« Moi, jardinier citadin » T1 par Min-ho Choi

Après « Seediq Bale », les éditions Akata restent dans l’ouvrage luxueux avec une autobiographie potagère en bande dessinée. À une époque où certaines personnes se cherchent et ne trouvent pas de sens à leur vie, le retour à des actions basiques, comme cultiver la terre, semble une voie salutaire pour beaucoup de monde. Voilà une bande dessinée instructive pour qui veut se lancer dans la culture de sa propre nourriture. Pas à pas, elle nous démontre que c’est techniquement possible, mais qu’il faut quand même s’en donner les moyens.

Histoire autobiographie en deux volumes, « Moi, jardinier citadin » est l’œuvre d’un coréen Min-ho Choi. Le début de l’ouvrage est peu réjouissant, le ciel est terne, il pleut et cet homme, seul dans le métro bruyant, supplie son interlocuteur de l’attendre. Il vient de lâcher son travail pénible et il sait qu’il joue sûrement son avenir en ce moment. Récemment marié, il veut ce qui’il a de mieux pour sa femme et son futur enfant. Et quoi de meilleur qu’un cadre de vie agréable et une nourriture saine. Pour le cadre, quand on est en ville, même en banlieue, ce n’est pas toujours facile. Il est toujours entouré d’immeubles, mais maintenant, il cultive lui-même son potager et espère ainsi nourrir les siens avec des produits sains. Du coup, le dessin devient lumineux et bien plus agréable. Une vraie transition exprimant un bonheur bien mérité. Mais c’est quand même un parcours semé d’embûches. Entre la nature capricieuse, le puits à partager avec les voisins grincheux, l’agriculteur à côté qui reprend des pesticides sur son terrain, mais qui contaminent en même temps son petit carré de verdure, et bien évidement les nombreux animaux et insectes qui ne pensent qu’à manger ce qu’ils trouvent de bon, il aura fort à faire. Mais c’est littéralement à la sueur de son front qu’il va finir à produire quelques plantes qu’il aura plaisir à partager avec sa femme et ses nouveaux amis cultivateurs urbains.

Après quelques pages bien grises, le soleil et la couleur arrivent enfin.

Ce manwa (1) n’est finalement pas qu’une bande dessinée, c’est aussi un guide sur la culture d’un potager en pleine ville. C’est le retour vers une nourriture soi-disant plus saine pour qui saura écouter les conseils des anciens et prendre conscience de leur savoir et de leur sagesse. Chaque scène est très courte. Cela permet de se focaliser sur une problématique bien précise, souvent traitée avec humour, notamment lorsqu’elle met en exergue les conflits de voisinage inéluctables entre amateurs à la main verte. On s’amuse tout en apprenant les subtilités de la culture d’un potager. Car, même si le bout de terrain de notre héros est assez modeste, il va lui donner quelques soucis. C’est comme cela que l’on apprend, sur le tas, en faisant des erreurs qui sont vite remarquées par les vieux de la vielle qui n’hésitent pas à le faire remarquer à notre jeune jardinier.

Entre deux chapitres, Min-ho Choi dessine des planches explicatives où il présente différentes variétés de plantes cultivables ou différentes techniques. Cette partie est très didactique et permet d’en savoir vraiment plus sur la culture d’un potager. Oh, ce livre ne vous transformera pas en paysan aguerri, mais il permet de mieux appréhender le travail de la terre et ses contraintes.

Le travail délicat et le rendu réaliste des cornichons contrastent avec ces personnages bedonnants et caricaturaux.

Si Min-ho Choi est encore un jardinier débutant, il est un dessinateur accompli. Il travaillait dans l’animation. Ses aquarelles sont superbes et mettent en valeur la nature. Contrairement aux personnages qui sont caricaturaux, celle-ci est traitée de manière très réaliste. Un peu à la manière d’une nature morte, mais effectuée sur des légumes bien vivants, encore accrochés à leur arbre porteur. Par ce soin apporté avant tout aux cucurbitacées et autres racines, on perçoit immédiatement la place importante de cette production dans la vie de l’auteur.

Le travail de jardinier comporte immanquablement quelques déconvenues.

Si les éditions Akata ont sorti cet ouvrage, ce n’est pas de manière anodine. Il est même préfacé par François Rouillay, le cofondateur du mouvement Incroyable comestible France, ainsi que par le président de l’organisation coréenne pour l’agriculture durable : M. Sang-kuk Lee. Dès le départ, le ton est donné. On est ici pour parler , d’agriculture, d’écologie et de la place de l’humain au beau milieu de tout cela. Dominique Véret, directeur d’Akata, ne s’en cache pas : il est un fervent promoteur du retour aux sources et aux valeurs ancestrales que l’humain a malheureusement perdu. Avec « Moi, jardinier citadin » c’est un appel militant qu’il souhaite envoyer à la jeunesse de France, afin de leur faire découvrir quelque chose qui pourrait bien les nourrir un jour.

Là où je ne sais pas s’il va réussir son pari, c’est sur la forme du livre. Épais, avec une couverture cartonnée et tout en couleurs, il est du coup assez cher. De plus, la construction narrative, un peu déroutante et ne respectant pas les codes du manga, semble plus s’adresser à un public adulte déjà conquis par culture de la terre. Espérons qu’ils sauront laisser traîner négligemment ce livre, afin de partager avec les plus jeunes leur passion.

Gwenaël JACQUET

« Moi, jardinier citadin » T1 par Min-ho Choi
Éditions Akata (21,50 €) – ISBN : 2369740019

(1) Manwa : bande dessine coréenne avec un W et non un G comme dans manga qui ne désigne que les œuvres venues du Japon.

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