Dans le cinquième volume de ses aventures, « Le Grimoire d’Elfie T5 : Les Reflets de Walpurgis », la jeune Elfie découvre le marais poitevin (entre La Rochelle et Niort) et des festivités réservées aux magiciens et sorcières depuis le temps de la mystérieuse fée Mélusine. Une nouvelle enquête pour la jeune adolescente, avec l’apport non négligeable de son grimoire magique, à l’issue de laquelle elle en aura appris beaucoup sur les dangers contemporains qui guettent cette zone humide remarquable et sa propre famille.
Lire la suite...« Ils ont fait l’Histoire T4 : Jaurès » par Rey Macutay, Frédérique Voulyzé, Jean-David Morvan et Vincent Duclert
Nouveau venu dans la série « Ils ont fait l’Histoire » publiée par Glénat, après «Philippe le Bel », « Vercingétorix » et « Charlemagne », « Jaurès » vient naturellement s’inscrire en complément des albums commémoratifs du centenaire de la Première Guerre mondiale. La réflexion et l’engagement pacifique manifeste de Jean Jaurès, né en 1859 à Castres et mort assassiné à Paris le 31 juillet 1914, sont ici décrits avec force par les auteurs : les scénaristes Frédérique Voulyzé et Jean-David Morvan ont su adapter au mieux la verve des discours du grand orateur, magnifiquement traduit en images par Rey Macutay, un dessinateur d’origine philippine et ancien storyboarder dans le secteur de l’animation. Une équipe soudée que l’on n’ose appeler Union sacrée !
Précisons que l’ouvrage, en raison d’une coédition avec les éditions Fayard, est enrichi d’un dossier documentaire signé par Vincent Duclert, docteur en histoire, spécialiste de la République en France et auteur de deux ouvrages de références récents : « Jaurès. La politique et la légende » (éd. Autrement, coll. « Vies parallèles », 2013) et « Jean Jaurès » (avec Gilles Candar, éditions Fayard, février 2014). Assez curieusement, la bande dessinée ne s’était jusqu’à présent quasiment pas intéressé au parcours de cette éminent figure du socialisme, si ce n’est – à contrario – pour dresser le portrait de l’assassin Raoul Villain (« Villain, l’homme qui tua Jaurès », par Daniel Casanave et Frédéric Chef, Altercomics, 2011). Dans les deux cas toutefois, le lecteur retrouvera une trame scénaristique qui s’attache à comprendre (sinon à décrypter…) l’atmosphère crépusculaire de la Belle Époque, coincée entre frivolités et littérature, nationaliste revancharde, vague pro ou anticléricaliste (en décembre 1905 fut adoptée la Loi de séparation de l’Église et de l’État, opposant catholiques et républicains). Un univers où se succèderont jusqu’à la tragédie belliciste les appels au calme et les appels au meurtre (notamment celui de Jaurès, député de Carmaux) au sein de la presse patriotarde.
Dans la carrière de Jaurès, il faut rappeler successivement ses brillantes études professorales puis son engagement auprès des mineurs de Carmaux (1982), son plaidoyer pour la défense du capitaine Dreyfus (à partir de 1898), sa participation à la fondation du Parti Socialiste français (1902) et la fondation du journal L’Humanité (en 1905), organe qu’il dirigera jusqu’à sa mort. Jaurès allait essentiellement lutter contre la venue de la guerre les dix dernières années de sa vie. Il est alors très préoccupé et inquiet face à la montée des nationalismes et aux rivalités entre les grandes puissances (surtout pendant les guerres balkaniques en 1912-1913). En 1910, il rédige une proposition de loi consacrée à l’armée nouvelle, dans laquelle il préconise une organisation de la Défense nationale fondée sur la préparation militaire de l’ensemble de la nation. Il mène une vigoureuse campagne contre la Loi des trois ans de service militaire, défendue ardemment par le député Émile Driant. La loi est votée en 1913, malgré le rassemblement du Pré-Saint-Gervais le 25 mai 1913, où Jaurès fait un discours historique devant 150 000 personnes…
Pris en photo ce jour-là par Henri Roger à la butte du Chapeau-Rouge, Jaurès entre dans l’Histoire à la manière d’une image d’Épinal : en couverture de « Jaurès », nous retrouverons donc l’archétype de l’orateur, perché sur une estrade (ici une simple charrette) et usant d’une gestuelle persuasive pour convaincre son large auditoire à ciel ouvert. Le bras gauche de Jaurès s’appuie sur les symboles de la République (drapeau, cocarde et bonnet phrygien révolutionnaire) tandis que le large étendard rougeâtre socialiste flotte au vent au dessus de sa tête, selon un destin qui l’inscrit aussi, inéluctablement, dans la violence et le sang versé. Ultérieurement, André Breton se souviendra de ces rassemblements en écrivant : « Le drapeau rouge, tout pur de marques et d’insignes, je retrouverai toujours pour lui l’œil que j’ai pu avoir à dix-sept ans, quand, au cours d’une manifestation populaire, aux approches de l’autre guerre, je l’ai vu se déployer par milliers dans le ciel bas du Pré-Saint-Gervais ».
Le dessin figurant dans la partie haute de la couverture complète la vision d’une époque malmenée par les troubles et les revendications sociales. Depuis 1912, les socialistes et les opposants à la guerre manifestent en effet régulièrement leur mécontentement en se retrouvant notamment sur la butte du Chapeau-Rouge, devenue le rendez-vous habituel des pacifistes. Lorsque, au début de 1913, l’Allemagne augmente ses effectifs militaires, le président de la République (Raymond Poincaré) déclare : « il n’est possible à un peuple d’être efficacement pacifique qu’à la condition d’être toujours prêt à faire la guerre ». Un projet de loi est déposé le 6 mars à la Chambre des députés. Jaurès mobilise l’ensemble du mouvement ouvrier contre ce projet en réactivant son antimilitarisme et son pacifisme. Un premier rassemblement de protestation est organisé le 16 mars à la butte du Chapeau-Rouge. Le 25 mai, un deuxième rassemblement initialement prévu salle Wagram, à Paris, pour commémorer la Commune de Paris, est interdit. Contournant l’interdiction, la manifestation est transformée en un rassemblement pacifiste à la butte du Chapeau-Rouge. Jaurès y fera fait vibrer la foule…
Le projet de Loi des trois ans sera finalement et néanmoins voté en juillet à la Chambre des députés par 339 voix contre 223, puis au sénat. Le 31 juillet 1914, Jaurès est assassiné par Raoul Vilain au café du Croissant à Paris. Le 1er aout 1914, à 16h et dans les heures qui suivirent, les Parisiens puis la France entière lurent ou entendirent (cloches et tocsins) l’ordre de mobilisation générale.
La Première Guerre mondiale venait de débuter, dans le sang de Jaurès.
Philippe TOMBLAINE
« Ils ont fait l’Histoire T4 : Jaurès » par Rey Macutay, Frédérique Voulyzé, Jean-David Morvan et Vincent Duclert
Éditions Glénat (14,50 €) – ISBN : 978-2-344-00110-3