Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Après nous avoir prouvé qu’il était bien un dessinateur réaliste de premier plan (ne serait-ce qu’avec son trait soigné et détaillé, en couleurs directes, sur la série « Niklos Koda » scénarisée par Jean Dufaux ou sur le diptyque « La Femme accident » avec Denis Lapière), Olivier Grenson s’affirme désormais comme un scénariste, et surtout comme un dialoguiste, avec lequel il va falloir compter !
C’est un voyage en Corée en 2004, où les organisateurs d’une exposition sur la bande dessinée belge l’ont amené visiter la frontière entre le Nord et le Sud, qui a été le déclencheur de ce premier scénario qu’il nous propose dans la belle collection « Signé » des éditions Le Lombard.
Commençant un carnet de croquis sur place, notre dessinateur a eu envie de comprendre comment un pays avait pu être coupé en deux, du jour au lendemain. En s’intéressant d’un peu plus près à l’histoire de ce territoire et à l’imagerie communiste véhiculée par la Corée du Nord, il découvre un fait divers qui l’engage à passer le pas : les retrouvailles, sur une seule journée, de plusieurs familles sélectionnées par ces deux pays. Ainsi, imagine-t-il l’histoire de Billy, jeune homme quittant San Francisco pour la Corée, afin de fuir une relation difficile et d’exaucer le dernier vœu de sa grand-mère qui l’a élevé : récupérer les restes de son grand-père, mort au front, soixante ans plus tôt…
Prenant son temps pour développer son récit prévu en deux volumes, l’auteur y multiplie les interrogations sur cette quête des origines, sur la faculté de revivre après avoir vécu une tragédie et sur le fait de pouvoir oublier des secrets douloureux enfouis au plus profond de l’enfance (et dont seul un pan nous est ici révélé) ! Et pour rythmer au mieux sa limpide narration, Olivier Grenson va aussi nous proposer de somptueuses images symboliques et oniriques, lesquelles se posent en contrepoint des atrocités de la guerre, tout en étant en totale cohérence avec le scénario. Bravo !!!
Gilles RATIER
«La Douceur de l’enfer» T1 par Olivier Grenson
Éditions Le Lombard (15,95 €)