Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...Fillette avant-guerre : 1909-1942 (deuxième partie)
Suite de la reprise du dossier de Michel Denni consacré à Fillette, le premier petit illustré féminin, et publié à l’origine dans Le Collectionneur de bandes dessinées (au n° 93 daté du printemps 2001 et au n° 94 daté de l’été 2001). Pour consulter la première partie, cliquez ici : Fillette avant-guerre : 1909-1942 (première partie).
Du mélo comme s’il en pleurait
Fillette publie aussi de nombreuses bandes mélodramatiques, toutes empreintes de misérabilisme, car s’adressant essentiellement à un jeune public d’origine populaire. On sent l’influence d’Hector Malot dont « Sans Famille » remporte un succès considérable depuis sa prépublication dans Le Siècle (1877-1878), mais en moins bon : l’intrigue se résumant ici, grosso modo, à découvrir comment une « âme honnête » résiste aux coups du sort. Tous les archétypes sont au rendez-vous : enfants perdus, persécutés, retrouvés, souvent orphelins et ruinés, recueillis par des canailles qui les exploitent ou en veulent à leur héritage.
Au n° 25, en avril 1910, le genre débute avec « Le Petit Ramoneur », histoire sous la Révolution d’un jeune ouvrier battu à coup de martinet par son bourgeois de patron. Mais comme ce dernier a envoyé le comte de Vauxeuil en prison, notre petit ramoneur le sauve à temps de la guillotine. Pour le remercier, l’aristocrate l’emmène avec lui en émigration et en fera plus tard « un jeune homme instruit et distingué ».
Gageons que cette histoire a dû, en ce début du XXe siècle, émouvoir beaucoup de petites filles éduquées dans le respect des grands de ce monde. La bande, agréablement mise en couleurs, en des cases à bordures dorées et ciselées comme pour un miroir, est signée Le Riverend, lequel récidivera deux ans plus tard, dans Fillette, avec « Chanteclairet à Paris » : une histoire en images de peu d’intérêt où un jeune moineau provincial quitte le nid paternel pour vivre sa vie de piaf sur les toits parisiens.
Autres mélos : « Le Calvaire de Geneviève » (1911-1912) de A. Buguet,avec maman à l’hôpital, errance sur les routes dans une roulotte, etc., « Lolotte » (1912) dessinée par Dam, où une jeune orpheline est injustement accusée de vol, et « Jacques et Madeleine ou le Dévouement filial » (1912-1913) d’André Galland, dont le titre est à lui seul tout un programme. Aucune fioriture exagérée chez Galland, le trait, juste et précis, réaliste en diable, court à l’essentiel.
Dans « Mauviette, l’amie des bêtes » (1912-1913), il sacrifie pourtant à la mode avec des cases accrochées à des branches d’arbres, mais bien carrées et bien alignées.
Dans « les Aventures d’une petite danseuse de corde » (1913), elles sont entourées d’arabesques et pour « Sonia, la princesse des loups » (1916-1917), elles prennent la forme d’un bulbe : probablement à cause de l’exotisme slave.
Enfin, n’oublions pas, ce qui n’enlève rien à son talent, que Galland a réussi à enlaidir Lili de 1916 à 1918.
Il est vrai qu’elle évoluait alors sous les obus dans des paysages dévastés incompatibles avec les flaccidités de l’Art nouveau.
À propos d’André Galland (1886-1965), rappelons qu’il est sorti premier de l’école des Arts décoratifs en 1905 (1). Ce talentueux et prolifique auteur commence la même année comme illustrateur dans Mon Dimanche. Il sera dessinateur-reporter judiciaire, peintre de talent, affichiste réputé, créateur de faïences pour Henriot à Quimper, de lithographies et même musicien.
Dans la presse pour jeunes, il collabore chez Offenstadt, à Fillette, mais aussi à L’Épatant (1908), L’Intrépide (1911), Le Pêle-Mêle (1924), etc. Et chez d’autres éditeurs à Lisette (1939), Pierrot (1949), Jeudi-Matin (1949-1950), L’Intrépide de Del Duca (1950), Le Parisien libéré avec « Rocambole » (1949-1956).
Il illustre Jules Verne, Erckmann-Chatrian, Simenon, Courteline, Conan Doyle, etc. sans oublier la fameuse série de fascicules populaires Miss Boston écrits par Antonin Reschal chez Albin Michel, en 1910. Il terminera sa vie président de l’Union des artistes et dessinateurs français et… du Bal des barbus.
