« Herakles » T3 par Édouard Cour

Le troisième et dernier tome d’« Herakles » d’Édouard Cour vient de paraître chez Akileos. Fin d’une trilogie qui a été une très agréable surprise sur le fond comme sur la forme, cet album clôt puissamment cette adaptation aussi libre que respectueuse de ce mythe ancestral…

En 2012, les éditions Akileos publiaient le premier tome de l’adaptation du mythe d’Hercule par un jeune auteur plutôt doué, projet ambitieux dont la facture et le ton s’avérèrent tout à fait réjouissants. Si vous aviez manqué les deux premiers tomes, voici le lien de l’article que je leur avais consacrés ailleurs (cliquez ici). Les douze travaux d’Hercule font indubitablement partie de notre patrimoine culturel mondial, une tragédie grecque fondatrice, un pan de notre imaginaire commun. Depuis quelque temps, les adaptations de toutes sortes en bande dessinée ont à nouveau le vent en poupe, que ce soit pour des figures ou des périodes historiques, des biographies de personnalités emblématiques ou des faits marquants. Certaines – rares – sont réussies, mais beaucoup d’autres sont plus académiques, soporifiques, ou tout simplement superflues car n’apportant rien d’autre que la mise en images – parfois ampoulée ou au contraire plate – de tel ou tel événement connu de tous. Il n’en va pas de même avec cet « Herakles » qui se déjoue des pièges qu’un tel exercice peut engendrer en utilisant l’impertinence et l’originalité avec beaucoup de talent. Édouard Cour a réussi à s’extirper de l’académisme et du « sérieux requis » pour mieux exprimer avec une originalité toute personnelle ce qu’il peut y avoir à dire de ce sujet, ne perdant pas ce « sérieux » pour autant en osant le ton décalé et l’humour irrévérencieux.

Comme je l’avais dit dans mon article précédent, Édouard Cour a réussi à dépoussiérer ce vieux mythe sur le fond comme sur la forme avec un naturel confondant, bousculant les normes tout en respectant la quintessence du sujet. Sur le fond, le langage employé est plutôt actuel, parfois même un tantinet culotté pour aborder pareil mythe, mais disant finalement tout haut et avec évidence ce qui était exprimé dans cette légende. Sur la forme, l’utilisation du crayon à papier procède d’un certain archaïsme revendiqué, renvoyant à une technique aussi simple qu’ancestrale – et donc apte à faire corps avec la nature et la temporalité du sujet. Alliée à la mise en couleurs informatique, cette technique échappe à l’anecdotique pour rester contemporaine. En lisant cet « Herakles » d’Édouard Cour, on ne s’ennuie donc pas une seconde, pouvant réviser nos classiques tout en n’étant pas engoncés dans une revisitation figée, cette œuvre regorgeant d’humour et d’énergie poétique…

Les fameux douze travaux ont été exécutés durant les deux premiers tomes. Ce dernier opus se penche donc sur l’après, ce qui donne à cette trilogie un visage plein et non une simple retranscription des seuls exploits d’Herakles : c’est bien lui qui est le sujet central de l’œuvre. Dans ce troisième opus, nous apprenons donc ce qu’il advient d’Herakles après avoir réussi brillamment ses douze travaux, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’Héra ne le lâche pas et ne lui rend pas la vie facile. Un temps esclave d’Omphale, la reine de Lydie, il va espérer vivre enfin une vie de mari et de père normale, loin des enjeux égoïstes et dérisoires des dieux de l’Olympe, mais ce sera trop demander… La tragédie grecque semble ne jamais vouloir s’arrêter, et les drames vont poursuivre Herakles même après avoir voulu asseoir son autorité légitime en châtiant les rois qui l’avaient manipulé dans ce petit « jeu » aux allures divines ou qui avaient un intérêt personnel dans l’affaire… Plus touffu que les deux précédents volumes au niveau graphique, ce dernier tome se montre intense et mène à une apothéose dramatique, le destin d’Herakles paraissant inextricablement lié aux caprices de l’Olympe. Le ton se fait plus sérieux, et la trilogie finit dans la gravité – mais aussi dans la poésie. Quoi qu’il en soit, cette œuvre en trois pans est une réussite.

Cecil McKINLEY

« Herakles » T3 par Édouard Cour

Editions Akileos (18,00€) – ISBN : 978-2-3557-4188-3

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