Une ZAC (zone d’activité commerciale) doit voir le jour dans le champ jouxtant les biens immobiliers d’une famille désargentée issue de la vieille noblesse : les Valence de Terney d’Argence… Après avoir épuisé tous les recours possibles, ces propriétaires terriens sans le sou vont sceller un accord improbable avec un groupe de militants écologistes radicaux, venus d’un peu partout en France, et créer une ZAD (zone à défendre, à l’instar de Notre-Dame-des-Landes) pour sauver ce territoire… Des nobliaux montant les barricades pour contrer les charges de CRS : voilà qui est à la fois croquignolesque et rocambolesque ! Philippe Pelaez nous a concocté, ici, une savoureuse comédie satirique décalée, doublée d’une véritable critique sociale ; le tout illuminé par le trait enlevé de Gaël Séjourné…
Lire la suite...« Polina »

Depuis qu’il nous avait livré son remarquable « Goût du chlore », on se demandait bien quand le talentueux et inventif Bastien Vivès allait confirmer qu’il est bien « la » révélation bédéesque de ces dernières années?
Voilà qui est fait avec cette ode à la création artistique qu’est « Polina » ! Non pas que ces précédentes œuvrettes fussent négligeables (autant « Dans mes yeux » qu’« Amitié étroite », par exemple, ont un charme évident) mais, avec cette chronique de l’éclosion d’un caractère mature et adulte dans le milieu de la danse classique et contemporaine, le jeune auteur nous surprend vraiment par sa finesse psychologique, par la densité de son histoire et par son trait jeté, magnifié à la manière d’un Baudoin ou d’un Blutch…
La jeune Polina Oulinov a le génie de la danse et le réputé professeur Bojinsli, aussi impénétrable que rigoureux, l’a bien repéré ! On suit alors la trajectoire contrariée de cette ballerine : l’inflexibilité de son apprentissage donnant lieu, finalement, à l’explosion de son identité et d’un style personnel. Évidemment, les rapports, souvent sadomasochistes, entre le maître et l’élève sont au premier plan, mais ce qui est encore plus touchant dans l’approche de l’auteur, c’est son discours sur la transmission, sur la passion et sur l’ambition, mais aussi sur l’opposition, pas si manichéenne que l’on peut croire, entre le classique et le contemporain : des thèmes qui transparaissent entre les lignes et qu’il nous assène, lentement, mais sûrement !
Et comme la danse est un art très visuel, même si Bastien Vivès reconnaît qu’il n’y connaissait rien avant d’aborder le sujet, il réussit à nous charmer avec les corps souples et sensuels qu’il dessine de la même façon, faisant exprimer toutes sortes de sentiments : de l’amour à la haine, en passant par la passivité ! Finalement, au bout des deux cents pages en bichromie que totalise cet album totalement réussi, on ne peut que reconnaître que Bastien Vivès a vraiment été, ici, touché par la « grâce »… Tant sur le plan scénaristique que sur le plan graphique !
Gilles RATIER
«Polina» par Bastien Vivès
Éditions KSTR (18 €)