« La Légende du Lama Blanc T1 : La Roue du temps » par Georges Bess et Alejandro Jodorowsky

Il y a décidément des contrées qui remuent les imaginaires, lesquels se peuplent volontiers d’êtres fantastiques et de créatures monstrueuses. L’Himalaya et ses corollaires tibétain et népalais sont de ceux-là, avec leurs cortèges de lamas pensifs et de yétis inattendus (car, depuis Hergé, on les sait attentifs et émotifs). Alors, comment ne pas se laisser séduire et se laisser partir avec « La légende du Lama Blanc » (un retour éditorial !) et « La Main de Pangboche »…

À la fin des années 1980, Bess et Jodorowsky ont déjà raconté (en six tomes aux Humanoïdes Associés) l’histoire du Lama Blanc ; Jodorowsky écrivait alors un de ces  scénarios mystiques dont il a le secret, prenant appui cette fois-là sur la philosophie bouddhiste. Au début du 20e siècle, à Lhassa, le Grand Lama qui dirigeait le pays faisait un rêve prémonitoire annonçant une invasion étrangère. Il décide alors de hâter sa fin pour que sa réincarnation suivante soit dans la force de l’âge quand le Tibet connaîtra une guerre sanglante. Il se réincarnera finalement dans le corps d’un orphelin d’origine européenne recueilli par une famille tibétaine. C’était un récit d’initiation original bénéficiant déjà de la qualité du dessin de Bess, excellent que ce soit pour le rendu des montagnes et des scènes d’extérieur que pour nous plonger dans les traditions familiales des Tibétains du début du siècle dernier.

Ce nouvel album ne déroge pas aux principes édictés, alors. Le contexte est le même : le Tibet des années 50 et l’envahisseur chinois qui viole, tue et torture à tour de bras. À ce contexte réaliste et cru, Jodorowsky adjoint des personnages autrement plus irréels, un groupe de lamas et leur chat (qui pense et agit comme un humain) partis en quête de leur ancien guide spirituel, Gabriel Marpa (présent dans le premier cycle), sorte de dieu vivant retiré dans un Temple d’or au cœur d’une vallée secrète. Et leur histoire ne fait que commencer, non sans croiser d’étranges yétis, hommes des cavernes après la lettre ! Rappelons qu’avec sa série « Péma Ling » (6 tomes chez Dupuis), Bess lui-même était déjà revenu dans ces sphères montagneuses et éthérées pour une histoire des plus rugueuses : celle d’une enfant devenue une redoutable guerrière et chef de bande, la « lionne des neiges », enseignant à ses brigands comment lutter contre les gouverneurs des provinces, les Chinois qui envahissent plaines et montagnes et les lamas corrompus.

C’est un retour aussi pour d’André Taymans qui, dans « La Main de Pangboche». Reboue avec Katmandou et le Népal. Déjà, avec « Ban manis » (Flouzemaker, 2009), il s’inspirait de l’histoire vraie d’une sexagénaire suisse disparue et nous invitait à une promenade himalayenne dans les pas d’Alix Lepic, jeune anthropologue suisse, qui espère obtenir des informations sur le Ban Manis, un homme sauvage, lointain parent des yétis. Au cours de son expédition, elle s’éprenait de son guide, oubliant sa quête initiale… Dans sa série « Caroline Baldwin », notamment dans « Rendez-vous à Katmandou », on bénéficiait aussi d’une belle promenade dans les décors envoûtants du Népal : rues et temples de Katmandou ou paysages montagneux en amont de la capitale y étaient superbement rendus. On retrouve les couleurs lumineuses et la ligne claire de l’auteur avec « La Main de Pangboche » où Roxane Leduc, antiquaire, dispose par hasard d’une relique embarrassante, le doigt momifié d’un yéti volé dans le monastère de Pangboche à la fin des années 90, relique qui intéresse d’autres personnes qui n’hésitent pas à éliminer les témoins autour delle. Il s’agit là encore d’une aventure inspirée d’un fait réel et l’on trouvera sur Internet trace non pas du yéti, mais de cette fameuse main et du monastère bien réel de Pangboche. Pour en savoir plus sur la carrière d’André Taymans, se rapporter également à l’interview de l’auteur, ici-même sur BDZoom.

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« La Légende du Lama Blanc T1 : La roue du temps » par Georges Bess et Alejandro Jodorowsky

Éditions Glénat (14, 50 €) – ISBN : 978-2-7234-9581-3

« La Main de Pangboche » T1 par André Taymans

Éditions Paquet (13, 50 €) – ISBN : 978-2-8889-0674-2

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