MARC JAILLOUX : TRADITION ET MODERNITÉ

Reprendre « Orion », une des séries les moins notoires de Jacques Martin, était une gageure. Marc Jailloux relève le défi avec brio en respectant l’esprit du Maître tout en insufflant une nouvelle énergie à la reprise de cette saga, près de 10 ans après que son dernier épisode soit paru en album.

« Ma première rencontre avec Jacques Martin date du Festival d’Angoulême de 1987, quand je me suis fait dédicacer un album d’Alix », se rappelle-t-il. À l’époque, « Orion » est encore une série en gestation dans le cerveau toujours en ébullition du créateur d’ « Alix » et de « Lefranc ».

Quelques années plus tard, à l’occasion d’une exposition-vente à Drouot consacré à celui qui travailla durant de nombreuses années avec Hergé et fut un des piliers du magazine Tintin, Marc Jailloux redécouvre le travail de Jacques Martin : « J’ai eu envie, en me retrouvant devant ses planches et dessins originaux, d’Å“uvrer dans ce style. » nous raconte-t-il. Par le biais du site Alix l’intrépide, (http://alixintrepide.chez.com/), auquel il collabore, le futur repreneur d’ « Orion » est « amené à rencontrer ce grand Monsieur » avec qui s’instaure progressivement des relations professionnelles dans le cadre d’interviews.

Son diplôme des Gobelins en poche, deux albums à son actif (« Sangsuc » aux éditions Pointe Noire et « Necrolympia » chez Panini), réalisés dans un style plutôt expressionniste mais fortement documentés, Marc Jailloux ne perd pas de vue son objectif.

Une rencontre , de celles qui concrétisent un rêve, va permettre au futur dessinateur d’ « Orion » d’atteindre son but : « Gilles Chaillet cherchait un repreneur sur « Vasco » (Le Lombard) mais je n’étais pas encore au point, ce qui ne l’empêcha pas de me contacter quand il eut besoin d’un assistant sur la série « Vinci » (Glénat, avec Didier Convard ) . Il est vrai que ce graphisme ne m’était pas inconnu et je me mis très vite au travail ». Et de commenter « Gilles Chaillet m’a permis de gagner dix ans de travail personnel. Après cette collaboration, j’avais très envie de ma propre bande dessinée et j’ai proposé aux éditions Casterman un test graphique pour la reprise d’ « Orion », que Jacques Martin souhaitait voir exister à nouveau ».

L’univers de cette série passionne en effet le jeune auteur. « Il n’y a quasiment rien en BD sur la Grèce antique, nous dit-il, exception faite de « L’Âge de bronze » ou « Atalante », plus orientée Fantasy. Bizarrement, poursuit-il, Il n’existe pas d’image immédiate de cette période, peu enseignée et peu vulgarisée. Bien qu’il s’agisse du berceau de notre civilisation, c’est une époque difficile à « vendre » aux éditeurs ». Marc Jailloux s’attelle alors à l’écriture d’un scénario, suite à un voyage qu’il effectue en Grèce, dont il souhaite maintenir la vraisemblance et le réalisme, tout en y injectant une dimension fantastique. « Mon scénario a été validé par Jacques Martin, à partir du synopsis, poursuit-il . Il respectait mon travail et était toujours très impatient à le suivre. D’ailleurs, une des dernières fois où je l’ai vu, alors qu’il était malade, il m’avait dit « Alors, quand reprenez-vous Alix ? » »

Il est vrai que Marc Jailloux sait y faire. Ce nouvel épisode d’ « Orion », qui paraît près de 10 ans après le précédent respecte les codes du genre tout en le revisitant : « j’ai repris du journal Tintin le suspense de fin de page, nous explique-t-il et j’ai respecté le cahier des charges des Å“uvres créées par Martin, comme le cartouche horizontal de la première case. Mais je ne me suis rien interdit. J’évolue avec mon temps et je n’avais pas envie de réaliser une pâle copie de ce qu’aurait pu faire le créateur de la série. » L’auteur décide ainsi de se réapproprier la destinée du héros de la série : « au début, Orion est un personnage très tourmenté, plus fouillé qu’Alix. Puis il dérive pour devenir un simple aventurier qui parcourt le monde. Je suis reparti sur la base initiale d’un personnage tourmenté, en essayant de le faire vivre dans une civilisation, plus que de montrer une civilisation dans laquelle évolue des personnages. » L’action est également omniprésente dans cette aventure dont l’intrigue nous entraine sur les choix de Périclès face à la menace spartiate qui pèse sur la ville d’Athènes. Les aspects historiques sont maîtrisés, au point de laisser le libre arbitre de l’auteur pour enrober son récit « Si j’ai triché, avoue-t-il, ce n’est que pour satisfaire le lecteur ». Pour l’exemple, il cite le Parthénon, alors entouré d’échafaudages, qu’il a préféré dessiner sous son plus beau jour.

Satisfait à juste titre du résultat de son travail, Marc Jailloux a déjà des idées de scénarios pour la suite des aventures d’ « Orion », dont il a prévu un premier cycle de trois albums : « Le cycle d’Ilona amènera le héros de la série à retrouver sa femme, qu’il pensait morte, dès le prochain volume ». Avant d’en être séparé à nouveau…

« L’envie est là », nous dit Marc Jailloux. Elle mérite d’être alimentée.

Laurent TURPIN

Le blog de Marc Jailloux : marcjailloux.canalblog.com

Crédit photo de Marc Jailloux : Christophe Fumeux

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