Rien que pour vos yeux, un entretien avec Ancestral Z et Mojo autour de « Paloma, espionne avant tout ! »…

Nous avons avec ce début de série, un magnifique hommage au monde de l’espionnage et de la culture populaire. Ancestral Z et Mojo convoquent dans leur album James Bond, Emma Peel, Oss 117, Diabolik, Satanik, Barbarella et consorts. Ces trépidantes aventures sont amoureusement placées dans un univers visuel évoquant la fin des années 1960 et le début des années 1970. Architecture, design, mode, attitudes tout nous replonge dans l’ambiance pop de cette période colorée dans un style graphique tout droit sorti des cartoons cette époque…

Comme un bon vieux film d’espionnage, « Paloma, espionne avant tout ! » commence par une séquence d’action dans laquelle l’espionne italienne Paloma Crescendo libère son chef des griffes d’un magnat de l’industrie alimentaire, dont les plans de domination mondiale finiront en saucisses. Un petit flash-back nous amène cinq jours en arrière lors d’un cocktail. Au fil de cette soirée, nous en apprenons un peu plus sur la G.I.S. (Global Italian Service), organisation pour laquelle travaille Paloma. Cette agence a pour but, grâce à la naissance de l’informatique, de rassembler tous les savoirs et compétences de l’homme afin de ne pas reproduire les erreurs du passé. Après le sauvetage de son supérieur, Paloma est envoyée à Istanbul afin d’y retrouver une formule révolutionnaire d’énergie, à base de silice mise au point par Hypatie d’Alexandrie et perdue depuis la chute de la ville mythique. Une troisième mission enverra la jeune espionne substituer une bouteille hors de prix de Bordeaux 1958 dans les caves présidentielles françaises.

Au gré de ces péripéties, nous rencontrons, Ada Wok, assistante de Paloma, son mentor et ancien directeur de la G.I.S, Angelo Golfo  ainsi que Raaki, faussaire indienne et meilleure amie de Paloma. Nous en apprenons aussi un peu plus sur l’historique de la G.I.S. et l’implication du père de Paloma dans la création de cette officine du renseignement.

Chers agents Mojo et Ancestral Z, accepteriez-vous (sans trahir de secrets d’État) de vous présenter ?

Agent Ancestral 00Z : Je vais éviter de griller une de mes nombreuses couvertures, enfin quoiqu’on est en été après tout… Je suis dessinateur et scénariste sur « Paloma », je dessine les personnages de cet univers et du manga « Dofus ».

J’ai 33 années et je suis un giga fan de « Parker Lewis », « Code Lisa », « Alias », « Lost », « Chapeau melon et bottes de cuir » et de plus récemment « Chuck » et de pleins d’autres divertissements (avec des idées sympa)

Agent Mojo : Je suis également dessinateur sur « Paloma », mais pour les décors, et je scénariste aussi. Je travaille sur le manga « Dofus » également, mais sous le pseudo Mojojojo (couverture oblige).

Je suis fan de séries également, même si c’est plus « Game of Thrones », « House of Cards » et autre « True Detective ». Je m’intéresse aussi à l’Histoire et plus particulièrement à l’Antiquité romaine.

Ancestral Z et Mojo décryptant les dossiers du G.I.S.

 

Caya en chef par Ancestral Z.

Comment êtes-vous tombés sur les dossiers de la G.I.S. ?

Agents M & 00Z : Au mi-milieu de « Chaosland 2 », un rêve s’est mis en place. Après avoir suivi tant d’aventures d’espionnes, j’avais trop envie d’en créer une qui aurait la chance de côtoyer la liste de celles déjà existantes…

Avec Mojo, on en a parlé dans un couloir (un couloir très rectiligne, je me souviens) et on était emballé tous les deux par la même période.

Nous avons commencé à esquisser les courbes du projet pendant un an ; tout ce qui serait intéressant à développer, donner une âme à Paloma.

Nous avons placé tout ça dans un dossier puis dans une valise pour aller le montrer à Tot (a. k.a. Anthony Roux P.D.G. des éditions Ankama, scénariste de la série « Dofus »).

Quand il nous a dit oui pour le projet, on a été super heureux. L’aventure pouvait commencer.

Global Italian Service

Caya par Ancestral Z.

00Z : On voulait pouvoir créer une espionne qui ne soit pas ancrée dans l’Angleterre afin de s’éloigner un peu du carcan du genre. L’Italie s’est imposée assez vite. Un caractère bien trempé, brune, un côté un peu snob, Paloma correspondait bien à l’image qu’on peut avoir des Italiennes. La Vespa, le chignon dans les cheveux et bien d’autres choses qui lui vont comme un gant.

L’Italie reste une époque qui a resplendi pour ces années-là, aussi bien dans le design que le look des femmes. Ça sentait bon les voyages et le soleil… Au final, Paloma voyage tellement qu’on n’a pas eu le temps de décrire beaucoup de scènes italiennes, alors qu’il y’a tant à faire et à montrer… Je l’imagine flâner dans sa base à flanc de rocher dans la campagne. En plus, à cette époque, l’Italie était très en pointe dans le design de meuble et autres… C’est devenu une sorte d’Atlantide du design qui a disparu avec son temps.

