Depuis 2021, chaque année, Tiburce Oger rassemble une belle équipe de dessinateurs et dessinatrices pour évoquer l’Ouest américain à travers des personnages authentiques – le Far West, donc – et l’exploitation de ces territoires par des individus qui oubliaient, bien souvent, qu’ils n’étaient que des colonisateurs assoiffés de richesses…
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Au départ, trois filles forment ce trio de choc publié dans les pages de Spirou en 2005 (1). Jenny et Vicky, deux belles garces aux vêtements sexy, au maquillage provocant et au cerveau de la taille d’un pois chiche qui se prennent pour le nombril du monde, et Karine leur souffre-douleur : trop moche pour leur faire concurrence auprès de leurs nombreux soupirants. Jusqu’au jour où Karine le laideron sort avec le beau Dan et provoque la jalousie chez ses deux « amies ». Six albums plus tard, Jenny sort « officiellement » avec Jean-Francky et ses abdominaux qui rendent jalouse Vicky, mais se réfugie en secret dans les bras du moche Hugo qui refuse d’être son bouche-trou. Karine, devenue la chanteuse du groupe monté par Albin l’albinos, et a totalement changé de look, entretient toujours une amitié compliquée avec Vicky amoureuse de James, mais convoitée par Mégane, bassiste du groupe.
De nombreux personnages secondaires apparus au fils des six premiers albums troublent le jeu. Les parents, anormalement normaux pour ceux de Karine, séparés et de nouveau en couple pour ceux de Vicky, heureuse et sobre pour la mère de Jenny, Murphy le moche boutonneux qui doit se contenter de Lizon, Vinko l’ex-bassiste, Red le claviériste, David le frère pas vraiment adoré de Karine, Rebecca la soeur de Vicky qui rêve de sortir avec le beau James… C’est un couple d’auteurs québécois, Delaf (Marc Delafontaine) et Maryse Dubuc, qui raconte avec délectation les aventures des protagonistes de cette brillante comédie hilarante et cruelle dont l’ambition dépasse très largement le simple gag classique. Ils invitent les lecteurs de Spirou — Monsieur Charles (Dupuis) doit se retourner dans sa tombe — à suivre le quotidien compliqué des jeunes d’aujourd’hui : leurs relations amoureuses, bien sûr, mais aussi la drogue, l’alcoolisme, l’homosexualité, la délinquance, le racisme… Les scénarios riches et soignés au niveau des dialogues savoureux sont conçus pour que l’histoire puisse se lire à la fois sous forme d’un long récit, mais aussi de gags indépendants. Une belle performance !Les dessins au trait moderne et efficace, sans dérouter l’amateur du style cher à Spirou, est fouillé, riche en décors et personnages, d’une parfaite lisibilité, soutenus par les couleurs de Ben BK. Quant à  la fin de l’album, c’est un modèle de psychodrame cinématographique…
Après de nombreuses tentatives, dans différents styles, dont les albums ont connu des ventes décevantes, les éditions Dupuis tiennent avec « Les Nombrils », série classique et intelligente, un succès qui ne se dément pas au fil des albums.Henri FILIPPINI
(1) « Les Nombrils » ne sont pas né dans Spirou, mais dans Safarir, un magazine d’humour québécois, en 2004. Il existait, à l’époque, un supplément intitulé Saf BD, animé par l’expert Michel Viau… La série a ensuite été récupérée par Spirou.
« Les Nombrils T7 : Un bonheur presque parfait » par Delaf et Maryse Dubuc
Éditions Dupuis (10,60 €) – ISBN : 978-2800163536