Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Vertiges de Quito » par Didier Tronchet
Quito, capitale de l’Équateur. L’Équateur qui ceinture le monde a donc sa capitale !? Comme le dit Tronchet, en préambule : « Personne ne sait vraiment situer ce petit état, grand comme la moitié de la France ». Alors, comme il y a vécu trois ans, il a décidé de nous le faire découvrir…
Cette ville « insensée » est une ville au bord du vide, au bord du gouffre, peut-être. Tronchet commence par nous faire découvrir le quartier où il habitait et cette rue / route qui dégringole les 2 800 mètres jusqu’à la forêt, une rue qui, de lacet en lacet, révèle son peuple, ses traditions, ses points de vue, ses points de chute, ses faits divers (quelquefois dramatiques), une rue haute en couleurs et haute tout court, une rue qu’on a très vite envie de prendre soi-même pour aller à la rencontre des Quiténiens (habitants de Quito), des citadins du haut jusqu’à ceux d’en bas, ceux de la jungle qui vivent à flanc de montagne « à deux pas des Champs Elysées de Quito » !
Tronchet raconte aussi son séjour dans la forêt amazonienne en compagnie de sa femme, Anne Sibran, qui parle quechua (on se rappelle l’étourdissant « La Terre sans mal » qu’elle a scénarisé pour Emmanuel Lepage) et de son fils, de l’atterrissage homérique à la rencontre des Sarayakus, des Indiens (pardon, des Indigènes !) dont le territoire est terriblement convoité par de compagnies pétrolières.
Impossible aussi de ne pas être fasciné par le désert de sel du Salar (« le Salar de la peur », comme il dit !), en Bolivie, des centaines de kilomètres carrés d’un lieu extraordinaire et inquiétant, un ancien lac salé miroitant à 3 600 mètres d’altitude au sein duquel émerge un ilot colonisé par des centaines de cactus candélabres géants. Fabuleux !
Ce carnet de voyage, ou plutôt de séjour, est l’occasion de découvrir ce petit pays et d’apprécier la capacité de Didier Tronchet à nous immerger, à nous sensibiliser, à nous séduire. Son trait caricatural et ses couleurs quelquefois violentes font merveille et l’on regrette que le reportage, à la fois tendre et attentif, quelquefois drôle, quelquefois poétique, ne soit pas plus long, ce qui est envisageable cependant en lisant le livre éponyme aux éditions de la Table Ronde (sans parler de l’ouvrage d’Anne Sibran sur les mines de Potosi, « Dans la montagne d’argent », aux éditions Grasset).
Ces récits, prépubliés dans la revue XXI, constituent donc une incontestable invitation à voyager et, contrairement à ce que prétend Patrick de Saint-Exupéry en préface, on n’est pas déçus. Impossible ! C’est vivant, près des gens, quotidien et observateur… Ce qu’on appelle voyager !
Alors, bon voyage.
Didier QUELLA-GUYOT Â ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook)Â : http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Vertiges de Quito» par Didier Tronchet
Éditions Futuropolis (18, 50 €) – ISBN : 978-2-7548-1137-8