« Fils du Soleil » par Éric Henninot et Fabien Nury et « Hommes à la mer » par Riff Reb’s

Comme la littérature a voyagé bien avant la bande dessinée, cette dernière comme redevable de tant de récits de voyages et d’aventures exotiques, y revient régulièrement puiser ses rêves, ses images et des destins hors du commun. C’est légitime et l’occasion de très belles rencontres…

Avec « Fils du Soleil », Henninot et Nury empoignent l’œuvre de Jack London, deux nouvelles plus exactement (« Le Fils du Soleil » et « Les Perles de Parlay »), pour constituer un récit aventurier haut en couleurs. Au cœur de l’intrigue, David Grief, négociant sans peur, impitoyable mais honnête,  prêt à tout, même à risquer sa vie pour une dette impayée. Ce jusqu’auboutiste, riche, très riche, qui vaque sur son voilier, le Wonder, au gré des îles Salomon, entre ses plantations et ses comptoirs, finit par céder aux sirènes des perles que le vieux Parlay a décidé de vendre. On découvrira finalement qu’au-delà de l’attrait qu’exerce sur Grief ce trésor des mers du Sud se cache une vieille blessure qui rend ce personnage plus humain… Le récit, classique au fond mais intense, est sublimé par le travail d’Henninot qui excelle dans une longue séquence d’ouragan mise en scène avec brio et joliment mise en couleurs par Marie-Paule Alluard.

De son côté, Riff Reb’s continue de se passionner pour les récits maritimes et propose avec « Hommes à la mer » un patchwork étonnant (et détonnant comme on dit) de huit nouvelles signées Conrad, Hodgson, Mac Orlan, Poe, Schwob et Stevenson entrecoupées de textes illustrés d’Homère, Sue et quelques autres. Après « À bord de l’Étoile Matutine » adapté de Mc Orlan et « Le Loup des mers » de London (voir notre chronique), Riff Reb’s entend clore sa sorte de trilogie par ce florilège littéraire réunissant de tragiques destinées, entre bateaux qui sombrent, cauchemars  glauques et aqueux, dérives fantastiques et morbides, aventures polaires ou tropicales, non sans humour et cynisme (« Le Naufrage » de Stevenson, par exemple). Qu’il s’agisse de textes quasiment illustrés ou de bandes dessinées proprement dites (narratives et dialoguées), le talent de Riff Reb’s à caricaturer ses personnages ou à magnifier ses scènes de tempêtes (le maelstrom de Poe !) est proprement stupéfiant et l’on se laisse porter, ballotter, emporter par ses océans ravageurs autant que par ses variations d’atmosphère et de graphisme.

On ne saurait quitter ces embruns et marins sans évoquer le tome 2 du « Moby Dick » de Chabouté et le célèbre capitaine Achab du Pequod aveuglé par sa rage et sa folie de vengeance envers Moby Dick, le cachalot blanc qui lui a arraché la jambe par le passé. Chabouté n’est pas le premier à vouloir adapter le chef d’œuvre de Melville, mais il a, graphiquement, un trait et un usage des noirs et blancs qui forcent l’admiration. Les visages burinés, les bateaux au bois vieilli, la violence des océans, les « monstres » marins… tout est puissant, rageur, comme il sied à une œuvre mythique. Du grand art ! Cela n’enlève rien cependant à l’adaptation signée Alary et Jouvray, parue cette année chez Noctambule. Contrairement aux noirs et blancs toniques de Chabouté, Alary et Jouvray ont opté pour un graphisme plus léger, crayonné, anguleux mais agrémenté de couleurs douces et lumineuses. L’impression est totalement différente et c’est tout aussi savoureux.

Alors, bons voyages !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Fils du Soleil » par Éric Henninot et Fabien Nury
Éditions Dargaud (19, 99 €) – ISBN : 978-2205-07047-7

« Hommes à la mer » par Riff Reb’s
Éditions Soleil, collection Noctambule (17, 95 €) – ISBN : 978-2-3020-4311-4

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