« Prévert, inventeur » par Christian Cailleaux et Hervé Bourhis

Il ne faut pas oublier les voyages littéraires, les voyages au pays des mots et des jeux de mots. Si voyager, c’est souvent se réinventer une culture, lire, c’est toujours se réinventer un langage et Prévert est, par exemple, une très bonne recrue pour ça. D’ailleurs, son histoire commence à Constantinople, en 1921…

Non pas que Prévert soit né cette année-là, non, mais l’album « Prévert, inventeur » commence par son service militaire. Jacques Prévert est alors soldat en Turquie, loin de Neuilly où il est né. Au fil des premières planches, on le voit se promener dans la ville fascinante. La vie militaire semble bien calme et c’est aux mots de Pierre Loti décrivant la ville qu’il est sensible, autant qu’à la vie interlope, aux cafés de Taxim, aux plages d’Ayastefanos et à l’enchantement de l’île de Krinkipio (Ile des Princes).

Après deux ans de soleil, Prévert revient à Paris et s’installe dans le Paris populaire de Montparnasse. Sa vie littéraire commence vraiment, d’abord par ses rencontres avec le gratin artistique de l’époque : Aragon, Breton, Desnos, Tanguy… Le moins qu’on puisse dire, c’est que Prévert n’est pas un foudre de travail, il se laisse porter, emporter, comme par le surréalisme de Breton. Ses réparties et ses jeux de mots commencent à porter leurs fruits jusqu’à suggérer le jeu du cadavre exquis « qui boira le vin nouveau », comme chacun sait ! Breton le trouve prodigieux, il ne sera pas le dernier ! Mais en 1930, le torchon brûle et Prévert participe au pamphlet anti-Breton « Un cadavre / Mort d’un monsieur».

Ce premier tome de la biographie du célèbre écrivain et scénariste vaut aussi par sa structure : des pages collages (pour Prévert qui les adorait, c’est de bonne guerre !) aux planches thématiques  titrées de phrases du poète en passant par des séquences plus narratives aux dessins désencadrés, Cailleaux réussit à nous immerger  de façon originale dans la vie de Prévert, opposant les graphismes, les vues hachurées ou les personnages simplement contourés.

Ce n’est pas son coup d’essai. Avec son acolyte Bourhis, ils ont déjà signé un biopic exemplaire, consacré à Boris Vian : « Piscine Molitor » (collection Aire Libre de chez Dupuis, 2009). Ils commençaient le 23 juin 1959, quelques heures avant la mort de Vian qui s’entraînait à la plongée en apnée, se souvenant de son enfance, de ses amis, de ses amours. La biographie évoquait également ses débuts littéraires, sa passion pour le jazz, ses problèmes cardiaques, entrant également dans l’intimité de Boris Vian, ses racines familiales et ses difficultés conjugales.

À propos de Prévert, signalons que, décidément, c’est son heure de gloire en bande dessinée puisqu’il était extrêmement présent dans le tome 2 de « La Mondaine » de Jordi Lafèbre et Zidrou, paru en août chez Dargaud. Dans le deuxième volet de ce récit consacré au quotidien de la brigade des mœurs, dans le Paris la Seconde Guerre, un soldat allemand ne cesse de citer Prévert qu’il rêve de traduire dans sa langue…

Alors, bon voyage !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Prévert, l’inventeur » par Christian Cailleaux et Hervé Bourhis

Éditions Dupuis, collection Aire libre (16, 50 €) – ISBN : 978-2-8001-6225-6

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