Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Ça y est, Manu Larcenet a mis le mot fin à son faux polar aussi sombre que dérangeant : un long thriller bien noir en bande dessinée, dont certaines interrogations trouvent enfin leurs réponses avec ce quatrième tome ; comme la présence de mystérieuses statues de l’Île de Pâques dans ces sortes d’orgasmes éthyliques que le « héros » appelle le « blast ». Depuis 2009, on suit donc l’errance de Polza Mancini, obèse auteur d’ouvrages gastronomiques d’à peine quarante ans qui, lorsqu’il a appris le décès de son père, a sombré dans la dépression et a décidé de tout laisser tomber pour devenir quasi clochard. Ou, du moins, ce qu’il veut bien raconter, pendant sa garde à vue, à deux policiers qui l’interrogent sur ce qu’il a pu faire à Carole Oudinot, jeune fille qu’il est soupçonné d’avoir assassiné, après son séjour en hôpital psychiatrique. Et nous, lecteurs, nous n’avons plus aucun doute : cette descente aux enfers est un véritable chef-d’œuvre du 9e art.
            En effet, il s’agit d’un roman graphique psychanalytique exigeant, où chaque bribe de l’histoire se répond parfaitement. Cela a dû, d’ailleurs, nécessiter une rigueur incroyable pour que le fil du récit ne nous échappe jamais. On pourrait même commencer avec ce dernier acte, sans avoir lu les précédents, et se faire embarquer de la même façon par ce témoignage halluciné d’un cas psychiatrique hors du commun : sur le plan narratif, cet ultime volume, dense et concentré, est mené d’une façon magistrale, n’offrant comme seuls répits que quelques expérimentations graphiques où Larcenet alterne compositions naturalistes colorées, joyeux dessins d’enfants et strips comiques signés par son complice et ami Jean-Yves Ferri (avec qui il réalise l’amusante série « Le Retour à la terre »).
           Son propre graphisme, quant à lui, reste noir de chez noir (comme son propos), avec quand même un peu de gris par-ci par-là , mais il semble surtout plus élégant et plus fluide. Il est même peut-être encore plus abouti que sur les tomes précédents, notamment au niveau des expressions des différents protagonistes qui, elles, paraissent plus subtiles au milieu de cette atmosphère poisseuse si bien retranscrite, où l’équilibre entre fantasmes et réalité se dégrade au fur et à mesure que l’on avance vers la vérité… Et, évidemment, cela ne peut pas se finir bien…
Gilles RATIERÂ
« Blast T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent » par Manu Larcenet
Éditions Dargaud (22,90 €) – ISBN : 978-2205 — 07273-0