Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Buck Danny » et la World’s Presse
Nous vous l’avions déjà signalée, mais il nous paraît nécessaire de revenir sur la nouvelle intégrale « Buck Danny » que viennent de publier les éditions Dupuis.
En effet, elle nous permet de redécouvrir les albums fondateurs de cette mythique série d’aviation puisqu’on retrouve, dans le volume 1 publié à la fin de 2010 (1), l’aventure « prototype » de la série, c’est-à -dire « L’Agonie du Bismarck » (récit de guerre publié dans l’hebdomadaire Spirou en 1946 et présenté ici dans sa version d’origine non remontée), ainsi que les deux premiers épisodes couvrant la guerre du Pacifique : « Les Japs attaquent » (publié dans Spirou du 2 janvier au 18 décembre 1947) et « Les Mystères de Midway » (également proposé dans Spirou, du 25 décembre 1947 au 14 octobre 1948), le tout agrémenté d’un dossier introductif réalisé par l’érudit Patrick Gaumer : un travail exemplaire par son souci d’extrême précision, mais également par sa volonté de nous éduquer véritablement sur l’histoire du 9e art en multipliant les scoops et les anecdotes instructives (2).
Grâce à cette belle réédition, fort bien remise dans son contexte, on comprend vraiment pourquoi cette bande dessinée, créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, figure au panthéon de nos héros les plus populaires. Grâce aux palpitants scénarios de Jean-Michel Charlier et aux minutieux dessins « à l’américaine » de Victor Hubinon, elle a réussi à conjuguer références historiques, documentation en apparence infaillible et péripéties extraordinaires, captivant ainsi plusieurs générations de lecteurs !
Ceci dit, il faut bien admettre que les premières pages de « Buck Danny » ne sont guère convaincantes : surtout quand on les relit aujourd’hui, plus de soixante ans après ! En effet, elles sont dessinées dans un style très inspiré par ceux des américains Roy Crane et Milton Caniff (l’auteur de « Terry et les pirates », voir notre récent « Coin du patrimoine »), mais le trait d’Hubinon n’y est pas encore complètement abouti et, surtout, elles sont écrites de façon très « digest », expédiant six mois de guerre en quelques pages, à l’aide de récitatifs peu engageants !
Heureusement, on nous rappelle, dans cet ouvrage, que « Buck Danny » a été créé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, dans le courant de l’année 1946 (juste avant d’être publié dans Spirou), au sein de la récente World’s P. Press : agence fournissant des bandes dessinées, des rubriques et même de la publicité aux Dupuis, les éditeurs des hebdomadaires Spirou, Le Moustique et Bonnes Soirées. Cette entreprise créée par un certain Georges Troisfontaines s’appelait, à l’origine, la World’s Publicity Press. Or, très vite, ce titre quelque peu ronflant a été remplacé par World’s Presse (puis par World Presse et Publicité) : comme le prouvent les nombreux papiers officiels de l’agence retrouvés dans les archives de son père.
Et c’est justement ce Georges Troisfontaines qui va rédiger le scénario des premières planches des « Japs attaquent » ! Puis, comme le signale Patrick Gaumer dans sa remarquable introduction, pris par ses activités d’homme d’affaires, ce dernier va confier la suite à Jean-Michel Charlier. Et c’est vraiment à partir de là que le récit prend de l’ampleur et même que le dessin se bonifie sous l’influence d’un scénario de plus en plus maîtrisé ! Car, même si Troisfontaines a toujours affirmé que c’était lui qui avait eu l’idée du personnage (qui d’ailleurs lui ressemblait puisque Victor Hubinon a lui-même reconnu l’avoir pris pour modèle) et qu’il a finalement fait reconnaître sa cocréation par un tribunal belge, en 1997, c’était peut-être un habile entrepreneur, mais ce n’était absolument pas un bon scénariste !!!
