Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XVe siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.
Lire la suite...« L’Enragé du ciel » par Loïc Guyon et Joseph Safieddine et « Einstein : une biographie dessinée » par Anne Simon et Corinne Maier
Il y a des biopics qui ne volent pas haut – parce que la vie de gens célèbres n’est pas forcément intéressante – et il y a celles des aviateurs ! Là, évidemment, ça décolle ! C’est le cas de Roger Henrard, « L’Enragé du ciel », ou de Nungesser. Et puis, il y a des vies qui volent très très haut, qui voyagent même au-delà des étoiles, au-delà du temps en toute relativité, c’est le cas d’Albert Einstein !
Loïc Guyon et Joseph Safieddine, en évoquant Roger Henrard, ont choisi un homme apparemment peu connu dont la vie est pourtant tout à fait digne d’intérêt, d’autant qu’ils la racontent avec un peu d’humour. Au départ, l’homme n’est pas un foudre de guerre, ni un bourreau de travail, plutôt un bourreau des cœurs ! Dans le Paris de 1917, il a du mal à trouver sa place. Fort heureusement, son père hérite d’une grosse entreprise et le voilà casé ! C’est là qu’il se découvre une passion pour les avions. Un peu casse-cou, Henrard va même devenir un pilote exceptionnel. Enfin les « pieds sur terre », il met au point le matériel pour faire de la photographie aérienne, notamment Paris vu du ciel. Un succès ! Au même moment, sa sœur qui travaille aussi dans l’entreprise, s’offre une croisière qui finira très mal. Roger Henrard vole jusqu’à Djibouti pour finalement régler son compte à un capitaine violeur et assassin. Avec la Seconde Guerre mondiale, le voilà appelé à des fonctions d’espionnage des lignes ennemies. C’est risqué, mais l’homme aime l’aventure et recherche le combat (aérien, évidemment) et cumule les actes de bravoure.
Il est finalement muté en Algérie pour continuer la guerre, ce qui nous vaut de belles pages lumineuses, dessinées par un Loïc Guyon qui gère à la perfection son crayonné caricatural, léger, un peu naïf mais toujours vif et expressif, le tout joliment colorié. A noter qu’aux 140 pages de la bande dessinée, le scénariste, petit-fils de Roger Henrard, a ajouté un dossier comprenant beaucoup de photos et de documents.
On est loin du « Nungesser » réalisé avant l’été par Aseyn et Fred Bernard qui proposaient une vision très (trop ?) romancée de la vie du célèbre pilote basée sur les souvenirs d’une femme anonyme, dans un album ambitieux (150 pages également) malheureusement gâché par la reproduction peu lisible des dessins à la plume qui manquent souvent de netteté. Charles Nungesser, lui aussi aventurier, inventeur, séducteur, mène une vie à toute allure, voyageant entre l’Amérique du Sud, la France et les Etats-Unis, survivant à quatre ans de combats lors de la Première Guerre mondiale, jusqu’à sa disparition dans l’Atlantique en 1927.
Avec « Einstein : une biographie dessinée », c’est avec beaucoup d’humour et de distance qu’est racontée la vie du célèbre physicien, son parcours scientifique et idéologique – c’était un homme éclairé ! – et son parcours géographique. Car si son cerveau l’a amené à voyager au-delà des conceptions les plus cartésiennes admises à propos de l’univers, sa propre vie l’obligé à voyager de façon plus terrestre, quittant l’Allemagne pour s’installer aux Etats-Unis pour fuir le nazisme et sauver sa peau.
Quand on ouvre l’album, le dessin est la première surprise, caricatural et quelquefois d’une très grande simplicité, un dessin qui se « rachète » par une créativité ludique constante, jouant de la métaphore visuelle, de la superposition, du collage, du rébus, d’un redécoupage des planches astucieux, bref d’une mise en forme qui donne beaucoup d’attrait et d’entrain à ce portrait finalement très pédagogique, évoquant tour à tous le génie et les faiblesses d’un homme qui a marqué son siècle et dont l’œuvre est plus que toujours d’actualité. Après « Freud » et « Marx », Anne Simon et Corinne Maier signent là un troisième volume incontestablement réussi !
Alors, bons voyages,
Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
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« L’Enragé du ciel » par Loïc Guyon et Joseph Safieddine
Éditions Sarbacane (24 €) – ISBN : 978-2-8486-5828-5
« Nungesser » par Aseyn et Fred Bernard
Éditions Casterman (23 €) – ISBN : 978-2-203-07418-7
« Einstein : une biographie dessinée » par Anne Simon et Corinne Maier
Éditions Dargaud (14, 99 €) – ISBN : 978-2-2050-7314-0