Créé par l’écrivain irlandais Bram Stoker en 1897 — et inspiré par le personnage historique du comte Vlad III de Valachie, qui vécut au XVe siècle —, « Dracula » s’apparente autant à un roman qu’à une étude ethnologique ou géographique : l’auteur décrivant pourtant la Transylvanie, sans jamais être allé dans cette région austro-hongroise, en se documentant uniquement dans des bibliothèques. En effectuant un retour aux origines du mal présentes dans l’œuvre originale, tout en s’inspirant librement, cette version — sous-titrée « L’Ordre du dragon » — est une somptueuse bande dessinée d’horreur coéditée par Glénat et Lo Scarabeo.
Lire la suite...« Le Fils du yéti » par Didier Tronchet
Tronchet nous revient, en grande forme après un petit exil dans des contrées plus exotiques, avec un émouvant roman graphique intimiste, forme narrative dont il fut l’un des précurseurs (1). Il y adapte en images et en cases une partie plutôt dure et noire de sa propre existence — le passage à l’âge adulte d’un jeune homme plombé par l’absence d’un père disparu trop tôt et qu’il a à peine connu —, la revisitant complètement par son énergie et son talent inné de créateur littéraire, avec quand même beaucoup de légèreté et d’humour.
Démarche inhabituelle en bande dessinée (même si le procédé est plus courant dans le domaine de la littérature romanesque), les cent soixante-treize pages de cette tendre fiction autobiographique — qui nous interpelle habilement sur le deuil et la mémoire — ont été proposées entièrement dessinées au directeur de collection Benoît Mouchart ; et ce dernier les a aussitôt acceptées et publiées telles quelles. Il faut dire que cette poignante succession d’événements, subis puis maîtrisés par un protagoniste un peu couillon engoncé dans sa parka, séduit dès les premières pages : confronté à un incendie dans son immeuble, le héros décide de sauver ses albums-photos qui lui paraissent alors les objets les plus importants de sa vie, alors qu’il ne les ouvre jamais, d’habitude. Incapable de se débarrasser du poids d’un passé encombrant, il va être confronté, en les consultant à nouveau, à une sorte de boîte de Pandore qui ferait resurgir des souvenirs douloureux et profondément enfouis…
Constatant qu’en fin de compte, sur ces photos, il n’a fait que composer un personnage de joyeux drille (« Un masque de clown… Pour cacher quoi ? ? »), il décide finalement de les jeter dans la poubelle de la cour intérieure. Seulement voilà, de sa fenêtre du 5ème étage, il se rend compte que sa belle voisine du 2ème, sur laquelle il a évidemment quelques vues, tombe sur ses albums, se met à les feuilleter et les emporte chez elle : il aurait enfin un lecteur ? Mieux, une lectrice ? Mais sera-t-elle attendrie ou révulsée par sa tenue de premier communiant ?
(1) Rappelons aux plus jeunes d’entre nous que Didier Tronchet fut l’un des premiers, en France, à s’essayer à ce qui ne s’appelait pas encore (ou vraiment très rarement) le roman graphique, avec le très beau « Quartier évanoui » écrit par sa compagne Anne Sibran et publié aux éditions Vents d’ouest, en 1994. Alors que, parallèlement, il continuait à connaître un certain succès avec ses séries humoristiques, notamment celles mettant en scène le pathétique dragueur Jean-Claude Tergal dans le mensuel Fluide glacial.
« Le Fils du yéti » par Didier Tronchet
Éditions Casterman (16 €) – ISBN : 978-2-203-08575-6