Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Comment faire fortune en juin 40 » par Laurent Astier, Xavier Dorison et Fabien Nury
Voici un titre-annonce qui ne trompe pas ! Avec « Comment faire fortune en juin 40 », Xavier Dorison, Fabien Nury et Laurent Astier, immergés dans le contexte historique le plus sombre qui soit, signent un hommage tonitruant aux anciens polars et films de casses dirigés par Audiard, Verneuil, Lautner, Aldrich et Leone. Sur la trame d’un roman initial de Pierre Siniac (« L’Or des fous », paru en 1975 et retitré « Sous l’aile noire des rapaces » en 1995), voici réunis autour du boxeur et cambrioleur Franck Propp un Corse issu du Milieu, un ex de la Wermacht et une jolie experte en explosif. Leur objectif commun ? Rien moins que deux tonnes d’or malencontreusement oubliés par la Banque de France lors de l’évacuation outre-mer, en pleine débâcle face aux Allemands…
Sans grande surprise, l’écriture en verve de Siniac, auteur du roman « Les Morfalous » en 1968 (Gallimard Série noire), fut repérée par Henri Verneuil et Michel Audiard qui l’adaptèrent au cinéma en 1984 (avec Jean-Paul Belmondo et Michel Constantin), sur un canevas quasi-similaire : en Tunisie, pendant la Seconde Guerre mondiale, un convoi de la Légion étrangère est chargé de récupérer six milliards en lingots d’or. Le scénario concocté pour « Comment faire fortune en juin 40 » sera lui-même destiné à être porté sur grand écran, dans la mesure où le producteur Thomas Langmann a acquis les droits du synopsis, au profit de rôles potentiellement jouables par Clovis Cornillac et Jean Dujardin.
Outre plusieurs notables longs-métrages policiers-aventures signés notamment par Verneuil (« Mélodie en sous-sol », 1963 ; « Cent mille dollars au soleil », 1964 ; « Le Casse », 1971) et Lautner (« Les Tontons flingueurs » en 1963 ; « Les Barbouzes » en 1964 ; « Il était une fois un flic » en 1971, les nombreuses références cinématographiques reliées à « Comment faire fortune en juin 40 » passent par les affiches de films. Parmi les affichistes notables, ayant servi d’inspiration graphique à Laurent Astier pour l’élaboration de la couverture, figurent principalement Frank McCarthy (1924 – 2002) et Robert Mc Ginnis (né en 1926) : le premier a signé les visuels légendaires de « La Grande évasion » (J. Sturges, 1963), des « 12 salopards » (R. Aldrich, 1967) et d’« Il était une fois dans l’Ouest » (S. Leone, 1968), le second ceux d’« Il était une fois la révolution » (Leone, 1971) et – en collaboration avec McCarthy – de plusieurs James Bond dont « Opération tonnerre » (T. Young, 1965), « On ne vit que deux fois » (L. Gilbert, 1967) et « Au service secret de sa majesté » (Peter R. Hunt, 1969).
Rajoutons encore à ces diverses références la saga du « Gorille » (200 ouvrages écrits par Dominique Ponchardier à partir 1954 ; adaptation de « Le Gorille vous salue bien » en 1958 par Bernard Borderie) et divers films de gangsters comme « Borsalino » (J. Deray, 1970, d’après l’ouvrage « Bandits à Marseille » d’Eugène Saccomano).
Précisément très proche d’une affiche de film, l’illustration du 1er plat magnifie la scène d’action, les genres aventureux et road-movie : sous le feu et les bombes d’un Stuka ennemi (arborant la croix gammée), un camion militaire Mercedes L3000S tente d’échapper aux explosions. Munis de leurs armes favorites et prêts à en découdre (l’étincelle flambe déjà sur le cordon des bâtons de dynamite !), les quatre principaux protagonistes gardent tout leur sang-froid, dans la plus pure tradition du genre…
« Comment faire fortune en juin 40 », selon ses auteurs, pourrait devenir le premier volet d’une nouvelle série, déclinée en fonction de dates-clés, à commencer par « Juillet 1789 ». De son côté, Laurent Astier entame désormais un polar (« Face au mur », à paraître chez Casterman fin 2016) coécrit avec un ancien braqueur rencontré en prison, dans lequel il sera logiquement question de la trajectoire d’un homme plongé dans le milieu du grand banditisme. Flic ou voyou ? Incorrigible, mais toujours professionnel…
Philippe TOMBLAINE
« Comment faire fortune en juin 40 » par Laurent Astier, Xavier Dorison et Fabien Nury
Éditions Casterman (18, 90 €) – ISBN : 978-2203091818