Après la guerre, Galland, très à l’aise dans tous les genres, aborde à nouveau le mélodrame dans Fillette avec « Le Secret de Mirkaïm » (1918) où deux bandits (forcément allemands) jettent une petite hindoue à la mer. L’enfant est sauvée par deux Français bien sous tous rapports qui démasquent les criminels.
Galland signe aussi « Rosette » (1919-1920) mettant en scène un marquis criminel essayant d’assassiner une enfant pour l’empêcher d’hériter, puis « Pépita, la petite saltimbanque » (1920-1921), sur un texte de Jo Valle, où une fillette volée par des gens du voyage finit adoptée par un milliardaire australien avant de revenir en France aider ses parents, modestes ouvriers agricoles.
N’oublions pas, pendant la guerre, quelques autres aventures mélodramatiques de moindre importance : « Bastienne » (1916), avec une gentille fillette devenue orpheline subissant les mauvais traitements de méchants cousins, « La Petite Marquise » (1917-1918) et « Cendrillonnette » (1918-1919), tous trois de Le Riverend ; « Papa Fifi » (1917) de Maurice Watt, relatant les démêlés d’une jeune enfant Yvonne d’Ambleuse avec sa belle-mère qui tente de la noyer afin de capter une immense fortune ; « Ginette » (1918) de Janko où une jeune héritière est victime d’une bande d’aigrefins.
Enfin, évoquons à nouveau Raymond Tournon, artiste complet qui maîtrise avec talent des bandes mélodramatiques.
C’est le cas, par exemple, de « Dominiquette » (1913) ou « Michelinette » (1917) dans un style plus réaliste certes, mais, Art nouveau oblige, parsemé de vignettes en arcades avec culs de lampe.
Dans les années 1920, le genre est surtout représenté par A. Buguet qui continue parallèlement une carrière de dessinateur humoristique dans Le Régiment (1920-1925), Le Pêle-Mêle (1924) et plus tard La Vie de garnison (1934).
Outre les aventures fantastiques de Nonchalante et Brillante en 1919, Il signe surtout « Aventures de deux jumeaux » (1921) où deux jeunes garçons fuyant un collège près de Londres sont recueillis par un vieux docteur, suivi de « Renée, l’enfant des mouettes » (1921-1922), où un explorateur dur et brutal abandonne une fillette de trois ans sur un rocher à marée montante.
Le Riverend n’est pas en reste dans le mélo avec « Les Mémoires d’une poupée » (1920-1921) et « Le Myosotis merveilleux » (1922), tous deux empreints d’une touche fantastique avec des pages couleurs attrayantes, « Les Malheurs de Betty » (1926-27) : une fillette qui de fausse grand-mère en comte-espion triomphe toujours de l’adversité. Au cours des années 1930, le genre va perdre de son importance et se termine par « La Fauvette de Mantoue » (1939-1940) conjuguant avec bonheur mélodrame et aventure historique sur scénario de Jo Valle. Le dessin est dû à Pablo Roig : un artiste d’origine espagnole qui a débuté dans Le Frou-Frou en 1902 et travaillé chez les Offenstadt dans La Vie en culotte rouge, de 1904 à 1912.
L’aventure héroïque et historique
Il s’agit d’aventures mettant en scène des personnages fictifs évoluant dans un cadre historique où se produisent, en général, de grandes tensions sociales (croisade, révolution, etc.). L’auteur privilégie toujours la petite Histoire, amplifie le côté anecdotique des événements en les saupoudrant d’actions héroïques.
« La Fiancée du chevalier » (1910-1911) se situe en 1361 à l’époque où les grandes compagnies brigandaient le royaume de France. La bande paraît d’abord en dernière page (en couleurs) et se retrouve reléguée sur la fin en noir et blanc, en page 12 du journal. Arabesques et fleurs ornementent les cases, tandis que des colonnes torses ou toscanes délimitent les strips. L’auteur, Lubin de Beauvais, s’est fait connaître comme dessinateur humoriste dans Le Petit Journal pour rire en 1865, collaborant au Rire (1895-1915), à La Caricature (1902), au Pêle-Mêle (1906-1910), etc. Et, pour les Offenstadt, à L’Intrépide (1911) et L’Inédit (1912). Il a aussi illustré avec talent Choderlos de Laclos, Raymond Radiguet, Musset ou Restif de la Bretonne. C’est, par ailleurs, un peintre auteur de sanguines et d’aquarelles.
