Comics patrimoniaux…

Les rééditions françaises des trésors patrimoniaux des comics ont toujours le vent en poupe, et c’est tant mieux ! Fin octobre paraîtra chez Taschen un bel ouvrage sur les 75 ans de Marvel. Le même éditeur, fin novembre, sortira une remarquable intégrale de « Little Nemo », et à la même période devrait enfin paraître le premier tome de l’intégrale de « Pogo » chez Akileos. Tout ceci est très alléchant, et j’y reviendrai bien sûr dans cette chronique comics. Mais aujourd’hui, je vais vous dire quelques mots sur les derniers volumes récemment parus de deux intégrales en cours : « Peanuts » et « Prince Valiant »…

« Snoopy et le petit monde des Peanuts » T2 par Charles Monroe Schulz

Nous vous l’avions annoncé au mois de mai : les éditions Delcourt ont amorcé une intégrale des sunday pages de « Peanuts », bénéficiant d’une nouvelle traduction et d’une nouvelle mise en couleurs. Un ravissement pour les fans de cette série mythique qui vont pouvoir admirer ces planches dominicales sous un angle rafraîchissant… Le deuxième tome vient de sortir (le troisième tome paraîtra en novembre), et c’est toujours avec autant de plaisir qu’on lit ces petites merveilles d’humour aussi fin que redoutable. Car même lorsqu’on connaît cette série par cœur, le miracle a toujours lieu et l’on rit comme au premier jour à chaque nouvelle lecture, ce qui est bien l’apanage des œuvres de haute volée. On appelle ça un classique. Indémodable. Irremplaçable. Unique. Génial. L’œuvre de Schulz est si sincère, si universelle, qu’elle est apte à toucher des lecteurs et des lectrices de tous âges et de tous horizons… Oui, il y a bien quelque chose de l’ordre du miracle, dans « Peanuts ». Car si nous connaissons tous les thèmes qui l’ont traversé des décennies durant et qui reviennent de manière récurrente (le cerf-volant de Charlie Brown, la Saint-Valentin, le stand de Lucy la psy, le match de base-ball, la Grande Citrouille de Linus, Snoopy écrivain, la drague vaine de Lucy envers Schroeder, etc.), la lassitude ne s’installe jamais, et l’on continue de rire, d’être surpris, attendri, touché… Monument éternel de la bande dessinée américaine et chef-d’œuvre absolu de la bande dessinée mondiale, « Peanuts » ne prend pas une ride, sachant traverser le temps sans jamais être « daté ».

Dans ce deuxième volume, outre les classiques scènes de base-ball, on assistera à plusieurs séquences où – à l’ombre d’un arbre – Charlie Brown et Peppermint Patty ont des discussions très sérieuses sur le passé, le présent, l’avenir, bref, l’âge et le vieillissement. Évidemment, ces philosophes en culottes courtes ont leur façon bien spéciale d’aborder le sujet ! On retrouvera aussi Snoopy en pleine écriture de plusieurs romans tous plus improbables les uns que les autres (à mourir de rire), sans parler de ses relations épidermiques avec les éditeurs… Woodstock est aussi assez présent, toujours aussi mignon, ridicule et touchant ; ce pauvre petit piaf va encore en voir de toutes les couleurs ! Il sera aussi question de la gamelle de Snoopy, pas assez souvent remplie à son goût, ou du beagle de Pâques (eh oui !). C’est encore une fois tout le petit théâtre de Schulz qui s’anime devant nos yeux ébaubis, et il n’y a pas une page où – au minimum – on ne sourit pas. Dès la première planche de l’album, le rire est au rendez-vous… Tour à tour tendre et féroce, « Peanuts » ne verse jamais dans la mièvrerie, et s’avère revigorant pour le moral. Si vous avez des enfants, ne passez pas à côté du plaisir de leur offrir ces albums de « Snoopy et le petit monde des Peanuts », car au-delà du plaisir vous leur ferez un vrai cadeau de vie qui pourrait bien les accompagner pour longtemps… Vive Schulz, et vive les beagles ! Ouaf !

« Prince Valiant, intégrale T5 : 1945-1946 » par Hal Foster

On passe maintenant à tout autre chose avec ce cinquième tome de l’intégrale de « Prince Valiant ». Depuis le premier tome, on a pu à nouveau constater combien cette œuvre est sublime par sa remarquable esthétique. Ce volume couvrant les années 1945-1946 ne dément pas cette constatation, bien au contraire, car cette période est particulièrement belle, et on ne peut que rester pantois d’admiration en scrutant chaque planche, chaque case, chaque trait, tant le style de Foster est éblouissant de finesse et de puissance mêlées. On remarquera que dans ces épisodes, Foster a apporté un soin extrême au rendu des visages qui constituent une magnifique galerie de portraits dont le glamour n’est pas sans rappeler quelques belles figures du cinéma américain de l’âge d’or. Je ne me lasse pas d’admirer ces portraits au style photographique, tout en nuances, ciselés avec une finesse extraordinaire. Mais il n’y a pas que les visages, bien sûr : les décors intérieurs et extérieurs, les habits, les animaux, les bateaux… tout est superbement réalisé, et le spectacle est total. On admirera aussi les ambiances d’ombres et de lumière, de température, exprimées par une mise en couleurs raffinée. Bref, « Prince Valiant » est tout simplement une œuvre somptueuse…

Dans la première partie de cet album se clôt la longue aventure où Prince Valiant était parti afin de capturer la reine des îles brumeuses de la mer Égée : la belle et fascinante Aleta. Une captive que notre Prince traite de sorcière et qui n’engendrait en lui que haine et mépris. Mais au bout du chemin, contre toute attente, il y aura un mariage… La présence d’Aleta dans « Prince Valiant » engendre une dimension de glamour absolument renversant qui permet à Foster de dessiner des scènes d’un érotisme latent, pétries d’une grande volupté. Cette figure féminine est importante, dans cette œuvre, car au-delà du glamour il y a là un sujet complémentaire du héros qui le révèle et participe à l’évolution de sa mentalité, à ses choix de vie. Des déserts d’Afrique du Nord à la France en passant par la Méditerranée, le périple des futurs mariés s’avère rempli de dangers de toutes sortes, et le retour à Camelot va être moins tranquille qu’espéré puisque le roi Arthur doit faire face à une invasion des Saxons… Dans ce volume, vous pourrez aussi lire la fin de la bande complémentaire « Le Château médiéval » que Foster réalisa en 1944 et 1945 dans le dernier tiers des planches de « Prince Valiant ». Le dessinateur P. Craig Russell signe une préface où il témoigne de sa découverte de Kirby et Foster, et en fin d’album vous trouverez une petite galerie d’illustrations que Foster réalisa pour différentes revues. On se réjouit donc à nouveau que Soleil ait entamé cette édition intégrale, « Prince Valiant » restant un très grand classique qu’il convient de (re)découvrir…

Cecil McKINLEY

« Snoopy et le petit monde des Peanuts » T2 par Charles Monroe Schulz

Delcourt (14,95€) – ISBN : 978-2-7560-5033-1

« Prince Valiant, intégrale T5 : 1945-1946 » par Hal Foster

Soleil (24,95€) – ISBN : 978-2-3020-4237-7

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