« Strangers in Paradise T18 : À tout jamais » par Terry Moore

Le dernier tome de « Strangers in Paradise » vient de sortir… Fin d’une épopée débutée chez Le Téméraire en 1999 pour seulement trois volumes, puis reprise par Bulle Dog de 2001 à 2003 pour les sept premiers tomes, mais surtout reprise et portée haut et fort par Kymera depuis 2005. Kymera qui a soutenu cette série avec passion, contre vents et marées, rééditant les premiers volumes afin de constituer une belle intégrale et devenant ainsi le seul éditeur français sérieux, officiel et définitif de ce chef-d’œuvre absolu. Encore une fois, un « petit » éditeur a fait le travail des « grands », devant dès lors être considéré comme un grand éditeur substantiel face aux petits hommes en gris étriqués de certains grands groupes de l’édition (pas tous, heureusement !) avides du profit facile – quitte à éclipser ce qui reste primordial pour publier le superficiel. Viva Kymera !

Eh bien voilà… Ça y est… On y est… C’est fini. Drôle d’impression, que de se réjouir de pouvoir enfin lire en intégralité une merveille tout en ayant un pincement au cœur en sachant qu’on arrive au bout du chemin… Plénitude et manque, satisfaction et tristesse. Comme dans la vie. Comme dans « Strangers in Paradise », qui reste l’une des bandes dessinées qui a le mieux réussi à restituer ce qui nous anime dans la réalité, avec tant de justesse, de talent, de lucidité. On t’aime pour tout le bonheur insensé que tu nous a apporté, Terry Moore, mais on te déteste de nous avoir embarqués dans cette création dont on aurait aimé – naïvement, au-delà du raisonnable – qu’elle ne finisse jamais. Mais en conclusion on t’aime, Terry, ne t’en fais pas. Ce que tu nous as donné là vaut plus que toute autre création reprise et déclinée à l’infini pour le plaisir égoïste des lecteurs-consommateurs. Merci, Terry, d’avoir été si intelligent et talentueux, d’avoir fait de cette œuvre ton grand œuvre et de ne pas l’avoir gardée cachée dans les tiroirs de ton atelier. La larme à l’œil on te gratifie de ce bonheur rare d’avoir eu la chance de lire une telle merveille d’humanité. On sait que ta carrière n’est pas finie, heureusement. On a aimé « Echo », ensuite, et on attend avec impatience qu’un éditeur français édite « Rachel Rising », même si tu ne l’as pas terminée à ce jour. On sait que ce serait injuste de te réduire à ton seul « Strangers in Paradise » sans te voir évoluer dans tout ce que tu as encore à nous donner. Mais tu dois aussi comprendre que « SiP » nous a touché durablement, en plein cœur, et qu’on ne s’en remet pas comme ça. Et tu dois me pardonner de te tutoyer ainsi, de manière si éhontée, mais tu as insufflé tant d’intimité entre tes lecteurs et toi, via Katchoo et Francine, que tu n’as que ce que tu mérites : notre affection sans bornes, et l’envie de te connaître, comme un ami.

 

Cet article sera peut-être plus court que les précédents (nombreux) que j’ai consacrés à cette série, car je ne vois pas comment vous parler de cet ultime tome sans vous dévoiler des choses que vous ne devez pas savoir afin d’apprécier pleinement le dénouement de cette saga unique. Et je ne vais pas non plus revenir sur toutes les qualités de cette œuvre que j’ai déjà exprimées en long en large et en travers ici même. Ne me reste que peu de possibilités pour écrire, donc, mais j’essaye quand même de le faire, depuis le début de cet article, et je vais essayer de clore celui-ci sans artefact ni maniérisme. Je peux juste vous dire que le bel éventail narratif de Moore ne s’étiole pas sur la fin, utilisant encore différents outils narratifs remarquables pour déployer son univers, alternant bande dessinée classique et illustrations, textes, partitions de musique… Je peux vous dire aussi que ni l’action ni les personnages ne perdent en puissance et en justesse, offrant une vraie fin – néanmoins ouverte – à cette œuvre au long cours, et qu’on ne se sent aucunement frustré une fois la dernière page tournée. Je peux vous dire enfin qu’une fois ce dernier volume refermé, on se sent heureux. Heureux comme peu de bandes dessinées réussissent à vous le faire ressentir. Heureux parce qu’au-delà de la tristesse de l’ultime page parcourue, on quitte de vrai(e)s ami(e)s. C’est rare, de devenir ami avec des personnages de papier. Mais c’est pourtant bien le cas ici. Katchoo et Francine sont devenues des proches, avec le temps. Et il suffit de se replonger dans n’importe quel volume de la série pour les retrouver si elles nous manquent, « à tout jamais ».

 

Si vous connaissez « Strangers in Paradise », vous savez de quoi je parle, et devinez ce qui se cache derrière mes mots. Si vous ne connaissez pas « Strangers in Paradise », alors peut-être aurez-vous envie de découvrir ce qui fait qu’un critique de bande dessinée tel que moi puisse écrire un article tel que celui-ci, un article qu’un critique sérieux et professionnel, avec du recul, ne devrait pas écrire. Mais je n’ai pas envie d’avoir du recul, ni de me sentir « professionnel » en écrivant à des internautes inconnus pour promouvoir une bande dessinée. Je me sens plutôt d’écrire à des amis pour partager un moment de bonheur avec eux. C’est peut-être ça, le miracle de « Strangers in Paradise » : faire tomber les barrières pour revenir à l’essentiel, l’amour, au-delà de tout schéma de vie et de raison sociale. Pour enfin accéder à la vie, la vraie.

PS : ce dernier volume bénéficie d’un tirage très limité (150 exemplaires) comprenant une couverture alternative dépliante et un dossier de 24 pages proposant des bonus inédits sur la genèse de « Strangers in Paradise ».

Cecil McKINLEY

« Strangers in Paradise T18 : À tout jamais » par Terry Moore

Éditions Kymera (20,00€) – ISBN : 978-2-916527-22-2 / tirage limité (23,00€) – ISBN : 978-2-916527-23-9

Galerie

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

*

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>