Dam, avec « Les Enfants du galérien » (1910-1911), dessine un caissier condamné pour vol à douze ans de galère en thermidor An VI, sans même que la Révolution soit évoquée. Pierre Rivaltar, avec « La Petite Vivandière des Bleus » (1912), s’inspire des guerres de Vendée sur un texte réactionnaire en diable d’Alphonse de Crozière où une jeune vivandière de l’armée républicaine bretonne sauve Aurore de Tacheraie qui faisait le coup de feu dans le camp royaliste, déguisée en chouan. La paix revenue, la vivandière deviendra noble en épousant Sylvain de la Tacheraie, tandis que son frère, magnanime capitaine de la République, se mariera avec la belle Aurore.
« Par ordre du roi ! » (1915-1916) se situe en Espagne, dans la seconde moitié du XVe siècle, à la cour d’Henri de Castille.
Cette sombre histoire de vassaux révoltés est dessinée par Le Riverend qui s’inspire d’un texte fourni de Crozière.
André Vallet signe en 1917-1918 « Les Aventures de Françoise de Ligne » qui débutent le soir de la Saint-Barthélémy, le 23 août 1572. Antoine de Maulevert, gentilhomme catholique, recueille une jeune fille protestante, Françoise de Ligne, dont les parents viennent d’être massacrés.
Vallet dessine, toujours à la façon estompée qui caractérise son style, cette dramatique aventure des guerres de religion.
De son côté, Galland, après avoir quitté « L’Espiègle Lili, » commence, en fin d’année 1918, « Fille de soldat ». L’action ne se déroule pas pendant la Grande Guerre qui vient de se terminer le 11 novembre, mais en 1792. Un noble, le capitaine de Barsac, est accusé d’avoir émigré, alors que des bandits à la solde d’un usurier l’ont fait disparaître. Celui-ci rachète à vil prix le château et les biens du capitaine. Mais, heureusement, la fille de ce dernier, aidée du garde-chasse et de son fils, et plus tard d’un député de la Convention, vont lui faire rendre justice. « Fille de soldat » obtient les honneurs de la première et des deux pages centrales, toutes trois en quadrichromies, où prédomine le vert couleur de l’espérance avec surabondance de cercles, de volutes, de crochets, de bouquets de drapeaux, de lances ou de fleurs. On se croirait dans une fête dédiée à la Déesse Raison par Robespierre. Le texte de Paul Darcy décrit l’action tout autant, sinon plus que les images souvent en médaillons. Le graphisme de Galland, extrêmement soigné, avec un sens remarquable de l’ellipse, exalte cette histoire pleine de fureur et, pour une fois, située du côté républicain.
« Fille de soldat » est suivie de « Paola, la Vénitienne aux cheveux d’or » de Janko, sur un texte de P. Salmon. L’action se passe cette fois en 1859, à l’époque de l’indépendance italienne. En première et pages centrales couleurs, on peut admirer des colonnes genre Toscanes où sont accrochées des têtes de bouc. Des cordons de rideaux jaunes les relient, ornés de rubans roses.
Toujours de Janko, « Bernard le ménestrel » sur un texte de S. Moureu débute en février 1920. L’histoire se situe en l’an de grâce 1239. On assiste au départ d’une croisade dirigée par le comte de Champagne Thibaud IV. Il s’agit d’aller « en Terre sainte guerroyer contre les hérétiques… », là « où les Turcs font subir mille tortures aux chrétiens » (sic). Il est vrai que l’Empire ottoman, dont faisait partie la Turquie, était l’allié de l’Allemagne pendant la Grande Guerre. La première page en couleurs est décorée de blasons, les pages centrales d’écussons, de bannières et d’oriflammes.
Janko réalise aussi « Le Page de Dame Isabeau », sur un texte de Jo Valle.
On est en 1188 cette fois, avec encore un départ en croisade, celui du comte Thibault de Mortchamp laissant en son château son épouse la douce Isabeau. L’action se déroule en France où Raymond, page de la dame, lutte contre des malfaisants qui profitent de l’absence du comte pour ravager le pays. Cette longue et passionnante histoire s’étend sur trente-six chapitres, en dernière page en couleurs, à raison de trois strips par planche, chaque strip possédant une case centrale cerclée en médaillon-jumelle.
