Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
Lire la suite...« Trou de mémoire T1 : Gila Monster » par Pascal Regnauld et Roger Seiter
Un héros amnésique et les quais de San Francisco, pour un polar, ce n’est pas forcément original, mais dessinés par Pascal Regnault, ils constituent une invitation irrésistible d’autant que le scénario de Roger Seiter avec son héros blessé à la tête et qui se retrouve aux côtés d’un cadavre est très alléchant…
C’est donc l’histoire d’un type qui se réveille la tête ensanglantée sur les docks de San Francisco, du côté de Fisherman’s Warf.  Il pleut terriblement et une grisaille bleutée s’impose, non pas sur la baie du Golden Bridge mais dans les premières pages, instaurant un code chromatique d’une étonnante virtuosité. Alors que des zones blanches semblent surexposées, tranchées de noirs intenses, le bleu gris  fait sa loi… sans compter le rouge du sang qui fait tâche évidemment, non seulement sur le costume du gugusse écervelé mais sur la jeune femme qu’il découvre assassinée tout près de lui, entre les cabanes en bois des pêcheurs. L’atmosphère est lourde et la situation problématique : quoi faire quand on ne sait plus qui on est et pourquoi on est là , là où il faut pas ?! Comment reconstruire son emploi du temps, comment se reconstruire sans tomber dans les mailles de la police ?
Le scénario de Seiter, par le biais d’une voix off omniprésente, commente les tergiversations du bonhomme qui, astucieux, utilise le peu qu’il découvre pour se refaire une vie, sinon une virginité ! Alors qu’un traitement blanc / sépia, toujours taché de rouge,  accompagne le personnage vers un hôtel de Sutter Street, où il semble loger s’il peut en croire la boite d’allumettes qu’il a retrouvée sur lui, la police est en alerte et l’enquête est lancée… Celui qui semble s’appeler Robert Wilson joue donc serré pour savoir qui il est et, manifestement, ce qu’il apprend sur lui-même l’inquiète plus que cela ne le rassure. Il lui faut en tout cas bientôt quitter San Francisco pour New York…
Redisons l’exceptionnel talent du dessinateur qui d’un trait moderne et efficace joue avec brio, sans contours noirs ni cadres, d’une palette de couleurs bicolores ou tricolores appuyés d’éclairages savants. On attend, de fait, le second tome avec beaucoup de curiosité, d’autant qu’il s’agit là d’un album très pro publié par une jeune maison d’édition. Les Éditions du Long Bec sont en effet nées en Alsace en avril 2012 et se présentent ainsi sur leur site : « Après deux années de présence dans les librairies régionales, nos bandes dessinées sont désormais disponibles dans toute la France. Une partie de notre production a un lien avec l’Alsace (qui est quelquefois le cadre de nos histoires), avec l’ambition de participer à la promotion de notre belle région. Ces albums, comme le reste du catalogue du Long Bec, sont cependant destinés à tous les publics : jeunes comme adultes, amateurs comme férus de BD et, évidemment, alsaciens ou non ». Un éditeur à découvrir sans tarder !
Alors, bon voyage…
Didier QUELLA-GUYOTÂ : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.
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« Trou de mémoire T1 : Gila Monster » par Pascal Regnauld et Roger Seiter
Éditions du Long Bec (15,50 €) – ISBN : 978-10- 92499-18- 6