Certes, mais à partir de quelle planche a eu lieu ce bénéfique passage de témoin ? Patrick Gaumer nous répond que les témoignages de chacun varient selon les dates et les interlocuteurs. Cependant, sans grand risque d’erreur, on peut néanmoins situer l’arrivée de Jean-Michel Charlier entre les planches 12 à 17 (entre la onzième et la seizième, en réalité, compte tenu du fait de l’absence de la planche n°10), le récit à la première personne passant alors à une narration classique à la troisième personne. Toutefois, tout récemment, le spécialiste Jean-Yves Brouard a soutenu, reconstitution à l’appui, que c’est seulement à la planche 17 qu’est intervenu pour la première fois Jean-Michel Charlier sur la série « Buck Danny » : voir http://www.bdgest.com/forum/jean-michel-charlier-t8769-1300.html.
En effet, témoin de choix, Victor Hubinon précisait, dans une interview réalisée par Jean Léturgie et Isabelle Forestier en décembre 1977 et publiée dans le n° 35 de Schtroumpf : les cahiers de la bande dessinée au premier trimestre 1978 : « Les onze premières planches de « Buck Danny » sont de Troisfontaines et moi-même. J’avais fait le scénario et Troisfontaines le corrigeait. Seulement, il avait la manie du digest à cette époque et en une planche de dessins, on avait presque une histoire complète. C’est à ce moment que Charlier a repris le flambeau. J’ai donc créé « Buck Danny » en fonction d’une documentation, et non par esprit partisan ou politique, quoiqu’on veuille dire…».
Quant à Jean-Michel Charlier, il m’avait directement déclaré : « cette série d’aviation a été créée d’une façon assez spéciale. J’avais envie de faire de la fiction et de créer une série beaucoup plus longue. J’avais trouvé dans les poubelles de l’armée américaine, à Liège, une partie des aventures des « Tigres Volants ». C’est de là qu’est née l’idée de « Buck Danny ». En fait, la série a été commencée, pour les treize premières planches, par Georges Troisfontaines. Au bout de ces treize planches, il a décroché et m’a demandé de reprendre cette série, que, de toute façon, j’avais conçue ! » (3).
Anecdote que l’intéressé avait déjà rapportée, à quelques détails près, auprès de Jean Léturgie et d’Henri Filippini, en avril 1978, et qui fût publiée dans le n°37 de Schtroumpf : les cahiers de la bande dessinée au deuxième trimestre 1978 : « J’ai commencé à écrire l’histoire de « Buck Danny » après avoir découvert celle des « Tigres volants » que j’ai d’ailleurs tournée aux États-Unis, vingt-cinq ans après pour « Les Dossiers noirs ». Je rodais autour des portes des casernes américaines pour obtenir les journaux publiés pour les soldats et c’est ainsi que j’avais découvert deux ou trois reportages sur les « Tigres volants ». Je trouvais que c’était une idée fantastique pour une bande dessinée. J’ai eu envie de faire une histoire mais, entre-temps, je m’étais bagarré avec Troisfontaines et c’est lui qui a écrit les cinq ou six premières planches de l’histoire de « Buck Danny ». Comme il ne s’en sortait pas, il m’a demandé de reprendre l’écriture du scénario. Je dessinais également tous les avions et les bateaux intervenant dans les planches. (4) »
Dans d’autres témoignages (la préface à « Tout Buck Danny » Tome 1, aux éditions Dupuis en 1983, par exemple), le talentueux scénariste reparle d’une reprise au bout de treize pages…
Évidemment, on lui pardonnera ces approximations car, trente à quarante ans après les faits, il faut bien admettre qu’il n’est pas facile de se souvenir exactement d’un tel point de détail, surtout au cours d’entrevues réalisées à brûle-pourpoint !
Quoiqu’il en soit, même si l’apport journalistique de Georges Troisfontaines (véritable passionné d’aéronautique et par l’épopée des pilotes américains qu’il chroniqua maintes fois, ne serait-ce qu’à travers « La Page illustrée du CSA », ce qui signifie Club Spirou Aviation, rubrique publiée dans Spirou où il signait Géo Cel) est indéniable (5), il est évident que sans le travail accompli par Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, la série « Buck Danny » ne serait jamais devenue aussi importante dans l’histoire de la bande dessinée !
