Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XVe siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.
Lire la suite...« Doigts d’honneur » par Bast et Ferenc
Le titre est ambigu. Heureusement, le sous-titre, « Révolution en Égypte et droits des femmes », est nettement plus explicite. Les auteurs s’attachent en effet, dans cet album, à mettre en lumière ce que cachent le printemps arabe égyptien et l’après Moubarak : à savoir une totale discrimination des femmes vouées au mépris, au harcèlement sexuel, à la violence et aux viols…
En juin 2013, deux ans après la chute de l’ancien dictateur obtenue par la rue, Morsi a pris le pouvoir et pour contraindre celui qui réinstalle peu à peu un régime autoritaire, la rue reprend le devant de la scène. Mais la place Tahrir n’est pas seulement un lieu d’affrontement politique, c’est un lieu d’assouvissement sexuel pour une catégorie d’hommes qui n’a aucune envie d’accorder quelque droit que ce soit aux femmes. Les hommes veulent plus de liberté, plus de démocratie… mais pour eux seulement !
Layla est de celles-là, timide mais courageuse, militante puis révoltée, elle va malheureusement subir l’horreur du viol et la honte de l’injustice. Non seulement, des hommes ont abusé d’elle sur la place publique, mais porter plainte, en tant que femme, semble un non-sens pour une police et des lois qui les déconsidèrent totalement. Dans une société hypocrite et archaïque, tout accuse et dénigre la femme qui tente de se frayer un chemin vers des droits élémentaires et qui, comble de l’exigence, veut obtenir réparation quand on attente à son corps et à son honneur. Mais c’est l’honneur des hommes et celui des familles qui comptent, seuls, pas celui de la femme !
Dans un récit bien mené, qui développe quand c’est nécessaire des parenthèses historiques et pédagogiques sur l’histoire récente du pays, le dessinateur Bast réalise un album très vivant. On lui doit déjà chez le même éditeur le très intéressant « En chienneté », une plongée dans l’univers carcéral et un témoignage de première main, sincère, sans concession, remarquablement bien écrit et dessiné avec un sens du portrait exceptionnel (l’album retrace les premiers contacts, les rencontres, présente des témoignages et anecdotes recueillis au cours d’ateliers, ainsi que l’auteur a animé à la prison de Gradignan, de 2004 à 2007).
Pour en revenir à l’Égypte, il faut pour compléter le tableau dressé par « Doigts d’honneur » lire ou relire « Cairo blues », publié chez Rackham. Pino Creanza y évoquait pas à pas et de façon pertinente les événements qui se sont déroulés en Égypte de 2008 à 2011 (voir notre chronique sur BDZoom).
Pour ce qui est de la déconsidération envers les femmes, il faut également découvrir « Arraigo » de Georges Van Linthout et Benjamin Fischer, publié récemment à la Boîte à Bulles, toujours avec le soutien d’ Amnesty International. Cette fois, c’est au Mexique en pays ultra catholique que l’action se passe. Avec un dispositif légal nommé arraigo permettant d’arrêter n’importe qui suspecté de trafic de drogue ou de liens avec les milieux criminels, les abus sont aisés, surtout quand la police ou les militaires dérivent sans garde-fous. C’est donc l’histoire de Miriam Lopez, une jeune femme de 30 ans, mariée et mère de deux enfants, enlevée par des hommes cagoulés puis détenue dans une base militaire. Accusée de trafic de drogue, elle est « torturée en toute impunité » comme dit le sous-titre, violée, et finira miraculeusement par en sortir puis, courageusement, ira déposer plainte… Son calvaire est prenant, angoissant et mis en images efficacement, le tout complété de pages d’informations sur la situation mexicaine en matière de lutte contre les narcotrafiquants et d’une postface signée Amnesty International.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
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« Doigts d’honneur » par Bast et Ferenc
Èditions La Boîte à Bulles (16 €) – ISBN : 978-2-8495-3235-5