Exposition « Le Singe de Hartlepool » à Blois

Comme tous les ans, bd BOUM présente dans la bibliothèque Abbé Grégoire, une exposition d’importance consacrée à l’album lauréat du prix château de Cherverny de la BD historique, décerné l’année précédente aux Rendez-Vous de l’histoire de Blois. Il s’agit, cette année, du « Singe de Hartlepool » de Jérémie Moreau et Wilfrid Lupano, publié aux éditions Delcourt.

 Cette œuvre évoque un fait mi-légendaire mi-historique, qui se serait produit pendant les guerres napoléoniennes : après le naufrage d’un vaisseau français au large des côtes anglaises, les habitants de la ville de Hartlepool se seraient emparés de la mascotte du navire, un chimpanzé affublé d’un bicorne et d’un uniforme français. Cet accoutrement, l’ignorance et les préjugés firent le reste et expliquent comment les habitants prirent le singe pour un véritable soldat français, ce qui leur a valu le surnom toujours d’actualité de « pendeurs de singe ».

Dès la première salle, Sylvain Gache, et Nelly Bris, commissaires de l’exposition, aidés par toute l’équipe de l’association bd BOUM de Jean-Pierre Baron, ont choisi de plonger le visiteur au cœur de l’œuvre, avec une série de planches appuyées par des panneaux explicatifs et un vaste dessin mural évoquant le naufrage, point de départ du récit. L’ambiance est ensuite posée avec des décors de taverne, de plage, ou encore la fameuse cabane où fut enfermé le singe (que les petits auront plaisir à apercevoir à travers les fentes), et quelques effets comme aime à les concocter Sylvain Gache (chant de marin ou tableau reconstitué).

Finalement, la grande force de cette belle exposition, outre la présentation des planches et les décors de la mise en ambiance, repose sur les cartels explicatifs à dimension historique. Cette documentation explicite ainsi les sources d’inspiration des auteurs, notamment la caricature anglaise de l’époque, ou encore la genèse de l’album.

Par-dessus tout, un gros effort pédagogique renseigne le visiteur sur le contexte tout à fait particulier qui permet de comprendre la méprise des habitants de Hartlepool : fort sentiment antifrançais, préjugés raciaux à l’œuvre, tâtonnement des sciences naturelles dans la classification du vivant, autant de points qui renvoient à la bêtise xénophobe et au racisme aveugle dans lequel baigne l’album, et qu’il n’est heureusement plus facile de saisir, a priori de nos jours.

Pas d’équivalent cette année au choc théâtral de Staline dans son cercueil présenté en 2013, mais une atmosphère acidulée et fortement documentée, correspondant au ton tragi-comique qui règne dans cette bande dessinée.

Finalement, on ressort avec un sentiment ambigu, en se demandant s’il faut rire ou pleurer de la bêtise humaine, et des éternels ferments de racismes qui marquent l’histoire plus ou moins récente. En cela, Sylvain Gache, Nelly Bris et l’association bd BOUM ont encore rempli la mission citoyenne qu’ils se sont donnée dans leur approche de la bande dessinée, en présentant une véritable exposition d’utilité civique.

Joël DUBOS

Exposition « Le Singe de Hartlepool » à la bibliothèque Abbé Grégoire à Blois, jusqu’au 6 décembre 2014.

Sylvain Gache faisant visiter l'expo à Derib, l'auteur de « Yakari » et à la journaliste Josy Hermeline.


Galerie

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