Pourtant, alors qu’il suit parallèlement des études de Droit à l’université, Jean-Michel Charlier commence sa carrière comme dessinateur, le 20 octobre 1944 : à l’occasion d’un numéro spécial du journal Spirou, autorisé à reparaître à la Libération. Comme Jean-Michel est un ami de la sÅ“ur de Georges Troisfontaines, ce dernier l’embauche très vite car il voit en lui un illustrateur d’avenir : il lui propose d’ailleurs de prendre la suite d’Al Peclers (qui signait Pec) et de Charlie Delhauteur (Charlie Del ou Hope), autres jeunes dessinateurs liégeois, pour imager sa « Page illustrée du CSA » qui accueille même une bande dessinée documentaire : « Le Cours du chef pilote ».
Jean-Michel Charlier y signe parfois du pseudonyme Flettner (ou Fletner), du nom d’un ingénieur allemand spécialiste de l’aérodynamique, ce qui correspond aussi à un organe mécanique du système de pilotage d’un avion. Et c’est dès le 27 septembre de l’année suivante que Jean-Michel commence à écrire les textes de cette rubrique (fiches techniques, nouvelles…) qu’il met lui-même en images !
Par ailleurs, un autre grand spécialiste de l’Å“uvre de Jean-Michel Charlier, Jean-Yves Brouard, nous apporte un éclairage convaincant sur son excellent et très documenté site consacré cet immense scénariste (www.jmcharlier.com): « La première histoire de Buck Danny s’appelle « Les Japs attaquent » ; datant de 1947, elle était censée raconter les hauts faits américains au cours de la guerre dans le Pacifique. D’ailleurs, beaucoup plus tard, dans le catalogue de l’éditeur Dupuis, les premiers albums de la saga – due cette fois au talent de Jean-Michel Charlier, tant pour le scénario que pour les dessins techniques (6) - sont signalés sous le titre général « La Guerre dans le Pacifique ». Ce n’est que dans les années 1950 que toute la série, à partir du premier album, s’appellera officiellement, définitivement et rétroactivement « Les Aventures de Buck Danny »… Si l’on prend l’énoncé au pied de la lettre, c’est donc par un surprenant raccourci que Georges Troisfontaines prend en 1997 le statut de « cocréateur des aventures de Buck Danny »… Un statut d’ailleurs sans doute disproportionné qui ne tient pas compte de l’apport incommensurable de Jean-Michel Charlier. »
Ensuite, toujours sur son indispensable site, Jean-Yves Brouard précise que : « Au début de l’histoire, Buck Danny est ingénieur et trouve à s’embaucher dans un chantier naval à Hawaii… Cela signifie clairement que Georges Troisfontaines n’a pas créé un personnage de pilote militaire, et même qu’il n’avait pas, au départ, une idée bien précise du personnage. Buck Danny deviendra pilote de façon inattendue et sans transition à la planche 9… »
Autre point que l’on ne met pas assez en exergue, c’est que les collaborateurs de la World’s P. Press étaient plutôt mal rémunérés ! Cela obligeait donc ces artistes en herbe à fournir un nombre impressionnant de dessins et de textes pour survenir à leurs besoins quotidiens ; et comme ils travaillaient côte à côte, ils se donnaient très souvent des coups de mains mutuels : ce qui explique que certains croquis, esquisses, cases finales ou couvertures soient dû à l’apport d’Eddy Paape, de Charlie Delhauteur, d’Albert Weinberg, de Jean Graton et même de Jijé qui faisait alors figure de vétéran en participant aux commandes de l’habile intermédiaire.
Victor Hubinon se faisait aussi assister, quelquefois, par André Beckers (Bek’s) (6) pour le traçage des cadres, le lettrage et l’encrage de ses planches : et ceci dès le mois de janvier 1947, sur une éphémère série humoristique (« Rik Junior ») qu’il signe Victor Hughes dans Spirou, et où il met en scène Georges Troisfontaines au volant d’une somptueuse voiture américaine !
