Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
Lire la suite...« Fraternity » T1 par J. L. Munuera et J. D. Canales

Voici une curieuse bande dessinée, à la fois aventure historique et récit fantastique, basée sur les utopies sociales du XIXème siècle et se déroulant en 1863, en Amérique, en pleine guerre de Sécession.
Dans une petite communauté de l’État d’Indiana, créée par un groupe d’hommes et de femmes idéalistes qui souhaite éliminer la propriété privée, en mettant en commun les ressources et en répartissant le travail entre tous, des dissensions commencent à apparaître : surtout quand une femme leur impose la présence d’un « enfant sauvage » découvert dans la forêt voisine. D’autant plus qu’un monstre, qui semblait veiller sur lui, aurait été aperçu au moment de sa capture… Et pour finir de tout arranger, cinq ans après ces évènements, c’est l’arrivée d’un groupe de déserteurs qui risque de mettre un terme à tous ces espoirs d’autonomie que de grosses difficultés financières mettent sérieusement à mal !
Manifestement, avec cet oppressant diptyque philosophique (dont la suite et fin et annoncée pour la fin de l’année), l’Espagnol Juan Díaz Canales nous montre bien qu’il est un scénariste d’exception. Ne se limitant pas aux enquêtes de son célèbre « Blacksad », il collabore, aujourd’hui, avec un autre étonnant dessinateur d’origine ibérique : Jose Luis Munuera. Ce dernier réussit, ici, à se dégager de son trait « cartoonesque » en proposant des personnages toujours en mouvement et aux faciès très expressifs, évoluant dans des décors réalistes, un peu dans la lignée de son travail précédent : « Le Signe de la lune » (également chez Dargaud).
Son superbe trait, qui s’éloigne donc de plus en plus de ce qu’il a pu faire sur « Spirou et Fantasio », sur « Merlin » ou sur « Nävis », participe entièrement à la narration et à la mise en scène efficaces de ce western social, aussi sombre que déroutant, car flirtant avec l’horreur et le surnaturel !
Gilles RATIER
« Fraternity » T1 par Jose Luis Munuera et Juan Díaz Canales
Éditions Dargaud (13,95 €)