« Colère nucléaire » T1 & 2 par Takashi Imashiro

Le 11 mars 2011, un tsunami a durement frappé le nord-est du Japon. Comme ce pays est habitué à ce genre de manifestation naturelle, on pensait le Japon était préparé à une telle catastrophe. Pourtant, le pire s’est produit : une centrale nucléaire ayant été construite face à la mer, elle a été balayée en un instant. La région de Fukushima est maintenant contaminée pour de nombreuses années. Tokyo n’est pas loin, mais les habitants semblent insouciants. Sauf Satô, un simple salarier qui va investiguer comme un vrai journaliste. Ce qu’il va découvrir va l’amener à s’investir pour que son pays sorte du nucléaire.

Au début, Satô, comme tous les Tokyoïtes, suit les informations sur les conséquences du tsunami ayant frappé la centrale à moins de 300 kilomètres de chez lui. C’est assez proche pour être contaminé, mais trop éloigné pour que les gens soient réellement effrayés. Il se rend vite compte que le gouvernement est complice de la désinformation et les Japonais prennent cet événement à la légère, comme une fatalité. Neamoins, il va se rendre compte qu’il n’est finalement pas le seul à être en colère. Un petit groupe va se former puis, en prenant de l’ampleur, manifester, tenter d’informer, faire bouger les choses et rétablir la vérité. Mais la tâche est ardue, car les politiciens n’hésitent pas à mentir ouvertement et les médias ne font que relayer les informations officielles sans investiguer.

Dans ce manga, qui est un vrai cri de colère comme son titre le montre bien, Satô se pose énormément de questions. Les réponses n’arrivent pas toujours immédiatement, mais il essaie de comprendre tant bien que mal. Il ira même jusqu’à se rendre, clandestinement, non loin de la centrale. Mais c’est dans sa vie de tous les jours qu’il est le plus perturbé. Est-ce que le fruit qu’il mange est contaminé ? Ce sushi est-il fabriqué avec des poissons radioactifs ? Dois-je boycotter ce magasin à côté de chez moi, car il soutient la politique nucléaire… ?

Takashi Imashiro s’est lui-même rendu à Fukushima où il s’est mis en scène devant la centrale comme il l'explique dans le manga.

Avec « Colère nucléaire », on sent immédiatement que Takashi Imashiro a voulu dresser un portrait à charge contre le gouvernement japonais qui n’a pas pris les bonnes mesures pour protéger son peuple. Un gouvernement à la solde des Américains où la politique économique prime sur l’environnement et le sol qui sera légué aux générations futures. Du coup, sa colère transparaît dans son manga. Son héros est renfrogné, il est en constante ébullition, prêt à se battre pour faire éclater la vérité et informer sur les vrais dangers du nucléaire.

C’est la première fois que Takashi Imashiro est publié en France. Son graphisme, proche du dessin de presse, pourrait rebuter certains lecteurs. Tout comme la grossièreté du héros qui traduit son impuissance et son mal-être. Plutôt spécialisé dans le manga humoristique, l’auteur devient tragique en gardant son trait caractéristique. C’est un vrai travail d’investigation. Tel un journaliste il dessine ce qu’il vit, ses questionnements et ses doutes permanents. Un manga de vrai militant, ce qui lui a valu d’être sélectionné pour le 22e prix France Info de la bande dessinée d’actualité et de reportage.

Bien sûr, chaque volume est accompagné de textes complémentaires pour mieux appréhender la situation : des interviews, une chronologie des événements, un lexique pour comprendre les spécificités du japonais. C’est un vrai documentaire mettant en exergue les défaillances du système. Même si cette partie est un peu lourde à digérer, il est intéressant d’y revenir pour approfondir la question du nucléaire et les enjeux que cela représente. il est juste dommage d’avoir dû placer ces clefs de compréhension en fin de volume, car la plupart des lecteurs, peu familiarisé avec le japon et sa politique devront forcement faire d’incessants aller-retours au gré de leur lecture.

Ce triptyque s’inscrit dans la suite logique des deux précédents mangas également édités par Akata sur Fukushima. « Daisy » qui revenait sur la vie des habitants proches de la centrale détruite et « Je reviendrai vous voir », un reportage sur le parcours d’un illustrateur jeunesse cherchant à aider tant bien que mal la population sinistrée. L’écologie est au centre des préoccupations de cet éditeur qui s’est éloigné du brouhaha parisien pour se ressourcer dans un petit coin de campagne tranquille et sortir des titres en adéquation avec ces valeurs militantes. Voilà un manga qui nous fera, je l’espère, prendre conscience que nous vivons sur une planète fragile et qu’il ne faut pas obligatoirement prendre pour argent comptant les informations qui nous sont distillées. Elles ne sont souvent là que pour servir des intérêts qui ne sont pas forcément ceux des simples citoyens. Akata nous prouve encore une fois que le manga peut amener une réflexion saine sur notre monde.

Gwenaël JACQUET

« Colère nucléaire » T1 & 2 par Takashi Imashiro
Éditions Akata (7,95 €) – ISBN : 9782369740834

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