Disparu il y a déjà sept ans, René Pétillon — bien connu pour ses dessins d’humour dans Le Canard enchaîné, mais aussi pour son inénarrable détective Jack Palmer dont l’enquête corse a notamment fait parler de lui, car adaptée au cinéma — (1) avait travaillé, depuis 2008, sur ce scénario quasiment achevé. Bien qu’il en ait également assuré partiellement le découpage et les crayonnés (donc, il ne restait pratiquement plus qu’à dessiner l’album), il avait abandonné cet ultime projet pour différentes raisons, dont la nécessité d’honorer d’autres entreprises en cours. C’est le célèbre Manu Larcenet (2), récemment auréolé de son adaptation de « La Route », qui a été approché pour s’approprier l’histoire, la terminer et la mettre en images : un très bon choix !
Lire la suite...« Les Larmes de l’assassin » par Thierry Murat

Dans Patagonie, il y a « agonie », ce qu’on comprend bien en lisant » Les larmes de l’assassin « , la BD adaptée du roman éponyme d’Anne-Laure Bondoux. Là, dans les années Trente, à l’extrême sud du Chili, à plus de 3000 kms de sa capitale, Santiago, non loin de Punta Arenas (et d’Ushuaia, l’Argentine) survit une famille miséreuse. Déjà brutalisée par le destin, voilà qu’arrive pour la détruire presque totalement Angel Allegria?
Sous ce nom d’ »ange joyeux » se cache un assassin en cavale, un monstre de cruauté, qui tue les parents et épargne leur enfant Paolo. Il s’installe et, parce qu’il n’a pas osé achever son « œuvre », décide de l’élever comme son fils (c’est ce dernier, le narrateur). Ce face à face imprévu l’amène à ressentir l’impensable : de bons sentiments ! Mais tout est à nouveau chamboulé avec l’arrivée de Luis Secunda, un trentenaire désabusé au ban de sa famille comme Angel l’est de la société et qui cherche lui aussi le dénuement et l’enracinement.
Un tel récit porté par les silences et les tensions, sur paysages désertiques et ventés, supposait des dessins dépouillés au graphisme âpre et rustique, ce que réalise avec brio Thierry Murat. L’économie de moyens graphiques n’a d’égal que la puissance de ses couleurs granuleuses qui confère à ses décors une atmosphère pesante et angoissante. Entre l’illustration de textes off et les séquences réellement BD, l’ensemble constitue un récit émouvant, poignant, qui tire aussi sa force du récit initial paru chez Bayard en 2003 (pour les adolescents !) et qui reçut de nombreux prix.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» Les Larmes de l’assassin » par Thierry Murat,
Éditions Futuropolis (18 €)