Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
Lire la suite...« L’Ange de la Retirada » par P. Roca et S. Dounovetz
Chaque livre de l’Espagnol Paco Roca est à marquer d’une pierre blanche, et ce, depuis la traduction de ses premiers ouvrages en langue française aux éditions Erko : « Le Jeu lugubre » (en 2002), une terrifiante fiction autour de la vie de Salvador Dali, ou le plus conventionnel « Les Voyages d’Alexandre Icare : Les fils de l’Alhambra » (en 2003).
Outre ses remarquables « Rides » et « Les Rues de sable » publiés dans la collection « Mirages » de chez Delcourt (en 2007 et en 2009), on avait également pu retrouver son trait élégant, assez proche de ce que l’on appelle « la ligne claire », aux éditions Six Pieds Sous Terre, avec un séduisant album, en bichromie, qui nous parlait de l’amitié naissante entre un jeune soldat et un vieux marin : « Le Phare », en 2005.
Et c’est encore chez ce petit éditeur du Languedoc-Roussillon, que ce dessinateur, qui a débuté dans la célèbre revue espagnole El Vibora, propose sa nouvelle histoire qui, à l’instar de la plupart de ses autres ouvrages (dont elle ne démérite pas), s’enracine profondément dans la culture de son pays d’origine ; même si, pour la première fois, Paco Roca a travaillé en collaboration avec un scénariste : Serguei Dounovetz, un ancien « touche-à -tout » (surtout sur le plan culturel) qui se consacre désormais à l’écriture et particulièrement à celles des romans policiers.
Avec encore plus de sobriété et de finesse dans le trait ou dans la narration qu’auparavant, Paco Roca et son nouveau complice nous racontent l’histoire de Victoria, une adolescente de dix-sept ans vivant à Béziers (où elle est née), mais qui est issue d’une famille venue d’Espagne. Se sentant très proche de ses racines, elle passe beaucoup de temps à la Colonie Espagnole, l’immeuble abritant une association, créée en 1889, où elle pratique la peinture et diverses activités avec des gens de son âge ; dont Adrian, un passionné de foot qui voudrait bien être plus qu’un ami pour elle. C’est dans ce contexte que la jeune fille apprend, qu’aujourd’hui, une loi permet aux descendants d’anciens réfugiés d’adopter la nationalité espagnole ; elle se sent, alors, tentée par cette éventualité…
Riche en références historiques, « L’Ange de la Retirada » est une belle et intense quête identitaire qui retrace, avec subtilité, un épisode douloureux enfoui dans la mémoire des réfugiés espagnols : une véritable réussite qui mérite d’être mieux mis en avant pour qu’elle ne soit pas trop diluée dans la masse des très (trop ?) nombreuses parutions de cette rentrée 2010 !
Gilles RATIER
? L’Ange de la Retirada ? par Paco Roca et Serguei Dounovetz
Éditions 6 Pieds Sous Terre (13 Euro)