« Les Misérables » T1 par Takahiro Arai

S’attaquer à un des chefs-d’œuvre de la littérature française, tel est le pari que Takahiro Arai a relevé en adaptant « Les Misérables » de Victor Hugo. Ce passionné de littérature occidentale a su rendre la force, la tristesse et la justesse de ce récit datant pourtant d’une autre époque. De quoi faire découvrir un classique indémodable à la jeunesse actuelle, public bien évidemment visé par cette adaptation dynamique et forte.

Jean Valjean est un paria que la société rejette à cause de ses 19 années de prison. Condamné pour avoir volé un bout de pain afin de nourrir les sept enfants de sa sœur, il alourdira inexorablement sa peine en s’évadant à de nombreuses reprises. À sa sortie, c’est un être aigri, plein de rancœur envers la société qui le lui rend bien. Un seul homme va lui ouvrir sa porte, un évêque qui a foi en l’humain. Cette rencontre va complètement changer sa vie.

Normalement, tout le monde connaît cette histoire. Le roman de Victor Hugo fait partie du patrimoine culturel français, mainte fois adapté à la télévision ou au cinéma. Dans le cas présent, il vaut mieux oublier l’excellente performance de Lino Ventura dans l’adaptation au cinéma de 1982 par Robert Hossein. Ce manga est moderne, le graphisme est dynamique, les cases éclatées et les sentiments décuplés. Ce traitement peut déplaire aux puristes du roman original, mais intéressera les adolescents d’aujourd’hui grâce à une mise en forme reprenant les codes du manga.

Si le dessin est excellent dans son genre, qu’en est-il du respect de la trame originale ? On ne peut pas affirmer que l’histoire de base n’est pas respectée, néanmoins, elle ne suit pas à la lettre celle de Victor Hugo. Au début du récit, le roman se focalise sur la vie de l’évêque Myriel, Jean Valjean n’apparaissant qu’autour de la centième page. Takahiro Arai a pour sa part décidé de commencer son récit par les années de galère de Valjean. Il est vrai que ce traitement, plus démonstratif, correspond mieux aux canons du manga moderne. Tout comme les passages où le lion sommeillant en Jean Valjean prend réellement corps lorsque sa fureur s’exprime pleinement. Certaines erreurs sont pourtant flagrantes. Quand, chez Hugo, il est question de couverts dérobés, ce sont ici des assiettes en argent qui nous sont montrées. Peut-être une erreur dans la traduction originale en japonais sur laquelle se base cette adaptation ?

En France, nous connaissons surtout Takahiro Arai pour sa série en 9 volumes « Arago » parue chez Pika : un polar londonien faisant suite à son premier grand manga « Darren Shan », lui-même une autre adaptation d’un roman américain fantastique mettant en scène des vampires. Si les mangas ne nous sont pas parvenus, il nous est possible de voir l’adaptation cinématographique qui en a été tirée : « L’Assistant du vampire » (Paul Weitz, 2009). Avec « Les Misérables », le mangaka change donc totalement de registre, tout en gardant le côté noir et cynique.

On pourrait penser qu’adapter Victor Hugo, Académicien français, en manga relève du sacrilège, voir de l’inconscience. Pourtant, le respect pour le texte original et la maîtrise de la mise en scène de Takahiro Arai impressionnent et il aurait été dommage de s’en priver. La série en est déjà à son cinquième recueil au Japon. En France, la suite arrivera juste avant l’été. Une seconde vie à destination de la jeunesse d’aujourd’hui pour ce classique. Ce premier volume ne traite qu’une infime partie du roman, mais avec une telle force, un tel luxe de détails et d’émotions que l’on ne peut qu’avoir hâte d’en lire la suite.

Gwenaël JACQUET

« Les Misérables » T1 par Takahiro Arai
Éditions Kurokawa (7,65 €) – ISBN : 978-2-36852-141-0

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