« The Haunt of Fear » T1, collectif

Après avoir déjà édité trois volumes du légendaire « Tales from the Crypt », Akileos propose aujourd’hui un autre titre d’horreur issu d’EC Comics : « The Haunt of Fear ». L’occasion de retrouver toute notre joyeuse bande d’auteurs et de personnages prêts à tout pour nous faire frissonner et… rire !

« The Haunt of Fear » fut le troisième titre d’horreur édité dans la foulée du printemps 1950 par EC Comics, juste après « The Crypt of Terror » (qui va vite devenir « Tales from the Crypt ») et « The Vault of Horror ». Un trio distillant divers récits oscillant entre fantastique, horreur, angoisse, sans jamais oublier de nous faire sourire par leur esprit très second degré, essentiellement grâce aux bons mots des fameux gardien et caveau de la crypte ainsi que de la vieille sorcière. On retrouvera donc ici ce trio infernal et grotesque, toujours prêt à se moquer des situations horribles que vivent les protagonistes des histoires qu’il nous présente. Dans ce premier volume de « The Haunt of Fear », nous avons même droit à un petit plus concernant ces trois affreux jojos, puisque le récit « L’Horreur souterraine » nous raconte comment Bill Gaines et Al Feldstein (ce dernier a entièrement réalisé l’épisode) ont commencé à éditer des comics d’horreur après les avoir malencontreusement rencontrés ! Une petite mise en abîme drolatique et très savoureuse où Feldstein se met en scène avec son compère dans un contexte très réel (on y voit Al et Bill sortir des bureaux d’EC Comics en parlant de « Modern Love », le dernier titre qu’ils éditèrent effectivement en 1949 avant de s’embarquer dans le genre horrifique).

Côté horreur pure, on rencontrera au gré des pages vampires, momies et autres goules, mais souvent – selon la bonne vieille recette d’EC – l’horreur surgit du cœur même des hommes, faisant basculer la vie quotidienne dans un gouffre de terreur. Entre jubilation et consternation, on assistera donc à une flopée de drames où les instincts humains les plus vils ou/et pitoyables vont entrer en action de manière inexorable… On retrouvera les différents artistes promus habituellement chez EC Comics, proposant cet éventail de styles à la fois complémentaire et cohérent, du trait subtilement haché et déformant de Graham Ingels au noir et blanc voluptueusement contrasté de Wood. Petite nuance par rapport à « Tales from the Crypt », si la majorité des scénarios est signée Gaines et Feldstein, les récits dessinés par Johnny Craig sont scénarisés par lui-même, tandis que certains sont écrits par Gardner Fox. Autre récit entièrement réalisé par un auteur, celui d’Harvey Kurtzman qui démontre une nouvelle fois ici sa faconde en termes de déconnade étrange. Enfin, on remarquera quelques histoires inspirées par des écrivains d’horreur et de fantastique, comme Edgard Poe, Ray Bradbury, Robert Bloch ou John Collier.

Comme je l’ai déjà dit pour les autres albums EC publiés par Akileos, c’est toujours un bonheur que de se replonger dans l’univers de cet éditeur qui a marqué l’histoire des comics par sa production décomplexée et culottée, celle-là même qui subit les charges d’une époque maccarthyste en proie à la peur morale. On attend avec impatience les volumes suivants des titres déjà amorcés par Akileos, en espérant vivement que le lectorat français sache apprécier ces productions à leur juste valeur afin que d’autres titres encore soient proposés par l’éditeur. Une bibliothèque EC d’envergure enfin en VF, voilà qui serait tout à fait formidable – et je suis sûr que c’est ce qui va arriver, mes chères petites goules !

