« Zéro pour l’éternité » T5 par Souichi Sumoto et Naoki Hyakuta

Les combats de la Seconde Guerre mondiale sont occultés par une grande partie des médias et des auteurs de mangas au Japon. Cette période taboue, notamment à cause des crimes de guerre de l’armée impériale dans l’Asie du Sud-Est, n’a été que peu abordée par les mangas après-guerre. Exception remarquable, par sa qualité et son sujet, « Opération mort », la somme en partie autobiographique de Shigeru Mizuki. C’est pour cela que la série « Zéro pour l’éternité » détonne non par la forme, classique, mais par le sujet, les kamikazes, les aviateurs auteurs d’attaques suicides contre les navires américains en 1945 (1).

Plus connu sous le nom de Zéro, le Mitsubishi A6M était l’avion de l’armée japonaise pendant la guerre du Pacifique. Son inventeur, le génial Jirô Horikoshi, est le personnage central du dernier film d’animation d’Hayao Miyazaki « Le Vent se lève ». Certaines personnes, notamment dans les pays occupés par l’armée nippone avant 1945, ont d’ailleurs vertement critiqué la sortie d’un long métrage mettant en valeur le créateur d’une telle machine de guerre. La série en cinq volumes « Zéro pour l’éternité » aborde subtilement le sujet des kamikazes qui volaient donc sur les fameux Zéros. Elle participe d’un nécessaire travail de mémoire des Japonais sur cette époque en leur permettant d’évacuer une partie de la culpabilité qui pèse sur eux depuis que l’armée impériale a commis de nombreux crimes de guerre.

Le manga se déroule sur deux époques. Au Japon de nos jours Kentarô est un jeune adulte en fin de cursus universitaire qui doute de lui. À la demande de sa sœur, journaliste et écrivain débutante, il entame des recherches sur leur grand-père mort à 26 ans en 1945. Il découvre qu’il a été un pilote kamikaze à la fin de la Seconde Guerre mondiale. D’abord effrayé par cette révélation, en interrogeant les derniers survivants du conflit il fait connaissance avec un homme plus complexe qu’il ne se l’imaginait. Il plonge alors au cœur de la douloureuse histoire de sa famille et de son pays loin de tout préjugé. Kentarô  découvre que lors des plus grands combats aériens de la guerre du Pacifique, notamment à Guadalcanal, son grand-père a fait preuve de courage et d’humanisme. Il savait que la vie humaine était plus que tout sacrée. En accumulant les témoignages, le jeune Japonais fait connaissance avec un homme bien plus proche de lui qu’il ne le pensait. Pacifiste dans l’âme, il a été contraint de participer à une guerre à laquelle il ne croyait pas, au risque de passer pour un lâche aux yeux de ses camarades jusqu’au mois d’août 1945, où après l’explosion de deux bombes atomiques sur le pays, il accepte de se sacrifier en projetant son Zéro sur un porte-avions américain.

Adapté d’un roman best-seller ce manga a connu un beau succès au Japon, une adaptation cinématographique est même prévue. Cette réussite s’explique par l’excellence de la transcription des faits historiques et par une astucieuse mise en abyme à l’aide des recherches d’un Japonais contemporain sur son aïeul. « Zéro pour l’éternité » permet un travail sur l’histoire et sur des mémoires qui s’affrontent, celle des combattants et celle des jeunes Japonais pour qui kamikaze est synonyme de terroriste. Ce bon manga au dessin fonctionnel, très dynamique dans les scènes d’aviation, interpelle même le lecteur occidental. Une œuvre à découvrir.

Laurent LESSOUS (L@BD)

« Zéro pour l’éternité » T5 par Souichi Sumoto  et Naoki Hyakuta
Éditions Delcourt (7,99 €) – ISBN : 978-2-7560-3698-4

(1) Pour mémoire, un premier manga sur les kamikazes a été publié par les éditions Panini en 2003, il s’agit du one-shot « Tsubasa ».

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