« Irmina » par Barbara Yelin

La couverture de l’album est double : dans sa partie supérieure, une scène printanière et lumineuse représente un couple à vélo, souriant. Lui est noir, elle est blanche. Puis l’œil découvre dans un reflet aquatique sombre, au premier plan, une autre scène, inversée et autrement plus dramatique : c’est l’hiver dans une ville en ruines, désolée, où circulent des silhouettes errantes…

C’est le parcours sentimental d’une femme, Irmina, que l’auteure allemande, Barbara Yelin, s’attache à retracer, car c’est celui d’une grand-mère, un parcours romancé, certes, mais touchant, voire troublant. En 1934, Irmina quitte l’Allemagne pour Londres afin d’y faire des études et d’y travailler.  Elle y rencontre un jeune noir originaire de La Barbade qui va changer sa vie. Elle le croit d’abord barman, avant d’apprendre qu’Howard fait des études à Oxford, ville qu’il lui fait bientôt découvrir. La relation s’installe, mais il n’est pas simple pour ces jeunes gens d’afficher leur liaison. Les « honnêtes gens » ont des principes et si Howard sait se faire « discret », Irmina a plus de mal avec le racisme ambiant.

Bientôt, l’argent manque à Irmina pour demeurer en Angleterre. En avril 35, jurant de revenir au plus vite, elle doit rentrer. Dès lors, sa vie bascule. Le retour devient compliqué, constamment repoussé, hypothétique, et elle perd Howard de vue ! Du coup, piégée, elle se plie, se soumet, s’intègre, se marie, dans un monde national-socialiste où elle est mal, très mal. Tout se recroqueville, se rétrécit. C’est la guerre et son lot de vexations, de renoncements, de solitude; pire, de compromission avec le régime puisqu’elle épouse un militant nazi. Irmina, comme beaucoup d’autres Allemands, courbent le dos, inquiets ou terrorisés, situation longuement expliquée dans la postface qui fait le point sur la vie quotidienne en Allemagne sous le régime nazi, notamment sur la place des femmes. C’en est donc fini des rêves d’Irmina, de ses ambitions ? Voire !

On ne peut en tout cas quitter cette femme brisée et attachante sans insister sur les dessins de l’auteure. Barbara Yelin croque en effet avec justesse ses personnages et leur donne beaucoup d’expression en quelques traits seulement, le tout rehaussé de couleurs grisées et sépia qui distillent des ambiances tantôt pesantes, tantôt poignantes, toujours justes. Quelques paysages pleine page retiennent l’œil, comme la couverture à double tranchant !

Alors bon voyage, au fil des 272 pages de cet ouvrage touchant et passionnant !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Irmina » par  Barbara Yelin

Éditions Actes Sud – L’An 2 (26 €) – ISBN : 978-2-330-03641-6

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3 réponses à « Irmina » par Barbara Yelin

  1. servin dit :

    As-t-on lu le même livre?

  2. servin dit :

    Pardon pour la faute, le commentaire est parti trop vite.
    C’est cette chute qui est horrible pour moi
    Alors bon voyage, au fil des 272 pages de cet ouvrage touchant et passionnant !
    Bon voyage? Nous parlons d’une femme amoureuse dans sa jeunesse d’un jeune étudiant noir qui devient la femme d’un lieutenant de la SS, qui découvre à la fin de sa vie tout ce qu’elle a raté….

    Bref un livre complexe à lire en s’interrogeant ….

    Bon voyage….. :(

  3. Ping : Barbara Yelin : souvenirs brouillés – Femmes de lettres

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