Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Astrid Bromure T1 : Comment dézinguer la petite souris» par Fabrice Parme
Il paraît que l’ennui est le malheur des gens heureux (Horace Walpole). C’est le cas de la jeune Astrid qui s’occupe comme elle le peut dans un gigantesque appartement, en haut d’un gratte-ciel. Cette petite peste entend démontrer à ses domestiques obséquieux, l’inexistence de la petite souris qui apporte des pièces en échange de dents de lait tombées. Ses pièges savants la mèneront à de surprenantes découvertes sur le monde des animaux et celui, encore plus sauvage, des hommes.
La première bande dessinée en tant qu’auteur complet, scénario et dessins, de Fabrice Parme est une vraie réussite. En trente pages, format idéal pour la BD jeunesse, il démontre tout son talent à créer un univers cohérent, un scénario avec des rebondissements surprenants, tout en conservant ses qualités hors pair de dessinateur.
Il est question d’une jeune fille, fort dégourdie, que ses parents laissent pour 15 jours seule dans leur gigantesque appartement du dernier étage d’un immeuble de New York. Enfin, pas tout à fait seule puisqu’elle est surveillée par son majordome et une femme de chambre qui doivent aussi s’occuper de deux animaux de pure race (évidemment de pure race) : le chat Gatsby et Fitzgerald, un petit chien noir. Dans cet environnement luxueux des années 1920, digne d’un roman de Scott Fitzgerald, Astrid s’ennuie. Elle trouve enfin le moyen de s’occuper intelligemment quand une de ses dents de lait bouge.
Ses deux domestiques ont des visions divergentes de la petite souris qui doit apporter la pièce. Cela fait douter la petite Bromure qui décide derechef de tendre un piège, certes brutal, mais qu’elle pense infaillible pour démontrer la vacuité de ce conte pour enfants. L’attachante, mais très délurée héritière, est alors entraînée dans une suite d’aventures rocambolesque dans lesquelles on retrouve une horde de souris blanches qui dialogue avec son chat, la véritable petite souris kidnappée ou des publicitaires malintentionnés.
Tout finit pour le mieux, et quand une des quenottes de la malicieuse gamine bouge de nouveau, le chemin menant à son oreiller est déjà balisé pour une petite souris attentionnée.
Ce conte joyeux et loufoque, mené tambour battant, est porté par un humour constant et une grande délicatesse. Le dessin très stylisé, fin, aéré et finement référencé – des romans de Fitzgerald aux dessins animés états-uniens des années 1940-1950 — est en adéquation avec une époque et un style : les années folles qui dominent toute la décennie 1920. Ses aplats pastel contribuent au côté « vintage » d’une fable morale qui donne la parole à certains animaux et dénonce l’aspect mensonger de la publicité radiophonique naissante.
Dans un entretien pertinent que vous trouvez sur le site des éditions Rue de Sèvres, l’auteur révèle que le déclic pour se lancer dans une aventure en solo lui vient d’une interview de Schulz, où le créateur des « Peanuts » expliquait que ce qui crée un bon personnage, c’est une situation. Qu’il faut prendre un personnage, faire survenir quelque chose et voir ce qui se passe.
De jeunes lecteurs, dès 7-8 ans peuvent s’amuser des (mes)aventures de la malicieuse Astrid qu’ils retrouveront, bientôt, dans un tome 2, intitulé : « Comment atomiser les fantômes ».
Terminons cette chronique en signalant la sortie chez le même éditeur, du tome 4 de « Bjorn le Morphir », début d’un nouveau cycle dans lequel le jeune héros a quitté les enfers pour mieux conduire les armées de son roi à la guerre. Nous avons déjà écrit ici, tout le bien que nous pensons de cette série jeunesse.
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Laurent LESSOUS (l@bd)
« Astrid Bromure T1 : Comment dézinguer la petite souris » par Fabrice Parme
Éditions Rue de Sèvres (10,50 €) – ISBN : 978-2-36981-1140-4
« Bjorn le Morphir T4 : Les Armées du roi » par Thomas Gilbert et Thomas Lavachery
Éditions Rue de Sèvres (14 €) – ISBN : 978-2-36981-153-4