Décor romain.

Paloma en 3D.

Agent M : En fait, nous voulions éviter de tomber dans les grands classiques du genre Royaume-Uni, USA, etc. On s’est dit que l’Italie collait bien au caractère bien trempé de Paloma, et au fait qu’elle adorait le café. Ensuite, c’est un pays qui a une identité forte et une histoire séculaire, tout le monde connaît un peu l’Italie en fin de compte.

En lisant les aventures de Paloma, nous croisions Georges Pompidou, Giovanni Leone. On pense aussi à Mario Bellini, André Courrèges. Avez-vous fait beaucoup de recherches sur cette période historique ?

Golden Axe (Premier du nom) par Ancestral Z.

 

 

Agent M : Oui, on s’est documenté sur les événements de cette époque, sur les design et l’ambiance générale également. Comme toutes les époques, elle est riche en événements marquants (crise pétrolière, coup d’État au Chili, inauguration du World Trade Center à NY)

00Z : En effet il s’agit bien de Pompidou et Giovanni Leone. Ça donne envie d’ancrer les références dans l’époque où se trouve notre héroïne. On aimerait bien même, à chaque histoire, placer quelques références ou des dates clés, mais qui resteront assez discrètes. C’est l’occasion pour nous d’en savoir plus sur l’époque. Nous avons en stock les sœurs Kessler (des chanteuses jumelles) qui étaient en Italie à ce moment, ça me donne envie de les inclure dans une future mission. Pour les recherches, j’ai envie de pouvoir me plonger dedans à fond. Mais vu que nous travaillons sur « Paloma » en parallèle à la série « Dofus », le temps nous rattrape trop vite…

Décor tibétain.

 

Godus par Ancestral Z.

Vous êtes crédités tous deux à la réalisation de cet album, comment vous partagez-vous le travail ?

00Z : Je suis sur les personnages et la colorisation des personnages. Pour l’histoire avec Mojo, on pose tous les deux nos envies et nous remettons tout ça dans l’ordre dès qu’on se retrouve autour de la table de travail.

On le fait relire à Élise notre éditrice pour en faire une histoire bien établie. La première histoire sert surtout pour poser l’univers et les personnages principaux, mais je pense que plus il y’aurait de missions plus on aura un univers dense, intéressant et fun, en tout cas on le souhaite.

Agent M : En ce qui concerne le scénario et le découpage, nous le travaillons à deux, par échange d’idées. Pour le dessin, je m’occupe des décors, là où Ancestral Z s’occupe des personnages.

Ça fonctionne un peu comme un dessin animé en fait. Je fais les décors et Ancestral s’appuie sur le décor pour poser les personnages par-dessus.

Recherche de décor.

 

Prometheus par Ancestral Z.

Justement à propos de dessins animés, cet album fait immédiatement penser aux grandes séries de William Hanna et Joseph Barbera (« Roquet Belles-Oreilles », « Les Jetsons ») mais aussi au travail du génial Genndy Tartakovsky (« Les Super Nanas », « Samuraï Jack ») ou la série « Spy Groove » d’Elliot M. Bour et Saul Andrew Blinkoff. Ce sont des univers qui vous inspirent ?

Agents M & Z : C’est super si vous pensez à ces séries. Oui, on adore « Samurai Jack » et le travail de Genndy Tartakovsky, d’ailleurs si vous avez son adresse, on aimerait bien lui envoyer un album juste pour le plaisir. Pour « Spy Groove » on ne connaissait pas. Mais ce que l’on a vu sur le Net, ça nous fait tout de suite de l’œil. Ça a l’air tip-top dans l’esprit !

Pour l’esprit de l’époque, les « O.S.S. » sont aussi visuellement excellents. La série « Indiana Jones Adventures » chez Dark Horse (repris en France chez Delcourt), en format poche est super ! On voulait d’ailleurs d’abord utiliser ce format-là, mais il paraît que c’est une forme de hara-kiri de publier sous ce format, car on est vite noyé dans la masse des libraires. Mais pour finir, le format que l’on a pu choisir est parfait pour nous.

« Les Secrets font la valise» (titre de l'un des romans de la série « O.S.S. 117»).

Le nouveau et l'ancien directeur du G.I.S.

00Z : « Samurai Jack » est un de mes dessins animés favoris, j’espère un jour qu’ils reprendront le flambeau pour nous faire la fin en long métrage.

« Les Jetsons », ça fait un bail que je n’en ai pas revu, mais en redécouvrant des illustrations récemment, j’adore ! C’est excellent graphiquement ! Tout comme « Les Pierrafeu ».

Agent M : Pareil pour moi, le graphisme « de Samurai Jack » est une référence, j’aime aussi beaucoup celui de « Gravity Fall’s », ou encore la première série animée (en 2D) « Star Wars: Clone Wars ». Et « Kuzco » qui était vraiment bien dans le genre aussi !