Avec la charge de travail à assumer, due aux commandes qui affluent, André Beckers sera ensuite sollicité par le patron de la World’s. « Savez-vous faire des avions ? » J’ai dit « Oui ! ». Et c’est comme ça que Troisfontaines m’a engagé et que je me suis retrouvé à la World’s. Fin 1946, ce qui n’est encore qu’une micro société, sans réelle existence juridique, se limite à la chambre de Troisfontaines et à une petite pièce récupérée sur l’espace familial. » précise Bek’s dans l’introduction du tome 1 de l’intégrale « Buck Danny » où Patrick Gaumer renchérit : « Un véritable studio « à l’américaine » est en train de naître », et il n’a pas tort !
Du fait de la publication hebdomadaire d’une planche, la règle tacite voulait que chaque page soit une sorte de petit chapitre avec rappel, action et fin à rebondissement. L’improvisation était donc reine pour mieux accrocher le lecteur : il fallait le reconquérir de semaine en semaine, le surprendre, et lui fournir son lot de coups de théâtre… Sous la direction de Troisfontaines, chaque collaborateur de la World’s apportait alors ses idées, les exposait et en discutait avec ses camarades d’un « studio » constitué un peu à l’américaine ! Peut-être que certaines idées de scénarios provenaient aussi de Georges Troisfontaines, mais rien n’est moins sûr…
De toute façon, très vite, l’entrepreneur est débordé par ses affaires (vendeur-né, il deviendra régisseur de publicité pour les éditions Dupuis) et il va américaniser un peu plus son agence en distinguant clairement les rôles de chacun (le scénariste, le dessinateur, l’encreur, le publiciste…), tout en demandant à Jean-Michel Charlier d’assumer, au sein de la World’s, les fonctions de directeur artistique et de directeur éditorial…
D’ailleurs, dans le n°56 de Hop ! (du premier trimestre 1993), lorsqu’il évoque les débuts de la liégeoise World’s Publicity Press, Troisfontaines déclare à Thierry Martens : « Mon but était de traiter une bande dessinée comme un film, avec un scénario et un crayonné des créateurs, puis de confier à d’autres le soin de passer à l’encre, puis à d’autres encore la construction des décors, la mise en couleurs, le lettrage des textes, etc. J’ai pris Charlier pour les illustrations de l’ensemble de mes rubriques dans Spirou et j’ai formé une équipe avec Victor Hubinon, Yvan Cheron (son beau-frère qui deviendra le responsable d’une agence similaire appelée International Press), Charlie Delhauteur… ». Il arrivera à ses fins avec, par exemple, la superproduction « Tarawa atoll sanglant ». Cette autre bande dessinée de Victor Hubinon et Jean-Michel Charlier (assistés pour l’occasion par Albert Weinberg) fut prépubliée dans Le Moustique d’octobre 1948 à novembre 1949 et constitue une espèce de chaînon entre les deux premiers « Buck Danny » et les autres épisodes sur la guerre du Pacifique. Manifestement, Troisfontaines s’y était réservé le rôle le plus rentable : celui de producteur !
Gilles RATIER
(1) Le tome 2 sortira en mars 2011, sous couverture de Victor Hubinon, avec d’autres apports historiques toujours aussi enrichissants de Patrick Gaumer.
(2) Outre l’ambiance régnant à Spirou en ces temps pionniers et le début des parcours de Victor Hubinon, Georges Troisfontaines et Jean-Michel Charlier, Patrick Gaumer nous offre aussi un panorama assez complet des bandes dessinées mettant en scène le monde de l’aviation de l’époque ; le tout étant richement illustré par de nombreuses illustrations rares ou même inédites comme cette gouache originale d’Hubinon que certains croyaient destinée à la couverture (finalement assurée par Jijé et, de ce fait, non retenue) des « Mystères de Midway ». Or, une mention manuscrite (p. 27-34), figurant en bas du document, pourrait plutôt confirmer qu’il s’agissait d’une image hors-texte qui devait s’intégrer dans l’album, comme cela se pratiquait alors régulièrement !
