Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...Géri : disparition d’un auteur discret…
Bien que présent dans les pages de l’hebdomadaire Tintin tout au long de ses plus belles années (avec « Le Skblllz » ou « Mr Magellan »), le dessinateur Géri aura toujours fait preuve d’une grande discrétion. Né le 23 mars 1934 à Anderlecht dans la banlieue bruxelloise, il s’en est allé tout aussi discrètement le 2 février dernier.
Henri Ghion se destine très jeune au dessin. À l’âge de seize ans, il aborde le dessin publicitaire sur les conseils de Raymond Reding.
En 1953, il débute comme coloriste et décoriste aux studios Hergé, ce qui lui permet d’entrer à l’hebdomadaire Tintin en 1954 où il travaille comme metteur en pages.
Il y signe des illustrations de contes et de nouvelles tout en réalisant quelques couvertures du journal dans un style réaliste proche de celui d’Aslan (dessinateur qui livre de nombreuses couvertures pour Line, l’autre hebdo du Lombard).S’il propose ses premières bandes dessinées à l’armée où il collabore au Service Welfare, c’est dans Junior (hebdomadaire jeunesse produit par les éditions du Lombard de 1953 à 1979, supplément du magazine féminin Chez Nous édité par la S.A. Mirax) qu’il campe en 1962, dans un style humoristique, les courtes histoires de « Pif le Kangourou » (baptisé aussi Baf).
Brièvement présent dans Tintin, ce personnage est remplacé en 1966 par les gags de l’étrange Skblllz, curieux animal au nom imprononçable, tout en poils, à l’origine inconnue et pondant des œufs.
Ce chef-d’œuvre de l’absurde (un seul album chez Pepperland en 1981), sans doute en avance sur son époque, semble passer au-dessus de la tête des jeunes lecteurs de Tintin. Notons à cette époque une brève tentative dans les pages de Pilote, avec les aventures de Picratt sur scénario de Jacques Acar.Optant pour un trait plus réaliste, sans pour autant totalement abandonner l’insolite, Géri (qui signe les premiers épisodes Ghion) se lance en 1969 dans une série d’espionnage farfelue : « Mr Magellan ».
Agent de l’I.T.O, de grandes lunettes, fumant le cigare et appréciant les belles voitures et les gadgets, Magellan vit des aventures à la fois dramatiques et humoristiques, teintées de fantastique : où il lutte contre Casimir Bodu l’extra-terrestre.
Il est accompagné par une jeune et jolie antiquaire rousse dotée d’une force colossale : Capella. C’est Jean Van Hamme (qui signe alors du pseudonyme Vanam) qui écrit les scénarios des premiers récits. Il est remplacé en 1971 par André-Paul Duchâteau, lequel anime la série jusqu’à sa disparition en 1979 dans Tintin, mais aussi dans Tintin Sélection. Conscient que Mr Magellan est en décalage avec les autres personnages de l’hebdomadaire, Géri crée seul, en 1980 et toujours pour Tintin, les aventures de Lady Black : une pulpeuse héroïne à la peau noire. Il doit hélas abandonner la bande dessinée en 1985 (il a 46 ans), souffrant d’une thrombose à la main : paralysie qui l’empêche de poursuivre sa carrière. C’est avec courage et persévérance qu’il arrivera à réaliser des peintures avec son autre main.
Géri appartient à la génération de ces dessinateurs non dénués de talent dont la carrière s’est déroulée à l’ombre des stars, les contraignant à une injuste discrétion.
Les huit albums des aventures de Mr Magellan, publiés au Lombard de 1981 à 1987, ont depuis longtemps disparu du catalogue. L’ensemble de ces travaux fait aujourd’hui le bonheur de la micro édition.
On peut savourer « Mr Magellan », mais aussi « Baf et le facteur » ou « Lady Black » aux éditions Taupinambour et chez la Vache qui médite.
Inutile de chercher un entretien sérieux avec Géri, personne ne semble avoir eu la bonne idée de le contacter (excepté un court article dans Auracan n° 13).
Henri FILIPPINI
Mise en pages : Gilles RATIER
Encore un auteur qui s’en va s’en avoir eu de reconnaissance de son vivant
pour ma part j’ai découvert sa série Magellan dans Tintin
mais aucun souvenir du reste
condoléance a sa famille et amis
Salut,
Encore un de ces nombreux artisans du journal Tintin, notamment celui de la période » Greg rédac’ chef » , qui a enchanté mon adolescence ainsi que quelques milliers d’autres dans les années 70 – 80 …
Un trait élégant, des récits percutants : un grand merci à l’artiste.
Condoléances à la famille…
Bravo à bdzoom pour ces articles hommages – les autres magazines BD sont inscrits aux abonnés absents quand un grand auteur disparaît
La parution en album de la série Mr Magellan n ‘a pas été très cohérente: les albums sont d’abord sortis en collection vedette avec pagination restreinte, puis repris en album classique, avec reprise des aventures collection vedette couplées à d’autres aventures ; bref, une intégrale serait la bien venue , car si Mr Magellan est une série un peu datée , celle-ci garde un charme indéfinissable, qui plaît même à la jeune génération ! ( mes enfants ont 8 et 11 ans)
Il existe tout de même une interview de Géri, qui date du début des années 2000, et qui se trouve dans le site BrusselBTTour
Zut ! Il y a une faute de frappe. Je voulais dire BrusselBDTour.
« Il est remplacé en 1971 par André-Paul Duchâteau, lequel anime la série jusqu’à sa disparition, en 1985 dans Tintin, mais aussi dans Tintin Sélection. »
Juste une correction : Magellan a disparu de Tintin en 1979, pas 1985, juste avant le lancement de Lady Black. Il y a bien eu une planche parue en 1985, dans le cadre des « Aventures mystérieuses et rocambolesques de l’agent spacial », un collectif » cadavres exquis » dont les premières planches ont été dessinées dès 1979 (ce qui est le cas de Magellan, 5ème planche de l’histoire), et qui a pris tout ce temps pour arriver à 60 pages, le dernier héros étant Tintin (par Bob de Moor).
Du coup, c’est amusant : il y avait des héros disparus du magazine entretemps (Comanche, Simon du fleuve…), et d’autres apparus depuis (Cranach de Morganloup, Donjons et dragons…).
Merci Marcel pour ces précisions. Je corrige tout de suite le texte d’Henri Filippini.
Bien cordialement
Gilles Ratier
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