Chez Paloma.

 

Recherche vêtements pour Paloma.

Vous faites aussi référence à la série de jeu vidéo « No One Lives Forever » en mentionnant Cate Archer ; c’est ce qui vous a amené à placer vos histoires au début des 70′s ?

Agents M & Z : « No One lives Forever » est un jeu extraordinaire des années 2000 ! Une héroïne au top, des dialogues plus qu’aux petits oignons, et une aventure avec un grand A ! Une des plus grosses influences de notre projet, si ce n’est la plus grande. En espérant un jour qu’il sorte une suite, ce serait géant. (Des rumeurs parlent d’un trois). C’est pour cela qu’on la cite dans un dialogue pour y faire une petite allusion, car c’est plus ou moins la même période. On n’est pas aussi costaud qu’eux au niveau dialogues, mais on espère avoir pu créer un univers en même temps dans l’esprit de toutes ces influences diverses, sans ne faire que du copier-coller. Nous voulions apporter notre petite touche en plus. Vous avez d’ailleurs super bien résumé l’univers de ce qu’on a lu. Ça nous fait plaisir et cela nous touche, vous faites partie de nos premiers retours sur la sortie de l’album. C’est ce mélange entre influences seventies et comédies sans tomber dans de la parodie pure (ce qui est cool aussi, mais moins dans nos envies).

Les missions de Paloma.

Recherches de véhicules.

Agent M : Les années 1970 ont été choisies, car le design est au top de ce qu’on aime !

00Z : Oui, j’adore ! Ils ont été à la pointe à cette époque ! Et L’Italie était super bien active dans le design de meuble et autres… C’est dorénavant l’Atlantide du design qui a disparu avec son temps.

Chaque chapitre de votre album se conclue par une page de texte, pourquoi avoir choisi cette astuce scénaristique ?

Agents M & Z : Oui, c’est pour garder l’esprit roman d’espionnage qui fait partie du genre, ça nous faisait plaisir de pouvoir faire ressentir une ambiance bien rétro et feutrée par une partie roman et donner une autre dimension que l’image pure et dure ! Cela permet de décrire des scènes de fous que l’on ne pourrait pas dessiner/(si un jour un roman de Paloma pouvait sortir, ce serait pour nous une grande joie, avis aux amateurs).

Plan du G.I.S.

 

Un café ?

Un dossier final nous présente certains aspects du G.I.S. dont un listing des missions de Paloma de 1970 à 1979. Toutes vont être publiées ?

Agents M & Z : Hé hé, ça nous ferait bien rêver, même si ce serait impossible pour nous de toutes les faire. Ou alors nous devons bloquer notre agenda pour les 30 ans à venir. Ce serait pas mal en même temps, de quoi atteindre sereinement la non-retraite. Mais pour cela, il faudra que la BD marche bien, l’avenir qui nous le dira. Si nous pouvions choisir, nous aimerions finaliser la mission qui est après ce tome. Mission dans laquelle Paloma affrontera un grand marginal de la société qui veut faire disparaître le monde…

00Z : Dont une séquence sur une plateforme pétrolière qui me botte à fond ! J’aimerai pouvoir dessiner ce qu’on n’a pas pu encore montrer dans ce tome ; le hangar contenant les inventions d’Allesandro, la salle d’informatique de l’agence ! J’adore l’esthétique des ordinateurs de l’époque.

Agent M : Pareil, il nous reste plein d’envies à concrétiser, l’avenir nous en dira plus.

 

Une derniere chose avant de partir (Ancestral Z).

Vous avez d’autres missions pour le futur ensemble ou séparément ?

00Z : De mon côté, mon tiroir qui est rempli de tout et de rien. J’aimerai bien faire avec Mojo « Dindax » un périple déglingo-spatial dans la lignée de « Chaosland ». Sinon j’ai aussi un projet de manga d’aventure, des projets de petits jeux vidéo que j’aimerai un jour concrétiser.

Et surtout des illustrations en vrac. Je vais pouvoir enfin redessiner ce que j’ai vu et aimé, comme le héros de la série « Chuck ». Le temps passe si vite, j’ai du mal à réaliser tout ce que je souhaite. C’est pour ça que j’envoie un grand merci à Ankama éditions pour « Paloma ». C’est un grand rêve qui se réalise.

Paloma.

Agent M : Nous voudrions déjà faire le tome 2, et ensuite on avisera. L’univers nous plaît beaucoup et ça donne envie de raconter plein de choses, mais on verra déjà le temps que nous prend la conception du deuxième tome. Sinon j’ai bien d’autres projets, mais bien trop peu avancés pour en parler !

Brigh BARBER

Mise en pages : Gilles Ratier

Nos remerciements éternels aux auteurs et à Nazir d’Ankama pour leur disponibilité…

Agents M & Z : Merci à vous pour l’interview, à bientôt en Italie avec notre Espionne chic et choc.

« Paloma, espionne avant tout » par Ancestral Z  et Mojo

Éditions Ankama (11,90 €) – ISBN : 978-2-359-10419-6

 

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