Vivant depuis 25 ans avec Tanie — qui est aveugle d’un œil et qui, en conséquence, doit se démener tous les jours pour s’adapter de son mieux aux charges du quotidien —, le dessinateur et scénariste Marc Cuadrado a repris ses crayons pour nous expliquer comment sa courageuse femme fait face à sa déficience visuelle. Pour l’occasion, cet adepte du style gros nez — « Norma » chez Casterman et « Parker & Badger » chez Dupuis ou « Je veux une Harley » pour Frank Margerin chez Fluide glacial et Dargaud (1) — renoue avec la discipline graphique qu’il avait abandonnée depuis une dizaine d’années : passant à autre trait, plus semi-réaliste, où sa plume se fait alors tendre et émouvante… même s’il insuffle toujours sa lumineuse touche d’humour personnelle !
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Depuis l’adaptation filmique de son autobiographique « Ferme africaine » (« Out of Africa »), Karen Blixen est bien connue ainsi que sa littérature (« Sept Contes gothiques » ou « Le Festin de Babette »…). Quel tempérament et quelle vie ! Les liens qu’elle a tissés entre Danemark et Afrique valent donc bien un nouveau petit voyage en sa compagnie…
En naissant en 1885, la petite fille surnommée Tanne n’avait guère de chance de découvrir le monde, la grand-mère protestante et despotique imposant son austérité et ses interdits sur sept enfants évidemment obéissants. L’une d’elles épousa un homme aventurier et sauvage, Wilhelm Dinesen (à 28 ans, il parcourt l’Amérique du Nord). Il aime la nature et le monde quittant très régulièrement son épouse pour trouver son équilibre… jusqu’à se suicider ! Tanne avait alors 10 ans et elle tiendra de lui : rebelle, ambitieuse, lisant, s’instruisant goulument. Pas étonnant, qu’elle ait envie un jour d’aller voir ailleurs « sans dieu ni maitre », d’abord par le biais des beaux-arts, puis en tombant amoureuse d’un baron cultivé qui lui offrit l’Afrique…
En 1913, la voilà au Kenya avec la ferme intention de développer une plantation de café : le rêve, l’Eden, la magie… Mais pas pour tout le monde (les Noirs deviennent des ouvriers) et pas si longtemps que ça (la ferme n’est guère rentable) ! Qui plus est, son esprit libre ne plait pas à tout le monde et son mari est de moins en moins fidèle ! Divorce ! Elle rencontre un peu plus tard Denys Finch-Hatton, un aviateur anglais aristocrate et passionné de vie africaine, qui ne tient pas en place. Tous deux ne se lassent pas de leur relation avec les peuples indigènes. Autant dire que Karen engrange, engrange sans savoir encore qu’elle racontera tout ça… En 1931, Denys se tue en avion et Karen Blixen doit vendre la ferme… Alors, il reste les mots. À 46 ans, elle se met à écrire pour oublier probablement qu’elle est de retour au Danemark. Sa maison est belle, mais dehors ce n’est vraiment pas l’Afrique ! Le succès viendra, heureusement, pour couronner son acharnement créatif.
Les 200 pages de cet ouvrage ne sont pas de trop pour évoquer la romancière indépendante, récalcitrante, mais la biographie sait se faire oublier, d’une part grâce aux stratagèmes de la scénariste qui convoque pour raconter Dieu, Diable, Nietzsche et quelques autres et, d’autre part, grâce au dessinateur qui sait ici et là rendre superbement hommage aux paysages nordiques ou aux langueurs africaines. On regrette même que ce ne soit pas plus souvent le cas, tant les personnages restent la plupart du temps sans décors. Pourtant, dès que les flamants roses s’élèvent, que les lions s’endorment au soleil ou que la savane se dévide sous l’avion, l’esprit s’évade…
Alors, bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
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« La Lionne : un portrait de Karen Blixen » par Terkel Risbjerg et Anne-Caroline Pandolfo
Éditions Sarbacane (24, 50 €) – ISBN : 978-2-8486-5829-2