« Vasco T26 : La Cité ensevelie » par Dominique Rousseau et Gilles Chaillet

Initiée par Gilles Chaillet en 1983, la série « Vasco » fut poursuivie graphiquement par Frédéric Toublanc de 2007 à 2012, puis par Dominique Rousseau. Avec ce 26e tome, « La Cité ensevelie », ce dernier donne une conclusion à l’aventure débutée en 2013 avec « Les Enfants du Vésuve ». Au pied de l’inquiétant volcan, le jeune Vasco et trois amis d’enfance avaient jadis fait la découverte d’une cité antique oubliée des populations du début du XIVe siècle. Des années plus tard, à la demande du sénéchal Niccolo dell’Aquila, Vasco doit se rendre à Naples et y collecter les impôts pour la Reine. Dans une ville appauvrie et livrée à toutes les violences sévit une mystérieuse bande de jeunes voleurs, que Vasco suivra jusque dans les entrailles de la terre italienne…

Planches introductives (Lombard, 2015)

Voyageur infatigable et énergique jeune commis banquier, Vasco Baglioni est très souvent confronté – à partir de 1348 – aux conflits d’intérêts destructeurs entre les puissants détenteurs des richesses… et le bas peuple. Cette trame se retrouve donc remise en scène dans ce diptyque à ce détail près que de grandes menaces planent sur l’ensemble des protagonistes : une épidémie de peste et une famine ravagent le sud de l’Italie, tandis qu’en 1343, Jeanne 1ère (rattachée au roi de France et au comte d’Anjou) hérite du royaume de Naples, charge imposante pour laquelle elle était très mal préparée. Rajoutons encore à ce contexte les fréquents séismes et les risques d’éruptions chroniques du Vésuve, fameux destructeur de la ville de Pompéï en 79 après J.-C.

Pompéï ? À l’époque de la Renaissance, ce nom ne dit probablement plus rien à personne. Peu après l’ensevelissement de la ville au premier siècle, quelques romains (qu’il s’agisse de propriétaires ayant survécu ou de voleurs) vinrent récupérer des matériaux ou des objets de valeur dans différents bâtiments, dont des statues de marbre. Mais, au cours des siècles suivants, le terrain de la ville ne fut qu’occupé que sporadiquement. Son nom et son emplacement furent donc progressivement oubliés, tombant dans l’anonymat du lieu-dit Cività, la cité. Ce jusqu’en 1592, où l’on redécouvrit fortuitement les vestiges de Pompéi au cours de travaux de creusement d’un canal ; des campagnes de fouilles ne seront néanmoins organisées qu’à partir de 1709.

Recherches pour le tome 25 : crayon bleu

Crayonné et encrage (T25)

Visuel finalisé

Les Enfants du Vésuve (Lombard, 2013)

Projet et crayonné pour la couverture du tome 26

En couverture des tomes 25 et 26 (le scénario de ce nouvel album étant basé sur un synopsis et des notes laissées par Gilles Chaillet, disparu en septembre 2011), les titres explicites placent les deux visuels en immédiate corrélation : des enfants (réunis en une bande armée de malandrins) attaquent un riche convoi placé sous les oriflammes fleurdelisées du royaume de France, poussant Vasco à se défendre en commençant à dégainer une longue épée. A l’arrière-plan, la baie et la ville de Naples sont surplombés par le cône du Vésuve, duquel s’échappe un lourd panache de fumées déjà mêlées de cendres peu rassurantes… Ces « Enfants du Vésuve », sans espoirs et rendus agressifs par la faim et le rejet hors de la société, sont donc ici rendus aussi menaçants pour Naples que la dangerosité naturelle des 1281 mètres du monte Vesuvio.

Sur le visuel du tome 26, la situation s’est dramatiquement accélérée : dans les vestiges antiques de Pompéï, Vasco tente de son mieux de protéger la fuite des enfants brigands et de la séduisante Loretta (une amie d’enfance devenue courtisane, dont l’aspect sombre est ici suggéré par un effet de contre-jour), effrayés par une ultime éruption dévastatrice (lave en fusion, nuées ardentes toxiques, début d’écroulement des plafonds encore soutenu par des colonnades). À terme, « La Cité ensevelie » est donc destinée à retourner à son anonymat, avec son potentiel lot de nouvelles morts et destructions.

Gageons que Vasco, éternellement mis en lumière y compris dans pénombre des temps, en réchappera ! La suite est d’ailleurs déjà annoncée, soit un 27e tome (« Les Citadelles de sable ») concocté par Chantal Chaillet (épouse et coloriste) et Luc Révillon, historien et fin connaisseur de la saga, puisqu’auteur de deux ouvrages consacrés : « Le Petit Vasco illustré » et « Les Mémoires secrets de Vasco » (Lombard, 1994 et 2011).

Couverture des Mémoires secrets de Vasco (Lombard, 2011)

Vue de Naples par Tavola Strozzi (1470). Musée San Martino à Naples

Le port de Naples par Pieter Bruegel l'ancien, vers 1588. Certains détails des navires se retrouvent en couverture...

Laissons à Dominique Rousseau (également auteur de « Condor » chez Dargaud de 1984 à 1997 et de « La Dernière Prophétie T5 : La Foudre et la Croix » en 2012 pour Glénat) le soin d’expliquer plus en détails la genèse de ces visuels :

« Puisque ces deux couvertures devaient se répondre, la problématique résidait dans le juste rapport entre les titres et les images. Fallait-il voir les enfants évoqués dans le titre ? Idem pour le Vésuve. Et si on les voit, comment les mettre en scène avec Vasco, lequel doit impérativement être présent ? J’ai donc choisi une distance qui ne révèle pas un réel antagonisme ; on ne sait pas vraiment contre qui Vasco tire l’épée. Les enfants brigands sont en action, Naples et sa baie apparaissent au fond avec le Castel Nuovo et des bateaux. Le tableau paraît complet. »

« Tout en étant liées, les deux couvertures devaient être complémentaires et contrastées. Loretta, en tant que personnage capital, trouve sa place au premier plan, dans l’ombre d’un contre-jour assez symbolique, vu sa situation. Vasco reste toutefois central dans le puits de lumière qui apparaît au second plan, mais au cœur du danger immédiat ; il s’attarde pourtant en secourant un enfant à la traîne. »

« Extérieur pour l’une, intérieur pour l’autre, notons que leurs deux grands axes de construction sont également inversés. »

« En ce qui concerne la conception et la réalisation de ces visuels, j’ai pu travailler dans une totale confiance de la part du Lombard. On m’a judicieusement conseillé dans le sens du projet que j’avais envoyé pour le tome 26, au moment où j’hésitais à assombrir le premier plan ; idem pour le puits de lumière. Ce soutien a été d’autant plus important que nous avons souvent très peu de temps pour concevoir et réaliser une couverture. »

Menaces à Naples ! (Planche 7 ; Lombard, 2015)

Philippe TOMBLAINE
« Vasco T26 : La Cité ensevelie » par Dominique Rousseau et Gilles Chaillet
Éditions du Lombard (12, 00 €) – ISBN : 978-2803635412

Galerie

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