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« le Journal des chats de Junji Ito » par Junji Ito

08/11/2015
Par Gwenaël Jacquet

Presque tous les gros éditeurs de mangas français ont au moins un titre sur les chats dans leur catalogue. En revanche, ces recueils sont tous à destination des enfants. Tous ? Non, Tonkam a eu l’audace de sortir « le Journal des chats de Junji Ito » : un récit autobiographique qui s’accommode très bien du style très particulier de ce maître du fantastique.

Junji Ito vient de se marier et a emménagé dans une nouvelle maison flambant neuve. Quelle ne fut pas sa surprise le jour où il a vu débarquer un arbre à chat directement livré par coursier ! Sa femme a en effet décidé de rapatrier son matou de chez ses parents. Junji, de son côté, préfère les chiens, mais comme il ne peut rien refuser à son épouse, il se montre docile. Même lorsqu’elle lui demande de l’amener dans une foire aux animaux pour récupérer un nouveau pensionnaire. Évidemment, il va craquer et tomber raide dingue de ces boules de poils qui vont envahir son environnement quotidien. Mais la cohabitation ne va pas se faire sans mal, ce qui amène un peu de piquant aux histoires distillées dans ce recueil.

L’auteur de « Spirale » et « Tomié » ne pouvait pas aborder le sujet des chats de manière enfantine, comme le font tous les autres mangakas. Il a su garder son trait charbonneux avec ses effets de spirales et autres artifices montrant le tourment des protagonistes. Même sa femme devient une magicienne sournoise sous sa plume. Sachant habilement communiquer avec ses animaux, contrairement à l’auteur, elle est quasiment toujours représentée sans pupilles. Comme si elle entrait en transe dès qu’un chat est à sa portée. Même Junji, qui exprime parfaitement ses angoisses, a de nombreux moments d’égarement où il ferait n’importe quoi pour ces chats. Il se crée même une sorte de compétition avec sa moitié, sans parler de toutes les tensions qui peuvent en découler. Pour ces passages, Junji Ito est vraiment à son aise et le lecteur retrouve immédiatement sa patte angoissante de dessinateur. Au final, c’est bien le chat qui choisit son maître et quelle satisfaction d’être l’élu ! Mais quelle déception quand l’auteur se rend compte que ce n’est pas toujours pour de bonnes raisons qu’il a eu droit à un semblant d’affection !

Les deux chats qui cohabitent avec Junji Ito et son épouse se prénomment Yon et Mu. Le premier est d’abord considéré à tort comme un chat maudit, car il arbore trois taches noires sur son pelage dorsal : leur répartition faisant immanquablement penser à une tête-de-mort. Peut-être est-ce pour cela qu’il est fourbe. Où est-ce tout simplement sa nature de chat ? Junji Ito, habitué aux histoires d’horreur, se plaît à glisser une bonne dose de fantastique dans son récit ; il exagère les intentions des animaux et arrive même, dans un accès de folie, à les personnifier.

Il faut souligner que cette édition est particulièrement soignée. Le livre format A5 à une couverture cartonnée qui est gaufrée et imprimée avec un vernis sélectif, ce qui lui donne un relief agréable à la fois au touché et a la vue. Voilà donc un très bel objet, en plus d’être un bon manga.

Bien évidemment, les amateurs de chats vont immanquablement se retrouver dans ce récit. Les lecteurs adeptes des précédents travaux du mangaka peuvent également apprécier ce travail inhabituel qui reste néanmoins bien ancré dans son univers, avec son style si particulier. Et même si le ton est adulte, les enfants peuvent également y trouver leur compte grâce à l’humour absurde de la plupart des scènes. Une réussite à tous les niveaux.