(3) Ce témoignage de Jean-Michel Charlier a été recueilli par Gilles Ratier et François Defaye dans le cadre du portrait vidéo « Un Réacteur sous la plume » produit, entre autres, par le Centre National de la Bande Dessinée et de l’Image d’Angoulême et le quotidien La Charente libre. Cette série d’interviews a été ensuite remise en forme par Gilles Ratier pour le n°44 de Hop ! spécial Jean-Michel Charlier (en 1988) puis pour l’ouvrage « Avant la case », toujours disponible aux éditions Sangam depuis 2005.
(4) En ce qui concerne ses dessins techniques, Jean-Michel Charlier s’inspire du trait à la plume très soigné d’un dessinateur et peintre officiel de marine français bien connu à cette époque : un certain Léon Haffner « dont il acquiert, progressivement, l’esprit de synthèse, la netteté et la vigueur du trait », dixit Patrick Gaumer dans son introduction.
(5) Il existe un document qui prend le parti de Georges Troisfontaines : « La Génèse de Buck Danny » par Thierry Martens. Cet opuscule de quatre-vingts pages, édité par la Chambre Belge des Experts en Bandes Dessinées en 1997 (réédition augmentée en 2004), tente de démontrer, en long et en large, l’importance du directeur d’agence. Philippe Charlier nous rappelle qu’il a été rédigé sans recours aux archives de la famille Charlier et qu’il a été utilisé à charge par Troisfontaines, lors du procès, ceci afin de faire reconnaître sa cocréation dans la série « Buck Danny » ; mais il n’a pas été retenu : la raison invoquée étant le manque de fiabilité… Voir ce qu’en dit Jean-Yves Brouard sur son site référentiel : www.jmcharlier.com !
(6) Curieusement, en 1950, André Beckers proposera trois aventures du « Lieutenant Mac Tomson » dans la revue belge Héroïc-Albums. Cette série militaire signée Studio Bek’s Produc. se déroule au cÅ“ur du Pacifique, en pleine Deuxième Guerre mondiale : difficile, comme le dit Patrick Gaumer dans son introduction, de ne pas penser à « Buck Danny » ! Lorsque Beckers intitulera l’un des épisodes de son héros « 24 heures chez les Japs ! », Victor Hubinon et Jean-Michel Charlier interpelleront leur collègue et lui signifieront que l’astuce est un peu grossière : rappelé au bon sens, l’auteur s’engagera à changer de registre et tout rentrera dans l’ordre.
Deux petits cadeaux pour finir cet article en beauté !
Tout d’ abord deux pages peu connues de Victor Hubinon sur les « Pilotes de tourisme » parues dans le n° 782 de Spirou du 9 avril 1953. En effet, Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon furent pilotes privés à partir de l’été 1947, passant professionnels dès juin 1948. L’expérience acquise pendant ces trois ou quatre années de pilotage leur a vraiment permis savoir de quoi ils parlaient dans la série « Buck Danny » !
Enfin, les deux premières pages d’« Hélène Boucher » par Victor Hubinon (qui utilise ici une étonnante technique du lavis) et Jean-Michel Charlier : un récit de quatre planches encore moins connu car paru dans le n°1666 de Bonnes Soirées (du 10 janvier 1954). L’hebdomadaire de Dupuis, destiné aux dames et aux demoiselles, surfait alors sur le succès des « Belles histoires de l’Oncle Paul » avec « L’Histoire vivante » : une formule dérivée, aux sujets plus féminins, qui présentaient en bandes dessinées des histoires didactiques contant des anecdotes historiques ou des biographies d’héroïnes célèbres ; plus de deux cent, illustrées par Gérald Forton, Pierre Dupuis, Gal, Albert Uderzo, Jesus Blasco, Antonio Parras, Eddy Paape, Raymond Reding et bien d’autres, y furent publiées entre 1953 et 1959.
Je n’avais pas lu ces épisodes de « Buck Danny » depuis un demi-siècle, et ce qui me frappe aujourd’hui c’est que dans ces deux histoires on trouve un beau rôle féminin – et même une relation sentimentale implicite dans le second épisode. Cela n’allait pas de soi en 1947-1948, et il est significatif que les femmes aient été longtemps absentes de « Dan Cooper » et de « Tanguy et Laverdure », deux séries comparables à « Buck Danny », et qui pourtant sont nettement postérieures.