Retour à la Révolution avec « Riolette la petite colonelle » signée Rolno et Paul Darcy où la République est à nouveau à l’honneur. En 1798, Riolette de Langerville, jeune aristocrate, a choisi de rester fidèle à la patrie. Elle s’engage déguisée en soldat pour la Campagne d’Égypte, sera faite prisonnière par le bey Mohammed, s’évadera et tout se terminera autour d’une barrique de cantinières où l’on trinquera à la victoire en compagnie du général Bonaparte le verre à la main.
« Le Secret du Sire de Galluy » (1921) d’André Galland conte, en noir et blanc, une sombre machination en 1407 sur fond de lutte entre le duc d’Armagnac et le duc de Bourgogne,
tandis que « Le Chevalier noir » (1921-1922) de Le Riverend met en scène une terrible vengeance à l’époque des Croisades.
Puis le genre historique va se tarir dans les années 1920 et 1930, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la Grande Guerre, au profit du mélodrame et de l’aventure humoristique avec, de temps en temps, quelques résurgences larmoyantes sur les malheureux nobles étêtés par la Révolution dans « Isabelle de Guérard » (1927) et « Charlotte de Chavarny » (1936-37).
L’aventure humoristique : du burlesque à la loufoquerie.
Évidemment, on ne rencontre pas, dans Fillette, des caleçonnades vaudevillesques et des plaisanteries gauloises, mais surtout du comique animalier ou du burlesque genre farce et attrape tel qu’on en voyait à l’époque dans les films muets de Mack Sennett ou de Charlie Chaplin. Plus tard, à la fin des années 30, les bandes humoristiques vont dériver vers la loufoquerie avec Mat et Thomen.
Hormis, « L’Espiègle Lili », elles ne sont pas « à suivre », au début du journal, au-delà de deux numéros et se résument le plus souvent à quelques strips, voire une planche par parution. Nicolson, dès le premier numéro, dessine des bandes comiques animalières de qualité : « Le Singe et la Psyché », « Le BÅ“uf et l’Épouvantail » (n° 1), « L’Escapade » (n° 2 et n° 3).
Il occupe souvent toute la dernière page en couleurs, alors que les autres humoristes
se contentent de planches partielles en noirs et blancs dispersées à l’intérieur du journal.
Au n° 4, Louis Forton, le célèbre créateur des « Pieds nickelés » (2), avec « Le Billet de loterie » et Le Bocain avec « Le Remède efficace » réalisent chacun trois strips, tandis que Lothdonne dans le comique troupier avec « Un factionnaire ingénieux ».
On rencontre aussi Fertom qui signe « La Villa des lapins » (n° 6), Ymer avec « Un compliment » (n° 7), Arthur Perrier avec « Aventures de Dardignac et Pompertuzan » (n° 8), F. Lafon avec « la Gourmandise punie » (n° 20), Harry Gonel avec « Ali le petit cireur » (n° 51), Marcel Arnac avec « Le Papillon du savant Cornibus » (n° 142), etc.
Le Bocain est un illustrateur humoristique qui a débuté en 1895 dans La Chronique amusante. Puis il a travaillé entre autres au Pêle-Mêle (1896-1905), à La Vie amusante (1903) et à L’Illustré national.
Loth s’est fait connaître dans La Vie en culotte rouge (1904-1907). Fertom est aussi dessinateur politique. Il a collaboré au Pilori (1894-1898), au Rire (1899-1900), à La Tomate (1903), etc.
Ymerqui signe aussi de son nom Lucien Méry a participé à L’Illustré national (1901), Le Sourire (1901-1909), Le Gavroche (1902), Les Images pour rire (1905). Il devient l’un des collaborateurs attitrés de La Jeunesse illustré où il débute, dès 1910, avec « L’Oncle d’Amérique », et des Belles Images où il dessine « Sara, reine des Gitanes » (1913).
Arthur Perrier a débuté en 1893 dans Le Triboulet et s’est fait connaître dans Le Bon Vivant (1899-1903), Le Tutu (1901-1902), La Gaieté gauloise (1903), etc.
F. Lafon, auteur de cartes postales pendant la Grande Guerre, a été un habitué du Pêle-Mêle (1909), de La Vie de garnison (1910), de La Baïonnette (1915).
Harry Gonel participé à L’Intrépide (1911), L’Inédit (1914), L’Almanach Vermot (1918-1922).
