« The Four Roses » par Jano et Baru

Jano est de retour ! Dix ans qu’il n’avait pas publié, dix ans sans ses bestioles voyageuses, son Afrique poussiéreuse, ses marginaux sympathiques, ses musiciens entre deux bières ou deux joints…Dix ans rattrapés par Baru qui lui propose un scénario musical et voyageur, direction La Louisiane et les sixties…

Baru s’est amusé à provoquer une enquête familiale grâce à un disque 45 tours des années 1950 déniché lors d’un héritage. Le groupe ? « Johnny Jano » et une grand-mère mystérieuse prénommée Rose. En écoutant le vieux vinyle sur un Teppaz d’un autre temps, de bons vieux rocks surgissent. C’est le genre de musique qui pousse deux frères à rejoindre les États-Unis pour retrouver la trace de la grand-mère tendance rockabilly. Jérémie et Gilou débarquent ainsi en Louisiane et finiront  – évidemment ! – par en savoir un peu plus sur leur grand-mère très rock-n roll !Alors que Baru dessine trois planches d’une sorte de préface, Jano se jette dans ce projet américain avec l’évident plaoisir à dessiner des animaux grattant leurs guitares et hurlant le rock à goeges déployées. L’originalité de l’album tient d’ailleurs à la présence d’un 45 tours qui contient 4 morceaux très rythmés : (cf. https://vimeo.com/122596050).Ce retour est aussi l’occasion de rappeler à des lecteurs plus jeunes ce qu’a fait Jano non seulement dans le domaine de la « BD Voyage », mais dans sa façon bien à lui de faire avant les autres de la BD reportage, notamment avec Keubla où en deux albums (en 1987, mais réédités en intégrale aux Humanos), Jano offrait la vision d’une Afrique corrompue, exploitée, réduite à subsister au jour le jour. Jano s’est toujours intéressé à la vie des humbles et des marginaux. Dans « Sur la piste du Bongo », Keubla est l’un d’eux : routard, escroc, buveur et fêtard. Ses mésaventures sont celles d’un individu qui vit au jour le jour ou plutôt survit tant bien que mal de trafic en trafic et de fille en fille. En le suivant, Jano raconte l’Afrique avec beaucoup de précision restituant notamment les villages pittoresques ou les villes surchauffées, communiquant à ses paysages de désert ou de brousse un réalisme fascinant. Au Caire, Keubla s’échappe d’un fourgon cellulaire, court à travers toute la ville et finit par se cacher dans la Cité des Morts. Pour se sortir d’affaire, il accepte d’aller rechercher au Soudan du « bongo », c’est-à-dire de la drogue. Sur le Nil, le bateau est attaqué par des pillards du désert. Le voilà bientôt en direction de la Mer rouge sur le dos d’un dromadaire. Sur la côte, à Port Soudan, Keubla le marin tente de monter clandestinement sur un paquebot. Echec. C’est en train qu’il traverse le désert et découvre les lois islamiques. Il découvre peu à peu l’Afrique noire et ses guérillas. Il parvient enfin à échapper aux rebelles et à regagner en avion son village natal. Avec « Wallaye ! Keubla et Kebra en Afrique », le second volet, ce sont toujours les mésaventures de Keubla, mais en compagnie de Kebra, banlieusard parisien. Tous deux accumulent embrouilles et plans foireux, coups durs et coups tordus, d’un petit port d’Afrique de l’Ouest au fin fond de la brousse en passant par Ouagadougou ou le désert sud-saharien.

Jano réitèrera ce même type de récit avec « Kémi le rat de brousse » (Albin Michel, 2003), un rat africain vivant au jour le jour, entre amourettes et embrouilles, subissant les aléas du continent (la faim, les criquets dévastateurs) ou s’essayant à diverses inventions (la « kémimobile »). Heureusement la musique adoucit les mœurs et Kémi est plutôt du genre rusé. Il ouvre ainsi un bar au milieu du désert, lieu de rencontres quelquefois houleuses. Il faut au passage dans ce titre savourer les lettrages des bruitages et le jeu sur les idéogrammes souvent « africanisés » : les musiques sont ainsi magnifiquement traitées.

Jano est aussi l’auteur de plusieurs carnets de voyage : « Carnet d’Afrique », évidemment ! Mais encore « Bonjour les Indes », un carnet de voyage riche et original : la vie quotidienne est croquée, saisie, magnifiée avec une rare justesse. Illustrations et récits se mêlent pour composer un « catalogue » thématique impressionnant où la diversité des styles et des documents stupéfient le lecteur qui ne sait où donner du regard. Beautés indiennes, rites hindous, richesse culturelle, pauvreté au quotidien… rien ne manque, pas même l’humour ! Signalons aussi « Les Carnets de voyage de Jano. Rio de Janeiro » où il ne manque ni les sambas, ni les favelas, et pour cause, c’est dans les lieux en marge et les « milieux » que Jano sait le plus y faire.

Ne pas oublier enfin les deux tomes des aventures joviales et dépaysantes des « Fabuleuses dérives de la Santa Sardinha ». Au 15ème siècle, des navigateurs portugais ont trouvé la route des Indes. L’équipage de la Santa Sardinha va d’île en île, de côte en côte, de peuple en peuple. Poussés par la fainéantise et la recherche du plaisir, ces hommes paillards découvrent le monde à la manière de délinquants des mers. Le deuxième volume nous entraîne notamment dans l’Océan Indien. L’Inde mystérieuse est au programme avec son cortège de rajah et de sâdhus, de chrétiens évangélisateurs et d’éléphants énervés. Puis Macau ouvre les portes de la Chine… Juste avant un épisode totalement portugais, dans l’Alentejo. Le tout sous le trait toujours aussi méticuleux de Jano pour la restitution exotico-poétique des décors et humoristique dès qu’il s’agit des personnages.

Alors, bons voyages !

Didier QUELLA-GUYOT : L@BD->http://9990045v.esidoc.fr/ et sur Facebook.

Toutes les chroniques BD Voyages = http://bdzoom.com/author/didierqg/

« The Four Roses » par Jano et Baru

Éditions Futuropolis (20 €) – ISBN : 978-2-7548-1040-1

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