Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Kasane » T1 par Daruma Matsuura
Kasane est une jeune fille maltraitée par ses camarades de classe. Sa mère, grande actrice à la beauté flamboyante, a malheureusement mis au monde un enfant au visage répugnant, source de tous ses malheurs. Aujourd’hui, cette mère vient de décéder. Pourtant, avant de disparaître, elle n’a pas oublié de révéler un secret à sa fille : si un jour elle était triste, elle devrait regarder dans le tiroir de sa coiffeuse. Il s’y trouve un rouge à lèvres à même de l’aider.
Comme si un simple rouge à lèvres pouvait rendre le sourire à une jeune fille défigurée depuis sa naissance. Pourtant, comme dans un conte de fées, ce stick a un pouvoir magique. Il permet à son utilisateur d’emprunter le visage d’une autre personne le plus simplement du monde. Un unique contact des lèvres enduites du fameux rouge suffit. Au départ, Kasane est très circonspect, mais comprend que c’est peut-être là le secret de la beauté de sa mère. Comme elle, Kasane travaille dur pour devenir une grande actrice, mais elle sait que c’est un rêve inaccessible. Sauf que maintenant, avec son pouvoir, elle va peut-être enfin avoir une once de reconnaissance. Malheureusement, lorsqu’elle intervertit son visage avec celui d’une fille plus belle qu’elle, le public ou ses amis ne voient plus la souillon Kasane, mais juste son substitut qui obtient alors la gloire à sa place. À moins, qu’elle décide de l’éliminer et de prendre définitivement cette place.
Cruel dilemme où la beauté physique dépasse la beauté intérieure, car Kasane est plutôt gentille : elle est même douée et essaie de dépasser son infirmité, tout en sachant que tout ce que font ses camarades de classe ne sert qu’à l’humilier en la plaçant dans des situations intenables. C’est d’ailleurs comme ça que son premier changement va avoir lieu. Afin de la rabaisser, les autres élèves l’incitent à prendre le rôle de Cendrillon dans la pièce que l’école est en train d’organiser. Sauf qu’il ne faudrait pas que ce laideron rafle la vedette. Une des élèves, bien décidée à prendre sa place, fit en sorte qu’on doive la conduire à l’infirmerie. C’est ici que Kasane passe à l’action en intervertissant leurs visages. De retour sur scène, elle fait sensation et personne ne se rend compte de la supercherie. La suite est plus tragique, mais Kasane, de son côté, commencet à entrevoir les nouvelles possibilités que lui offre ce pouvoir.
« Kasane, la voleuse de visage » est un conte où la noirceur humaine s’exprime dans son entièreté. Les enfants sont malheureusement méchants entre eux. Surtout avec ce qui est différent et repoussant. Sans tomber dans des situations dramatiquement outrancières, cette histoire exploite l’image que l’on véhicule et la peur que l’on peut susciter. C’est un récit poignant, tout en finesse, où l’on voit que l’amitié et l’antipathie ne sont pas des sentiments simples à gérer.
Avec son trait dynamique, Daruma Matsuura nous ensorcelle. Elle développe un univers de mensonge où les apparences sont trompeuses. Une série dont 7 tomes sont déjà parus au Japon. La suite s’annonce bouleversante et la tension va monter crescendo. Un manga fantastique, dans tous les sens du terme.
Gwenaël JACQUET
« Kasane, la voleuse de visage  » T1 par Daruma Matsuura
Éditions Ki-oon (7,65 €) – ISBN : 9782355929359