Cecil McKINLEY

« The Haunt of Fear » T1, collectif

Éditions Akileos (27,00€) – ISBN : 978-2-3557-4187-6

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4 réponses à « The Haunt of Fear » T1, collectif

  1. Thark B. dit :

    Encore une chronique indispensable pour tout passionné de cette extraordinaire (mais trop courte) Aventure créative et audacieuse ! … J’ai quelques numéros originaux de « The Haunt of Fear » et je confirme que ce titre n’avait rien à envier à ses frêrots de chez « EC ».
    Cest important, en effet, d’insister sur le jubilatoire mélange de noirceur réelle (surtout quand il est question de huis-clos familiaux ou sentimentaux et de chaos psychologiques dont la démence révélatrice faisait forcément tâche dans le cadre de ces « Belles années 50″ ;) ) et d’ironie mordante, de rigolade salutaire et complice.
    Contrairement à certaines idées reçues, ces productions EC sont tout sauf des nanars (à quelques exceptions près, surtout aux tous débuts de The crypt of terror/Tales from the crypt en 1950, lorsque les ingrédients du cocktail étaient encore en rodage ^^).
    En plus d’admirer la force graphique et les styles virtuoses de ces gars-là (ça, c’est le plus facile tellement ça saute aux yeux), il faut aussi savoir capter et savourer les multiples degrés de lecture que les Grands Ordonnateurs Gaines et Feldstein s’ingéniaient à glisser derrière l’efficacité et l’apparente facilité narrative.
    Qu’aujourd’hui, on puisse estimer que la plupart des chûtes scénaristiques (plus ou moins prévisibles, il est vrai) sont parfois des pétards mouillés, ça n’est finalement pas très important.
    Chez ces grands créateurs, l’Art de la « mise en scène » et du cadrage, la puissance du dessin, le sous-texte corrosif, le ton inimitable et la connivence avec le lecteur étaient et sont toujours un pur bonheur. A eux-seuls, les magazines « EC » pourraient presque être une véritable Ecole de Bande Dessinée… Si, si ! :)

    • Hello, Thark,
      Je suis bien d’accord avec tout ce que vous dites (mais ça, vous vous en doutez sûrement !).
      Votre commentaire (et vos autres ! ;) ) témoigne bien que de nombreux fans français de comics attendaient avec impatience une édition VF de ces petits bijoux venus d’un autre temps, époque aussi périlleuse que primordiale pour l’évolution historique des comics… et un certain âge d’or de la BD de genre…

      Bien à vous,

      Cecil

      • Thark B. dit :

        Hello,
        Bah, « nombreux », je ne sais pas… Paradoxe, ou signe des temps, j’ai trouvé plus de réactions et commentaires à ce sujet sur des sites commerciaux (« Am….on », pour ne pas le citer ^^, par exemple) que sur de vrais sites d’actu et analyse BD. :s
        C’est pour ça que tomber tout à coup sur vos « Chronico-zooms BD » ;) , qui n’ont zappé aucune des rééditions en cours des « EC » ou des « Warren », ça procure un plaisir et une jouâââââ décuplés !
        Au fait, euh… –> Y’a t-il sur BDzoom un système permettant d’être informé (par des notifications) à chaque fois qu’une nouvelle réponse est déposée dans le fil de commentaires ??? Franchement, ça me screugneugneu’rerait ^^ de rater une réaction, une info, … bref, un échange, tout simplement ! ;)
        (Merci pour toutes les réponses, d’ailleurs :) )

        • Re-hello,
          Oui, quand je dis « nombreux » je sais bien que nous ne sommes pas des millions, mais malgré tout ces rééditions se poursuivent depuis quelques années, maintenant, ce qui veut dire qu’il y a assez de lecteurs pour permettre à l’éditeur de continuer (ce qui n’est pas le cas de « Prince Valiant » et de « Tarzan » chez Soleil, par exemple, même si cet éditeur a assez d’argent pour le faire, soyons sérieux…). Quant au fait que vous ayez trouvé plus de commentaires sur ces albums ailleurs que sur des sites spécialisés, je ne sais trop quoi vous dire… je ne vais pas commencer mes discours de vieux con… ;)

          En ce qui concerne le suivi de commentaires sur notre site, n’en étant qu’un rédacteur et non impliqué dans sa logistique technique, je vous conseille d’aller tout en bas de la page et de cliquer sur « mode d’emploi » : une fois sur la page « Mais c’est quoi, BDZoom, en fin de compte? », posez-y votre question à ce propos dans les commentaires, et une personne concernée vous répondra !

          Merci encore de votre intérêt,

          Bien à vous,

          Cecil

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