« Love T3 : Le Lion » par Federico Bertolucci et Frédéric Brrémaud

Sous ce titre a priori transparent, « Love », se cache une série étonnante, fascinante mais pour tout dire, sauvage ! Avec ce troisième tome consacré au roi des animaux, Fréderic Brrémaud et Federico Bertolucci ont en effet entrepris d’évoquer le monde animal via des albums totalement muets. Dans ce nouvel opus, toujours sans un mot, ni une onomatopée, un scénario subtil pousse à nouveau à une extraordinaire promenade africaine. Un pari fou et une totale réussite…

Dès la couverture, le regard jaune et perçant d’un félin dégoulinant d’eau accroche notre regard, et ce n’est pas un regard amoureux, loin de là ! D’ailleurs les auteurs sont très clairs sur le sujet  indiquant en avant-propos ce qui constitue la clé de leur projet : « Dans le règne animal, les bêtes ne s’aiment pas mais ne de détestent pas non plus. L’amour et la haine forment un tout, un tout universel, un ensemble suprême qu’on pourrait appeler le divin ou encore amour. L’amour que l’homme n’atteindra jamais. »

Et dès la première planche, pleine page, la course des lions poursuivant l’antilope est lancée, ni par jeu, ni par amour, juste pour manger. Mais le dîner est intrépide, souple, fuyant… surtout pour des lionceaux !  Puis c’est au tour du Lion d’apparaître, trempé jusqu’aux os, observant des hyènes se régalant d’un okapi. Et il ne fait pas le poids, ce lion supposé royal ! Pourtant, c’est lui qu’on suit, dans cette Afrique où il apparaît isolé, fragile même (il lui suffit de déraper sur un rocher pour se retrouver en fâcheuse posture et ridicule !). De page en page, sa solitude apparaît terrible, irrémédiable, irréversible. Il a beau observer  ses  compagnons de savane (rhinocéros, girafes, éléphants…), il n’est qu’un errant parmi d’autres, tenaillé par la faim ou la fatigue, crispé sur ses prérogatives dans un monde qui lui résiste, ou pire qui l’ignore. Il n’est qu’un marginal, sans amour, rôdant, trainant son mal de vivre, pitoyable, s’acharnant mais vainement à imposer le pouvoir qu’il croit détenir.

Ce n’est évidemment pas la première fois qu’on suit en images (grâce à celles des documentaires, notamment) la vie quotidienne de la faune, mais à la différence près qu’ici, pour chaque image, le cadrage est différent, étudié, fonctionnel. En outre le dessinateur y déploie une virtuosité graphique et chromatique qui laisse bouche bée. Sans un mot, l’émotion visuelle est partout. Nous sommes les spectateurs ébahis par ces bêtes désacralisées autant que par la virtuosité du trait et des couleurs. Dans le volume consacré au renard, les auteurs mettaient en scène un monde animalier en proie à une éruption volcanique : visuellement, c’était également redoutable !

Avec les deux premiers volumes  (« Le Tigre » publié en 2011, puis « Le Renard » édité en 2012), le principe était le même : montrer des individus dominants confrontés à leurs limites, à leurs faiblesses, à leurs échecs, dans une nature intransigeante, où chacun tient sa place comme il peut et où rien n’est gagné d’avance !

Bref, pour ceux qui découvriraient cette série, ce n’est pas ce tome 3 qu’il faut se procurer, mais les trois volumes de cette série atypique et belle (et, qui plus est, tous publics !).

Alors bon voyage !

Didier QUELLA-GUYOT  ([L@BD->http://www.labd.cndp.fr/] et sur Facebook).http://bdzoom.com/author/didierqg/

« Love T3 : Le Lion » par Federico Bertolucci et Frédéric Brrémaud

Éditions Ankama (14, 90 €) – ISBN : 978-2-35910-470-7

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