouges & noires » (2016 ; coscénarisé par Didier Convard, dessin de Stéphane Douay). Boisserie s’était précédemment associé en 2006 (sur « Le Chant des Malpas ») à Nicolas Bara, dont le traitement graphique fait un lien entre celui de Régis Loisel et celui de Xavier Fourquemin, auteurs du reste coutumiers des ambiances victoriennes. En juillet 2008, Pierre Boisserie confiait déjà à notre confrère Manuel Picaud : « Chez Dargaud, […] j’ai toujours le one-shot « Le Concile des Arbres » qui traîne et qui verra peut-être un jour le jour… Nicolas Bara en a réalisé plus de 40 planches. C’est un Long Courrier de 60 pages. Nicolas est un garçon très doué, mais très étrange. Il a mis cinq ans pour dessiner notre précédent one-shot, « Le Chant des Malpas ». Cela fait déjà deux ans qu’il est sur « Le Concile des Arbres ». (cf. interview en ligne sur le site Auracan). De fait, les auteurs auront fait preuve d’une irrésistible patience avant de voir aboutir ce projet, comme en témoigne également l’apparition des agents spéciaux Artémis d’Harcourt et Casimir Dupré sur une affiche réalisée pour le 14ème Festival de Buc… en 2007 !
En couverture du « Concile des arbres », point de concile, mais bien un arbre, perçu en légère contreplongée : inquiétant et décharné, détachant son tronc noirâtre et anthropomorphe sur un ciel de sang lunaire, cet énorme bois mort semble menacer et enserrer de ses branches les deux humains qui se trouvent à sa base (Artemis et Casimir). Notons que ce dernier porte une trousse de médecin d’époque, introduisant de ce fait l’enquête rationaliste et l’esprit scientifique face aux croyances et superstitions potentielles. Alors que le teintes employées évoquent une atmosphère hostile et angoissante, on se souviendra de visuels similaires, ancrés dans le fantastique gothique, telle l’affiche du film « Sleepy Hollow » (Tim Burton, 1999). Le titre de l’ouvrage fait quant à lui référence aux cultes des arbres, qui remontent dans le monde entier jusqu’aux civilisations primitives et animistes.
Un siècle avant notre ère, le poète latin Lucrèce indiquait par exemple : « Nos premiers aïeux habitaient les bois, les anfractuosités des montagnes et les forêts pour se soustraire au fouet des vents et de la pluie…. en ces temps ou la force de la végétation ne laisse à l’homme qu’une existence chétive et misérable…. les hommes vénèrent son aspect lugubre, son silence, la majesté de ses arbres, leur longue vie….à cette adoration se mêlent des sentiments de crainte, d’utilité et par suite de recueillement, de piété. » Quand l’Empire Romain se convertit au christianisme au IVe siècle, dans la tradition des rites celtiques et druidiques, tous les arbres étaient sacrés et divers conciles (ceux d’Arles, d’Orléans, de Tours, de Nantes) prirent des mesures pour condamner « ceux qui adoreront les arbres, les fontaines et les pierres. Ils se rendront coupables devant Dieu. Les pasteurs devront chasser de l’église quiconque ira porter des vœux aux pierres, aux arbres, aux fontaines. ». Ailleurs, il est dit : « Défense d’observer les superstitions païennes sous peine de quinze sols d’amende. ». Trente autres articles seront consacrés aux sacrifices rituels effectués dans les bois, sur les pierres, et aux fontaines. Mais, s’étant substitués aux arbres et aux lieux naturels sacrés, les croix et chapelles n’éliminèrent ni les processions ni les sanctuaires de pèlerinage : grottes et fontaines, arbres légendaires, niches et statuettes sculptées dans les plus gros végétaux. Il reste qu’avec « Le Concile des arbres », les rituels relèvent plus du satanisme et de Lovecraft que de la douce et sage incantation païenne. Ce qui ne nous empêchera pas de nous promener dans les bois, pourquoi pas en resongeant aux fantastiques aventures menées par deux agents du Ministère public des affaires privées, aux frontières de la fiction.
De manière exclusive et fort amicalement, Nicolas Bara nous explique la genèse de la couverture :
« Celle-ci a été réalisé en deux temps. J’ai d’abord réalisé quelques croquis rapides. Nous en avons discuté avec Dargaud et nous nous sommes mis d’accord sur le visuel n°9. J’ai ensuite réalisé la version définitive à l’encrage, puis la couleur à l’aquarelle avec quelques retouches à l’ordinateur. Tout ceci a été fait il y a un petit moment déjà, juste avant de commencer la couleur de l’album. Je voulais mettre l’accent sur les deux héros de l’histoire, Casimir Dupré et Artémis D’Harcourt, et sur les arbres. Donner un côté mystérieux, étrange, sans trop dévoiler le contenu et donner un sentiment d’inquiétude.»
« Quelques mois plus tard, une fois la couleur de l’album terminée (à l’aquarelle donc), nous sommes revenus sur la couverture avec le studio Dargaud. Nous trouvions qu’elle ne donnait finalement pas assez envie et avait un petit côté « daté », le genre de couverture qu’on faisait… il y a 10 ans. Nous voulions quelque chose de plus graphique et nous sommes partis sur une autre approche avec seulement 3 couleurs. J’ai commencé à faire quelques essais de compositions en jouant surtout sur le 1er plan avec les personnages. Nous étions d’accord sur le visuel de fond. Le visuel final accroche mieux l’œil que la première version… »
Philippe TOMBLAINE
« Le Concile des arbres » par Nicolas Bara et Pierre Boisserie
Éditions Dargaud (14, 99 €) – ISBN : 978-2205-07386-7