Apparue pour la première fois dans le mensuel Tchô ! en 2003, Lou est devenue un best-seller de l’édition, avec plus de trois millions d’albums vendus, une série d’animation, un long métrage, des traductions dans le monde entier… Un tel succès méritait bien cet ouvrage anniversaire, qui nous propose — en plus de 300 pages — de revenir sur l’histoire de l’héroïne qui a grandi avec ses lecteurs. Tout en ouvrant généreusement ses carnets de croquis, Julien Neel évoque — au cours d’un long entretien — son propre destin, lié depuis 20 ans à celui de la petite fille blonde devenue grande.
Lire la suite...« Vidocq T1 : Le Suicidé de Notre-Dame » par Sinisa Banovic et Richard D. Nolane
Figure fameuse du début du XIXe siècle, l’ex-bagnard Eugène-François Vidocq touchera au mythe en prenant en 1811 la tête de la nouvelle Brigade de Sûreté. Aux éditions Soleil (mais en dehors de la désormais célèbre collection 1800), Richard D. Nolane (« Harry Dickson », « Wunderwaffen ») et Sinisa Banovic (auteur serbe de « Zodiaque T12 » chez Delcourt en 2013) revisitent l’homme, véritable mystère de Paris à lui seul, en le lançant sur une enquête inédite à l’automne 1813 : le suicide au pistolet d’un colonel baron d’Empire, en pleine messe à Notre-Dame, semble en effet dissimuler bien autre chose que la douleur d’un père anéanti par la mort de son fils lors de la retraite de Russie…
En couverture, se dévoilent immédiatement à notre regard un personnage, Vidocq (qui donne donc son nom à cette nouvelle série), et un double cadre, la cathédrale Notre-Dame-de-Paris, dont nous pouvons observer à l’arrière-plan une partie de la façade. Sur ce décor historique emblématique (magnifié par le roman éponyme de Victor Hugo en 1831), est en effet amorcée en filigrane la trame de cet album : thématiques religieuses et politiques vont être intrinsèquement mêlées dans la mesure où le colonel suicidé à choisi un double affront à la doctrine chrétienne, condamné à l’époque moralement… tel un meurtre. Plus encore, le décor du portail principal visible sous la rosace est celui du Jugement Dernier, complété par de nombreuses sculptures des apôtres, des élus et des damnés (bas de l’illustration).
Petite précision historique : au niveau des épaules de Vidocq sont parfaitement visibles, à vingt mètres du sol, les vingt-huit personnages royaux représentant les vingt-huit générations des rois de Judée qui ont précédé le Christ. Or, ces sculptures ne furent restaurées par Viollet-le-Duc qu’après 1845 (dans le cadre d’un vaste et coûteux chantier dédié à l’ensemble du monument très dégradé, jusqu’en 1864), car les statues d’origine avaient été décapitées en 1793 par les sans-culottes qui, à tort, croyaient qu’elles représentaient des souverains du royaume de France.
Habillé d’une redingote à collet et d’un haut de forme, le corps tourné vers la gauche, les yeux fermés, les traits sévères et la main tenant un pistolet à silex, Vidocq semble réfléchir à la meilleure manière de résoudre l’affaire. Rappelons l’essentiel de ce personnage : né en juillet 1775 à Arras, évadé deux fois du bagne et de la chaîne (convoi de prisonniers) à Brest et Toulon (1798 et 1800), il acquiert d auprès des gens du milieu un respect et une notoriété sans égal. A partir de 1811, il dirige la Sûreté, un service de police dont les membres sont d’anciens condamnés et dont le rôle est de s’infiltrer dans le « milieu ». Excellent physionomiste, il repère, même grimée, toute personne qu’il a préalablement dévisagée et excelle lui-même dans l’art du déguisement. Ses nombreux succès et ses méthodes peu orthodoxes lui apportent autant d’admirateurs que de détracteurs, mais les résultats sont évidents : ses hommes revendiquent trois fois plus de captures que la police traditionnelle centre 1811 et 1827, date de la démission de Vidocq. En 1828, il publie en 4 volumes ses « Mémoires », qui connaissent un grand succès, et inspireront notamment à Honoré de Balzac son personnage de Vautrin (« La Comédie humaine », 1830 – 1856), à Eugène Sue son Rodolphe de Gerolstein dans « Les Mystères de Paris » (1842 – 1843), à Victor Hugo son duo Jean Valjean/Javert (« Les Misérables », 1862), ainsi que le « Chéri-Bibi » de Gaston Leroux en 1913.
Outre le cinéma (Harry Baur dès 1909 ; Gérard Depardieu en 2001) et la télévision (Bernard Noël et Claude Brasseur dans deux séries françaises successives en 1967 et 1971), comment ne pas évoquer les précédentes adaptations de Vidocq en bande dessinée ? Citons par conséquent « Les Aventures véridiques du policier bagnard Vidocq » par René Giffey et R. Laude en 1939 (Société parisienne d’édition), « La Rédemption de Vidocq », par Forton et Joly (récit court paru dans Spirou n° 882 en mars 1955, parmi les histoires de l’Oncle Paul), « Vidocq » et « Le Roi des policiers » par Jean-Michel Charlier et Georges Langlais (GAL) (en 1957, dans Pistolin n° 57 et n° 58) ou, encore, le protagoniste central de la série « Alchimie »… par Richard D. Nolane (et Olivier Roman, Éditions Soleil, 2010). Précisons également que ce nouvel opus de « Vidocq » est l’aboutissement pour son scénariste d’un projet historico-fantastique précédemment annoncé pour 2012 sous le titre « Gothic Vidocq », originellement (en compagnie du dessinateur Matteo Bussola ), et dont le premier tome aurait été « Le Vampire de la grande armée (1813) ».
Complétons notre trame : ayant déjà survécu à la Révolution, Vidocq réussira également à surmonter la chute de Napoléon en 1815 et à poursuivre après la Restauration sa carrière de chef de la Sûreté jusqu’en 1827, sous le règne de Charles X. Par la suite, il deviendra le premier détective privé de l’histoire de France et continuera à combattre le crime (non sans de sévères rivalités et jalousies) jusqu’à sa mort, le 11 mai 1857, à l’âge de 82 ans. Déjà entré depuis longtemps dans la légende, le nom de Vidocq était alors connu dans toute l’Europe.
Philippe TOMBLAINE
« Vidocq T1 : Le Suicidé de Notre-Dame » par Sinisa Banovic et Richard D. Nolane
Éditions Soleil – 28 janvier 2015 (14, 50 €) – ISBN : 978-2302042315