Dix ans après la parution de « Résurrection », la première partie d’un diptyque accouché dans la douleur, voici enfin « Révélations » : conclusion du dernier récit du regretté Philippe Tome, décédé alors qu’il travaillait sur les dernières pages de son scénario. Les éditions Dupuis proposent, enfin, l’intégralité de cette aventure magistralement dessinée par Dan Verlinden, digne successeur de ses deux prédécesseurs : Luc Warnant et Bruno Gazzotti.
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Comme vous l’avez lu dans le dernier « Zoom sur les meilleures ventes de BD » de votre site préféré, ce tome 20 de « Walking Dead » est directement arrivé en tête des ventes de bandes dessinées et se retrouve en 7ème position des meilleures ventes de livres tous genres confondus. L’aura de cette excellente série ne se dément donc pas, et prend même de l’ampleur… Ça fait du bien, de voir un comic de cet acabit trouver pareille audience et devenir un tel succès populaire !
Dans ma dernière critique de « Walking Dead » (c’était lors de la sortie du tome 18), j’avais écrit que « le volume précédent faisait monter l’angoisse d’un cran, très clairement, via l’arrivée tonitruante et violente de Negan, le chef fou du groupe des Sauveurs ». Aujourd’hui je suis bien embêté car je pourrais écrire pratiquement la même chose, vu que ça ne cesse de monter d’un cran à chaque volume qui sort ! Une escalade ? Non. Ce serait trop facile et relèverait du procédé, faisant de la violence un spectacle dont la légitimation serait ambiguë et décevante. En fait, il s’agirait plutôt d’une intensification, et cette nuance de taille n’est pas la moindre qualité de cette série, expression de l’intelligence avec laquelle Kirkman l’a créée. Lorsqu’on commence à parler de « Walking Dead », pas besoin d’aller les chercher très loin, ces qualités ; elles vous sautent à la figure pire qu’un zombie. Donc, pour nous résumer : plus ça avance et plus ça monte d’un cran et plus on est à cran !
Ayant la subtilité de ne pas profiter de sa nature horrifique pour déverser du gore exponentiellement ultra-violent, la création de Kirkman lorgne au contraire résolument vers le thriller psychologique, poussant ce genre dans ses derniers retranchements jusqu’à accéder à un « message » assez universel, allant au-delà des genres et des médiums pour aborder l’être humain dans ce qu’il a de plus profondément ancré en lui, archaïsme de la survie, de l’existence, de l’identité, du choix possible ou non de construire ce que l’on est et d’échafauder le monde dans lequel on vit. Et même si la manière dont existent les zombies dans « Walking Dead » est assez crue, concrète, ceux-ci ne peuvent que porter – malgré eux ? – les stigmates d’une symbolique de l’angoisse existentielle au sein de notre monde moderne. « Pire » que cela, la série dans son ensemble est finalement une œuvre de la terreur. De la terreur pure. Kirkman malaxe ce qu’il y a de plus insécurisé chez nous et le met en exergue afin de nous questionner sur nos propres limites, sur notre effroi face à ce qui pourrait atteindre notre intégrité physique et mentale au point d’en mourir violemment. Mais nous ne sommes pas chez Sade. Heureusement. Car la dimension humaniste de « Walking Dead » est si forte, si prégnante, qu’aucun soupçon de complaisance ou de voyeurisme ne peut lui être imputé. Il s’agit bien d’une réflexion sur notre capacité à réagir et à combattre la brutalité perverse, avant tout mentale. Des portraits d’hommes et de femmes. Les relations profondément humaines qui lient les protagonistes et sur lesquelles Kirkman se penche régulièrement tout au long de cette œuvre sont comme un plaidoyer pour l’espoir et la vie, regard bienveillant mais un peu triste sur ce que subissent trop souvent les gens, dans une violence inacceptable qui est pourtant devenue la « norme », réalité agissante de notre société. « Walking Dead » nous intime de ne pas considérer la violence comme la norme. Il suffit de lever le nez de notre écran et de voir comment le monde tourne aujourd’hui pour comprendre de quoi il est question.
La cruauté ultime de Negan est telle que depuis l’apparition de ce dernier aucune logique autre que celle de la loi du plus fort ne peut exister. Le régime de la terreur s’est installé, implacablement, soumettant chacun au bon plaisir du dangereux psychopathe pervers narcissique. Dès lors, la force brute prévalant sur tout le reste, aucun dialogue n’est possible, et l’affrontement devient inévitable. C’est le triste constat que Rick doit faire afin de sauver les siens. Au sein d’un contexte de plus en plus étouffant et astreignant, Rick a tenté d’attaquer un convoi de Sauveurs. Mais le résultat fut plutôt catastrophique, entraînant des morts des deux côtés et déclenchant le courroux de Negan qui a considéré cette attaque comme une déclaration de guerre. Au moment où s’ouvre ce tome 20, on en est là… Et bien évidemment, je ne vous dirai rien du tout sur ce qui se passe dans ces pages pétries d’une immense tension. Je vous laisse vous plonger dans le bain. Attention, y a pas pied.
Cecil McKINLEY
« Walking Dead T20 : Sur le sentier de la guerre » par Charlie Adlard et Robert Kirkman
Delcourt (13,95€) – ISBN : 978-2-7560-5151-2