Le récit au lavis de Victor Hubinon est aussi superbe et inconnu je pense de beaucoup d’amateurs… Pourra-t-on espérer les deux dernières planches ?
Merci
Si tout se passe comme prévu, les quatre planches seront publiées intégralement dans l’un des prochains volumes de l’intégrale » Buck Danny » à paraître chez Dupuis ! Histoire de vous faire saliver, sachez qu’il existe un autre récit de quatre planches dues à Hubinon et Charlier paru dans Bonnes Soirées (dans le n°1684 du 9 mai 1954) : » L’Alouette » ; mais aucune réédition n’est prévue pour le moment ! En revanche, un autre de ces récits historiques scénarisé par Charlier (mais dessiné cette fois-ci par Forton, toujours avec la technique du lavis) sera au sommaire du quatrième tome de la réédition des » Kim Devil » prévue chez Sangam fin 2011 : il s’agit de » Les Amours tragiques de Draga « , quatre planches parues au n°1748 du 7 août 1955 de Bonnes Soirées !
Cordialement
Gilles Ratier
Cher Gilles,
Les Bonnes Soirées propose en réalité trois récits complets illustrés par Victor Hubinon, dans sa rubrique « L’Histoire vivante » :
N° 1666 (10 janvier 1954) : Hélène Boucher (scénario non signé, peut-être de Charlier).
N° 1674 (7 mars 1954) : L’Homme que le ciel n’a pas voulu rendre (Saint-Exupéry) (scénario Octave Joly).
N° 1684 (16 mai 1954) : L’Archange (Mermoz) (scénario non signé, peut-être de Charlier).
L’Alouette, consacré à Jeanne d’Arc, n’est pas dessiné par Hubinon, mais par Kendy (alias Fred Funcken), et a été publié dans le n° 1683, du 9 mai 1954.
Touchons du bois pour que ces pépites puissent être bientôt offertes au grand public !
Amitiés,
Patrick Gaumer
Merci, mon cher Patrick, pour ces corrections et ces précisions ! En effet, la personne qui est à la source de mon information s’était joyeusement mélangé les pinceaux en inversant deux titres, celui du n°1683 et celui du 1684, inscrit sur un listing établi par Thierry Martens et paru dans le n°8 des Cahiers Pressibus (en juin 2002) : comme quoi, il n’y a que celui qui ne fait rien qui ne se trompe pas !
Cependant, ce grand spécialiste (Louis Cance pour ne pas le nommer) m’a bien confirmé que Jean-Michel Charlier était le scénariste d’« Hélène Boucher » et de « L’Archange » (et non « L’Alouette », donc) : ces deux récits de quatre pages dessinées par Hubinon pour Bonnes Soirées. D’autres érudits de l’œuvre charlieresque me l’ont également confirmé : on y reconnait, d’ailleurs, aisément son style !
Et c’est bien aussi Charlier qui a écrit « Les Amours tragiques de Draga », les quatre planches dessinées par Forton qui sont parues au n°1748 du 7 août 1955 et qui seront rééditées dans le tome 4 de « Kim Devil » chez Sangam à la fin de 2011, ainsi que les quatre pages du « Sanglant destin d’Elisabeth Feodorovna » parues au n°1659 du 22 novembre 1953 et dessinées par un certain Mader (???). En ce qui concerne Hubinon, j’avais en effet oublié « L’Homme que le ciel n’a pas voulu rendre » qui a bien été scénarisé, quant à lui, par Octave Joly (c’est d’ailleurs pour ça que je l’avais oublié m’étant plutôt concentré sur Charlier).
Comme tu le dis, » touchons du bois pour que ces pépites puissent être bientôt offertes au grand public » ; et dans le cas où, par malheur, « Hélène Boucher » ne serait pas au sommaire de l’intégrale « Buck Danny » comme tu le souhaites, on les passera sur Bdzoom.com !!!
La bise et l’amitié
Gilles
Bravo pour cette réédition intégrale qui apporte beaucoup d’éléments connexes extrêmement intéressants pour le collectionneur.