Enfin Marcel Arnac (1886-1931) a été affichiste pour Le Merle blanc, illustrateur de François Villon et écrivain de romans d’humour.
On le rencontre dans L’Illustré national (1903-1910), L’Épatant, le Cri-Cri et L’Intrépide dès 1911, Pages de gloire (1914-1918), Le Canard enchaîné (1918), La Vie parisienne (1919-1930), etc.
Il a aussi publié ses souvenirs dans « Les Mémoires de M. Courpandouille » en 1931. (3)
En février 1923, André Vallet termine « L’Espiègle Lili ». Celle-ci va être absente jusqu’en 1933 du journal et ne sera publiée qu’en dix albums papiers de mai 1921 à juillet 1926 (quatre de 96 pages + six de 64 pages) tous dessinés par René Giffey.
Ce dernier signe en plus, dans Fillette, plusieurs séries humoristiques : « Les Espiègleries de Friquette » sur un texte de Jo Valle à partir de 1923, « Nigaude et Malicette » (1929-1933)
et, surtout, « Les Aventures de la Petite Shirley » (1935-1941). (4)
Pour « Shirley », sous-titrée « La Plus Petite des grandes vedettes », il reproduit avec talent l’air mutin et les boucles blondes de la jeune actrice Shirley Temple, l’enfant prodige qui a débuté à quatre ans au cinéma avant de devenir en 1934 la star n° 1 au box-office.
Un texte copieux de Léo Dartey tente de résumer les scénarios des films produits alors par la Fox, tous plus insipides les uns que les autres. Entre-temps, Giffey a repris à nouveau « L’Espiègle Lili » en 1933 avec l’épisode « L’Espiègle Lili fait des siennes » où on la retrouve à nouveau adolescente, blonde avec une mise en plis, et toujours accompagnée d’un récitatif fourni de Jo Valle.
Autre bande humoristique de qualité : « Le Prince Caprice » (1926-1927) dessiné par André Galland, dont le graphisme, art déco aidant, est devenu plus large, plus aéré, plus géométrique, agrémenté d’aplats sombres.
Côté humour, n’oublions pas deux séries animalières de qualité : « Les Aventures du Chien Brownie » (1926-1927) de Nicolson, dessinateur dont nous avons déjà parlé et « Peter Pupp » (« Bobby Chien »), première bande américaine à paraître dans Fillette, de 1938 à 1939.
Son auteur, Bob Kane, a déjà publié « Hiram Hick » en 1936 et deviendra célèbre trois en plus tard en créant, sur scénario de Bill Finger, le célèbre justicier chauve-souris Batman dans Detective Comics. Bobby Chien et son ami Teuf-Teuf sont deux détectives canins d’inspiration disneyenne qui traquent les mauvais garçons.
Ils ont été créés aux États-Unis dans Fiction House en 1937 et Bob Kane les animera dans un style très expressionniste jusqu’à l’apparition de Batman en mai 1939.
Changements prudents en « âge d’or ».
La paix revenue, les Offenstadt continuent à étendre durant les années vingt leur influence dans la presse populaire et bien au-delà des journaux pour jeunes, reprenant des titres défaillants comme L’Almanach Vermot (1924), Le Pêle-Mêle (1924), créant Sciences et Voyages (1919), Mon Ciné, Le Film complet (1922), Le Parfait Débrouillard, Tous Sans-filiste, Tous Prestidigitateurs (1929), etc. En septembre 1928, ils fondent la Société parisienne d’édition (S.P.E.), déménagent au 43, rue de Dunkerque en novembre 1930, traversent la crise économique sans trop de mal malgré la chute de leur cotation en bourse de 1927 à 1930 suivie d’un nouvel essor de 1933 à 1935.
Ils sont évidemment confrontés à l’arrivée des journaux dits de « l’âge d’or » publiant des bandes américaines : Le Journal de Mickey le 21 octobre 1934, précédant Robinson, Hop-là , Hurrah !, Aventures, etc.. Les formats, immuables depuis un quart de siècle, laissent la place à de grandes pages et des maquettes aérées. Les textes sont désormais dans des ballons et participent à l’action sans la commenter. L’impression devient plus soignée, les couleurs gagnent en qualité, les audaces de cadrage et de découpage se multiplient.
La S.P.E. réagit par un toilettage de ses publications destinées aux garçons : L’Épatant modifie trois fois son look, L’Intrépide et Le Petit Illustré s’agrandissent avant de changer de titre et un journal géant, Junior, est créé en avril 1936, avec « Tarzan » en pleine première page.
