Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Perico T2 » par Philippe Berthet et Régis Hautière
Suite et fin du diptyque concocté par Hautière et Berthet, « Perico », dont l’histoire commençait à Cuba, en 1958. On avait laissé le couple Joaquin / Elena, en Floride, prêt à étrenner la route popularisée par Kerouac, de Tallahassee à Los Angeles…
Les voilà en Louisiane, cette même année, momentanément planqués dans une maison isolée et détenue par des trafiquants de drogue. Et tout ne s’y passe pas bien !  Joaquin et Elena fuient à nouveau. Elena de la Luz s’appelle, en fait, Livia Heredia et on va tout découvrir de son passé difficile. Qui dit route dit étape et donc motel, mais tout se complique encore car les tourtereaux sont recherchés par des tueurs au service de la pègre et de la mafia. Alors Hollywood sera-t-il le havre de paix espéré ? Rien n’est moins sûr, car le road-movie vire peu à peu à la balade sanglante et la chasse à l’homme (et à la femme !) au carnage. À Cuba, pendant ce temps, Batista perd du terrain au profit d’un Castro qui ne va pas tarder à s’imposer au pouvoir…
Impossible de ne pas retrouver dans cet album l’ambiance des premiers titres de Berthet, son « Privé d’Hollywood » notamment ou l’album concocté avec Tome, le superbe « Sur la route de Selma ». Il n’est pas impossible d’ailleurs que le « Blue Swallow » de la planche 19 ne soit un clin d’œil au motel éponyme de ce road-movie, également sanglant, un implacable enchaînement des destins et un imbroglio de situations excellemment mené avec un art de l’ellipse et du détail visuel d’une étonnante virtuosité. On retrouve dans « Perico » ce sens du détail visuel et du silence, mais le récit est tout de même plus fluide, moins elliptique, plus classique en un mot. Rappelons que ce diptyque inaugure la collection Ligne Noire dédiée au polar et que seul Berthet dessinera. Quant à Dominique David qui colore des deux tomes, rappelons qu’elle fut dessinatrice et coloriste de sa propre série « Jimmy Boy » dont le tome 4 s’intitulait « Hollywood », une série située à la fin des années 1930 et dont les cinq tomes mériteraient d’ailleurs une intégrale !
Profitons-en pour évoquer le tout dernier Lefranc, « Cuba Libre », nouvelle aventure de l’après Martin (et 25ème titre, tout de même). On est à Cuba, également en 1958. Alors que la situation politique est très instable, Ernest Hemingway invite Guy Lefranc à venir le rejoindre sur l’île. Au cours d’une partie de pêche, il a découvert les restes d’une cité engloutie, dont une étrange pyramide de style… égyptien, et pense être en présence de l’Atlantide. L’écrivain compte sur Lefranc, étranger à la corruption cubaine, pour la rendre publique. Dans le contexte de la guerre que se mènent Castro et Batista, et à une époque où La Havane ne manque pas d’agents de la CIA, vu les intérêts qu’ont les entreprises US sur place, c’est une précaution indispensable. Inviter Hemingway, soit ! Mais quelle curieuse idée de lui coller sur le dos une histoire de cité sous-marine égyptisante, une Atlantide qui disparaît bien évidemment à la fin du récit et dont l’idée dans ce contexte politique frise quand même le ridicule.
Alors, bon voyage !
Didier QUELLA-GUYOTÂ ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Perico T2 » par Philippe Berthet et Régis Hautière
Éditions Dargaud (13,99 €) – ISBN : 978-2-5050-1996-1
Ce n’est pas Denis Lapière le scénariste de « Sur la route de Selma » mais Philippe Tome !
Didier Quella-Guyot vient de corriger son lapsus. Merci de nous l’avoir signalé !
Bien cordialement
Si le gentil et sérieux Lefranc rencontre le grand Hemingway, cela risque de de lui apprendre bien des choses, car Hemingway était un jouisseur: rhum, cigares, petites nanas, il y avait bien des plaisirs à découvrir à La Havane à cette époque. Sans doute de quoi oublier définitivement son jeune ami en culottes courtes, Jean-Jean!°) . arf arf! C’est l »Ã©volution, mes bons amis!