Vivant depuis 25 ans avec Tanie — qui est aveugle d’un œil et qui, en conséquence, doit se démener tous les jours pour s’adapter de son mieux aux charges du quotidien —, le dessinateur et scénariste Marc Cuadrado a repris ses crayons pour nous expliquer comment sa courageuse femme fait face à sa déficience visuelle. Pour l’occasion, cet adepte du style gros nez — « Norma » chez Casterman et « Parker & Badger » chez Dupuis ou « Je veux une Harley » pour Frank Margerin chez Fluide glacial et Dargaud (1) — renoue avec la discipline graphique qu’il avait abandonnée depuis une dizaine d’années : passant à autre trait, plus semi-réaliste, où sa plume se fait alors tendre et émouvante… même s’il insuffle toujours sa lumineuse touche d’humour personnelle !
Lire la suite...« Macaroni ! » par Thomas Campi et Vincent Zabus

« À notre arrivée en Belgique, mes parents et moi avons vécu trois ans « à l’écart », au purgatoire si j’ose dire, dans une cité de baraques en bois, au toit en tôles ondulées, à un jet de pierre de la mine où trimaient mon père et ses amis immigrés. Ils ont broyé du noir, au sens propre et sale. Le charbon était partout. Il noircissait le ciel, le vert des arbres, les prairies, les nuages, les mineurs, leur femme, leurs enfants, leurs repas, et sans doute leur esprit »…
C’est ce qu’explique le chanteur Adamo dans sa préface aussi personnelle qu’intéressante, lui qui a bien connu le surnom de « Macaroni » de la part des « Patate frite », car en ce temps-là, ces migrants si désirés avaient droit à un surnom (« un quolibet familier, pas un drame », dit Adamo) et à une tolérance. On avait besoin d’eux et ils avaient besoin de nous ! Le monde était bien fait, alors…
C’était le cas du « vieux chiant », le grand-père qui est au cœur de cet album et que son petit-fils Roméo n’apprécie guère. Il vit seul, ronchonne, bref ne se montre pas d’une compagnie très agréable pour un gamin de 10 ans. Pourtant, son père le laisse une semaine chez lui pour régler une affaire, une semaine où le petit Roméo va découvrir ce que cachent les silences, et peu à peu, au fil des bribes de conversations, le pourquoi des silences.
Entre des mots d’italien et des aveux concernant le passé, le vieil immigré esquisse sa trajectoire de travailleur, son isolement aussi car la famille est restée au pays. Sa femme Giulia fait partie de ces fantômes qui peuplent à présent ses journées et dansent autour de lui, sombres, inquiétants, les restes d’un monde qui ne lui a pas apporté le bonheur qu’il escomptait. La peine qui le plombe rend le récit émouvant…
Graphiquement, sur les 130 pages qui prennent le temps de montrer, avec tout au plus six images par planche, le dessin se fait coloré, méditerranéen, loin des grisailles supposées de la Belgique charbonneuse. Et les mots viennent, parcimonieusement, comme les secrets qui se dévident finalement, douloureusement, inévitablement.
Alors bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD-> http://9990045v.esidoc.fr/] et sur Facebook).
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« Macaroni ! » par Thomas Campi et Vincent Zabus
Éditions Dupuis (24 €) – ISBN : 978-2-8001-1636-4