Mais comme Fillette ne subit la concurrence que de trois publications imperméables à toutes innovations (La Semaine de Suzette, Lisette et Bernadette), les réformes resteront mesurées. Les Offenstadt se contentent dans un premier temps d’alléger le bandeau titre qui se sépare de ses roses et de rajouter un sous-titre, Le Journal de Shirley, à partir de 1935. Deux bandes américaines sont accueillies en 1938 : « Bobby Chien » (« Peter Pupp ») de Bob Kane, déjà évoquée, et « Bébé Chiffon » (« Babe Buntig ») de Frank Godwin, toutes deux évidemment publiées avec textes dans des bulles, alors que « La Petite Shirley » de Giffey subit toujours un copieux récitatif.
« Babe Buntig », une petite fille blonde vêtue d’une jupe à carreaux, participe à des aventures mélodramatiques et policières en compagnie de son frère Mich’Boum.
Créée par Fanny Young Cory pour le King Feature Syndicate en 1934, elle est ici dessinée par le talentueux Frank Godwin, auteur par ailleurs de la célèbre « Connie » et de « Rusty Riley ». « Babe Buntig » est sortie en France l’année précédente sous le nom de « Baby » dans Jumbo et se retrouvera plus tard dans les titres génériques « Les Aventures de Françoise et Claude » dans Les Grandes Aventures (1940) et « Nicole et Guy », successivement dans Hurrah ! (1941), Tarzan zone libre (1941) puis L’Audacieux (1942).
Elle fera aussi les beaux jours des collections de récits complets Le Supplément de Hurrah ! (1941), Le Supplément de L’Audacieux (1942) et Les Grandes Explorations (1943).
 Michel DENNIÂ
 Mise en pages et mise à jour du texte : Gilles Ratier
 (1) Voir aussi les articles sur André Galland dans Le Collectionneur de bandes dessinées n° 19 (1979), n° 75 (1994) et n° 83 (1997).
(2) Voir « Louis Forton et les Pieds nickelés : essai de chronologie » dans le n° 35 du Collectionneur de bandes dessinées (1982).
 (3) Voir « 5 000 dessinateurs de presse et quelques supports » par François Solo, éditions Té.Arte (1996) pour des bibliographies plus approfondies sur ces dessinateurs humoristes.
 (4) Sur René Giffey, voir surtout Le Collectionneur de bandes dessinées n° 41, mais aussi le n° 26 et le n° 101, ainsi que Pilote/Charlie n° 11, Haga n° 20-21, Pulps n° 6, L’Âge d’or n° 30, Hop ! n° 65, n° 82 et n° 131, Charlie mensuel 1ère série n° 69, L’Avis des bulles n° 3 ou Bananas n° 8.
Bravo Michel DENNI (et à ce site, pour avoir repris son travail). A noter que Félix JOBBE DUVAL, dont il fait l’éloge dans la suite de cet article, a commencé sa participation à FILLETTE, dès 1925. D’abord en illustrant des poésies, des fables, puis par des pages « animalières », dont la première sous le titre » Les Trois chats, la souris et l’horloge » va durer de Mai à Déc. 25 et sera suivie de beaucoup d’autres. Sa première histoire suivie » « La Princesse Flora » parait en 1928 mais n’est pas signée. Peut-être parce que dans le même temps Félix JOBBE DUVAL travaille pour des journaux plus « bourgeois » et/ou très catholiques : Lisette, L’Echo du Noël, Bayard, Bernadette… D’autres histoires suivies, signées cette fois, suivront : La Châtelaine repentie en 30-31(25 numéros); La Fille du sorcier en 31-32. Et bien d’autres encore, jusqu’à la guerre et même après.
Encore merci aux auteurs de ce site.
Bonjour,
Merci pour toutes ces précisions sur Félix Jobbé Duval, auteur que j’apprécie aussi beaucoup.
Avec mes meilleures salutations,
Michel Denni
bonjour je viens de retrouyver chez un oncle une cinquantaine de revue Fillette année 31 et 21 année 1939
quelles valeurs ont-ils ? avec mes remerciements
Félicitation pour ce site passionnant. J’aimerais avoir des informations sur l’illustrateur Raymond Tournon. Y a t-il moyen de savoir précisément l’ensemble de ses publications en illustration?