Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« Amère Russie T1 : Les Amazones de Bassaïev » par Anlor et Aurélien Ducoudray
Après un préambule où une femme apprend que son mari est muté à la frontière de l’Ouzbékistan, on se retrouve quelques années plus tard. Son mari est rentré, blessé et alcoolique, et c’est son fils Volodia qui est parti faire son service militaire, en Tchétchénie ! Autant dire, une zone interdite d’où aucune information ne ressort…
Attachée à Volodia comme à la prunelle de ses yeux, elle cherche à savoir où est son fils, ce qu’il devient, jusqu’à apprendre, enfin, qu’il est retenu prisonnier et qu’un chef tchétchène a promis, semble-t-il, de libérer ses captifs si des mères venaient les chercher elles-mêmes. Sur la foi de cette rumeur, ni une, ni deux !, elle part. Et c’est via son « road-movie » pathétique et poignant qu’on la suit, elle et son petit clébard de rien du tout, une chienne très vite attachante. Autour d’Ekaterina, c’est la grisaille des ciels plombés, les sols enneigés, l’hiver ténébreux, les soldats teigneux, la population miséreuse… Triste tableau où se tient, fière, une mère courageuse qui va découvrir que des Amazones existent loin des forêts d’Amérique du Sud… Ce qu’explique d’ailleurs fort bien le dossier de 8 pages écrit par le scénariste.
Cette fiction, évidemment greffée sur la trop réelle guerre de Tchétchénie (années 1990) avec, d’un côté, Poutine, de l’autre, Bassaiëv, est d’abord le parcours d’une femme de caractère dont tout indique qu’elle va en rencontrer une autre, non moins déterminée, Asia, la sniper. Une Russe et une Tchétchène dans un conflit fratricide, traité ici sans manichéisme. Ducoudray signe là un scénario bien dialogué, truffé d’anecdotes bien senties et de situations quotidiennes pittoresques, quelquefois truculentes.
Anlor, à laquelle on doit le dessin des trois tomes d’« Innocents coupables » voit son dessin murir, affirmer son style, sa patte, à la fois réaliste et caricaturale, expressive et pleine de vivacité que ses propres couleurs accompagnent efficacement. Comme la couverture, très réussie, où l’impact du sujet est saisissant : une femme portant le portrait d’un soldat, sous « l’œil » d’un canon de char pointé sur elle, s’achemine dans la neige et sous la neige. Un chien grogne contre le char ou peut-être contre les gamins assis sur le canon. En arrière-plan, sous un ciel sanguinolent, une ville avec son église à bulbe se fait discrète. La couverture pour l’édition Canal BD, ci-contre, est non moins efficace.
Fin de ce drôle de voyage dans le tome 2.
 Didier QUELLA-GUYOT ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook) : http://bdzoom.com/author/didierqg/
« Amère Russie T1 : Les Amazones de Bassaïev » par Anlor et Aurélien Ducoudray
Éditions Grand Angle (13,90 €) – ISBN : 978-2-81893-113-4
simplesmente fantástico!