Cependant, je trouve dommage – s’agissant d’une réédition intégrale, donc définitive – qu’aucunes des petites erreurs de l’époque n’ont été rectifiées.
2 exemples parmi d’autres :
* T. 1 page 125 : sur ce plan de la bataille de Midway il est écrit en 3 endroits différents « 3 juillet 42 » alors qu’il s’agit naturellement du 3 juin 42 !
* T. 2 page 271 : Sonny dit : « Les notres ont balancés des bombes atomiques dans les gencives des Japs. À la 3ème, Hiro-Hito était KO ». Or tout le monde sait qu’il n’y a eu que 2 bombes atomiques de lancées et non 3…
Bonjour,
Je suis ravi que cette édition intégrale vous fasse découvrir de nouveaux éléments sur la création de ce grand classique, cet « envers du décor ». Vous verrez, dans les prochains volumes, nous vous réservons encore pas mal de surprises (planches inédites en album, documents extraits des archives des familles Charlier et Hubinon, etc.). Vous faites bien d’apporter ces précisions historiques, en sachant que les premières pages de la série ont été conçues à une époque où il n’était pas si aisé que ça de réunir une info solide sur un sujet encore brûlant, se passant, qui plus est, à l’autre bout du monde.
Reste que si vous avez raison sur le fond, il ne peut être question de rectifier, dans la forme, ces « erreurs de jeunesse », sous peine de trahir le travail original des auteurs. Et ça, désolé, il ne saurait en être question. Ces imperfections font partie intégrante de l’œuvre et y ajoutent même a contrario une touche « authentique ».
À noter également que Charlier et Hubinon s’efforceront, au fil des épisodes, d’améliorer leurs documentation en puisant notamment leurs informations dans des revues spécialisées comme le britannique Royal Air Force Flying Review ou le bimensuel français Aviation Magazine.
Bien cordialement,
Patrick Gaumer
@Patrick Gaumer.
Bien entendu qu’il ne faut pas toucher au travail original des auteurs, mais les erreurs les plus flagrantes méritent – à mon sens – d’être signalées dans la présentation de l’album, surtout lorsqu’elle touche un fait historique.
Il y a aussi des erreurs bien moins importantes certainement d’inattention comme par exemple celle-ci relevée dans le tome 3 : page 200 Sonny monte dans un Lockheed T.33 immatriculé « 903″ et page 2001 et suivantes il se retrouve dans le même avion immatriculé cette fois « 902″ ! Comment expliquer (et justifier) ces grossières erreurs ? Est-ce que Hubinon avait « un nègre » et ne relisait-il pas son travail ? Il existe aussi des erreurs de couleur : la chemise d’un personnage, blanche dans une case, devient mauve dans la suivante, etc.
Quoi qu’il en soit félicitation pour cette passionnante réédition et pour votre travail de présentation, donnez-nous, dans les tomes suivants, encore plus d’archives et d’explications.
Vous avez raison, ces erreurs historiques auraient pu être signalées dans ma préface. En revanche la coquille que vous mentionnez ? aux pages 201 et suivantes, plutôt qu’à la page 2001 ! ? provient sans doute d’une surcharge de travail des auteurs. On peut y voir une faute d’inattention plutôt qu’une « grossière erreur ». Rappelons-nous que Charlier et Hubinon menaient de front plusieurs séries, pour une somme plus que modeste (les choses ne s’amélioreront pour eux qu’à la sortie de leurs premiers ouvrages). Plusieurs collaborateurs les assistaient épisodiquement (citons André Beckers, Albert Weinberg ou Eddy Paape), se chargeant notamment des décors. Le rythme hebdomadaire ne facilitait pas la relecture. Les couleurs, qui n’étaient pas assurées par le tandem, faute de temps, variaient parfois entre la revue et l’album. Qu’importe, il convient de saluer le travail de ces pionniers.
Vous devriez encore découvrir beaucoup de documents inédits ou peu connus dans les prochains dossiers !
Bien cordialement,
Patrick Gaumer