Lancé avec la promesse de proposer aux lecteurs amateurs du genre une longue saga familiale, « Les Damnés de l’or brun » ambitionne d’évoquer l’histoire de l’industrie du chocolat de ses origines à nos jours. Ce troisième ouvrage, consacré à l’année 1878, est, hélas !, le dernier. Pour les amateurs de cette série classique, voilà une conclusion un peu décevante, au goût aussi amer que celui du chocolat. Adieu Rosa Dumont, Marc Loiseau, Alain Swijsen, Christian Dallier, Stephen Wayne et bien d’autres descendants de Maria Da Silva et de Tiago Da Costa Socrates présentés dès le premier album dans l’imposant arbre généalogique publié en guise de pages de garde…
Lire la suite...« État de Veille » par D. Reviati et « Dérives » par P. Macola

Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’Italie fantasmée, ensoleillée et chantante, est mise à mal dans » État de veille « . Racontée du point de vue d’un enfant, cette Italie-là est celle des ouvriers et des capitalistes qui leur crachent dessus leurs saletés pétrochimiques?
Pourtant des gosses jouent, puis des ados font du foot, là, en lisière de l’usine qui dégueule dans les canaux ses produits toxiques. Leurs parents y travaillent, ça ne se discute pas. On fait comme si de rien n’était ! De dribble en shoot, les gamins vieillissent et s’intoxiquent, probablement, tandis qu’ici et là, comme en aparté, certains s’interrogent, s’indignent mais à quoi bon ?! Au bourg tout dépend d’elle, l’usine, et de lui, Enrico Mattei, l’homme légende qui a tout construit pour ses employés, de la crèche à l’église. Muselé, le peuple ? Oui, puisqu’il a le nécessaire, pourquoi devrait-il discuter le superflu (sa santé !), voire se révolter ?
Alors, au fil de cette chronique qui joue habilement le détachement, Davide Reviati dont c’est le premier ouvrage traduit en français, apporte tranquillement son témoignage (mais longuement : près de 350 pages). Pour faire plus sombre, plus triste, il griffonne, hachure, en noir et blanc dans un trait qui oscille entre Baru et Mattotti avec un sens du geste (notamment sportif) qui force l’admiration. Pas étonnant que l’ouvrage ait obtenu le prix du meilleur album au Festival de Naples 2009.
Cette Italie accablée, accablante, on la retrouve dans l’album » Dérives » de Piero Macola qui met en scène des petits pêcheurs qui par la faute des gros chalutiers venant de l’autre côté de l’océan, mènent la vie des humbles et des humiliés. C’est le cas de Bouba Boro qui, après avoir fait naufrage et perdu sa barque, se résigne à travailler à l’usine (de poissonnerie !) pour mieux rêver au bonheur, à l’amour, en faisant son tiercé ! L’île, utopique finalement, de laquelle il est prisonnier, est traitée par l’auteur en couleurs légères et en traits vaporeux. Chaque dessin sent la brume et l’incertitude Il en émane une mollesse ouatée qui colle à la perfection à cette tranche de vie sans horizon, sans illusion pour les sans-grades, piégés par la vie et par l’économie des riches.
On ne peut pas ne pas rappeler l’album réalisé dans un esprit plus engagé sur les fonderies polluantes du Nord : » Noir Metal : au cœur de Metaleurop » (cf. notice L@BD).
Bons voyages !
Didier QUELLA-GUYOT (L@BD et blog)
» État de veille » par Davide Reviati
Éditions Casterman (28€)
» Dérives » de Piero Macola
Éditions Atrabile (16 €)
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