Comme la plupart des Espagnols de sa génération (et des suivantes), le dessinateur Paco Roca (1) a grandi dans l’amnésie du passé récent de son pays, notamment de la répression franquiste : un sujet que l’on n’abordait jamais à l’école et dont on ne parlait guère en société, alors qu’il suscite aujourd’hui des débats passionnés. C’est de cette ignorance qu’est né son intérêt sur cette période de l’après-guerre d’Espagne : ce qui a abouti à la réalisation de ce pavé aussi sensible que rigoureux sur des années d’épouvante. Avec le scénariste et journaliste Rodrigo Terrasa, il y évoque la quête, autant personnelle que collective, d’une femme qui veut retrouver la dépouille de son père ou encore l’histoire d’un fossoyeur qui, au péril de sa vie, a permis à bien des familles de garder espoir…
Lire la suite...« Devil’s Line » T1 par Ryo Hanada
Pour cette troisième chronique d’octobre spéciale Halloween, nous allons évoquer, cette fois-ci, le cas des vampires : personnages stéréotypés en vogue depuis de nombreuses années. Cependant, les buveurs de sang de « Devil ’s Line » tranchent avec ceux que nous avons l’habitude de rencontrer. Ces créatures habituellement nocturnes vivent ici le plus simplement du monde, au milieu des humains : mais ils ont gardé leurs instincts meurtriers et, même s’ils essayent de les contrôler, la vue de la moindre goutte de sang, leur fait reprendre leurs mauvaises habitudes…
Tsukasa, jeune étudiante, se sent suivie. Soudainement, alors qu’elle rentre paisiblement de l’école accompagnée de son petit ami, un jeune homme je jette sur celui-ci, l’accusant d’être un vampire. Prénommé Anzai, il l’épiait déjà dans le métro. Ce garçon fait partie d’une brigade spéciale chargée de neutraliser les vampires avant qu’ils ne passent à l’acte, en tuant un humain pour boire son sang. Lui-même vampire de son état, il arrive à contrôler tant bien que mal ses pulsions. Notamment en se piquant, lorsque l’envie du sang devient trop importante.
Avec son lot d’action, une bonne dose de fantastique et bien évidemment une romance au parfum d’interdit, cette nouvelle incartade dans le monde des vampires se destine avant tout aux adolescents. Ici le monde de ces créatures n’est pas forcément celui de la nuit : ils naviguent en plein jour, au milieu des humains, ont un travail stable et semble assez bien intégrés, même si leur présence fait évidement polémique. Leur seule contrainte pour ne pas devenir de dangereux tueurs incontrôlable : ne pas s’approcher d’une goûte de sang. Ce qui, bien évidemment, met un peu de piment dans le récit. Et pour en rajouter une couche, une tueuse de vampires vient se greffer là-dessus: elle a juré d’avoir la peau d’Anzai.
Avec des dessins très clairs, à la limite du shojo manga pour le coté épuré, « Devil’s Line » est dans la ligné des séries vampiriques à la mode. Les aspects novateurs du scénario sont extrêmement bien trouvés et évitent certains clichés sans dénaturer le mythe. C’est également un manga très bavard, mais les nombreux dialogues de ce récit posent des questions justes : des réflexions sur la place que l’on occupe dans ce monde, facilement transposable dans la vie d’un ou d’une adolescente d’aujourd’hui. C’est peut-être parce que l’histoire se focalise pleinement sur l’interaction entre les humains et les vampires que les cases sont extrêmement sobres et, du coup, les décors presque absents.
Avec déjà cinq volumes parus au Japon, ce seinen, même s’il sort des canons habituels du genre, devrait rapidement conquérir les amateurs de littérature vampiriques en raison de son esthétisme et de son humanisme.
Gwenaël JACQUET
« Devil’s Line » T1 par Ryo Hanada
Éditions Kana (7,45 €) – ISBN : 978-2505063063