« Tales from the crypt » T2 par Bill Gaines, Al Feldstein & co

Cet automne est paru le deuxième volume de « Tales from the crypt », dans la lignée des rééditions des EC Comics faites par Akileos. Un régal, en attendant d’autres parutions de ce genre chez cet éditeur dans les prochains mois : ouvrez l’œil !

L’année dernière je vous avais parlé ici même des EC Comics à l’occasion de la réédition de certains de leurs plus grands titres chez Akileos, éditeur courageux et passionné qui a enfin exhumé ces merveilles dont beaucoup se targuaient de les adorer sans pour autant les éditer (voir : Special EC comics chez akileos). Après deux volumes de « Frontline Combat » et les premiers volumes de « Tales from the Crypt », « Crime Suspenstories », « Two-Fisted Tales » et « Weird Science », Akileos publie donc aujourd’hui « Tales from the Crypt » T2, annonçant dans le même temps les sorties prochaines de « Shock Suspenstories » T1 en fin d’année 2013 ainsi que « Weird Science » T2 et « Crime Suspenstories » T2 début 2014 : le catalogue EC Comics d’Akileos s’étoffe donc avec certitude, commençant vraiment à avoir de la gueule, pour la plus grande joie des fans de ces séries qui restaient incompréhensiblement absentes de notre paysage éditorial depuis des décennies… Encore bravo !

 

J’ai déjà dit tout le bien que je pensais de ces séries et de ces rééditions françaises, mais voici néanmoins quelques mots à propos de ce « Tales from the Crypt » T2… Évidemment, on y retrouve tout ce qui fait que nous aimons cette série, car elle fut de bout en bout d’une grande constance dans la qualité et la liberté créatrice, offrant des histoires de grand guignol sans se prendre au sérieux ; contraste entre horreur et humour où le metteur en scène ne cacherait volontairement pas les ficelles de ses marionnettes pour sous-entendre une connivence avec le lecteur. La nature et l’esprit des récits horrifiques de Gaines et Feldstein sont donc présents et bien présents, et même si nous connaissons par cœur le style de trames narratives et les thèmes employés par le duo, le plaisir et l’excitation restent intacts à chaque nouvel épisode, la jouissance venant même sûrement de la connaissance de cet univers bien spécifique que nous retrouvons à chaque fois, s’y sentant chez soi… Il y a une addiction du même type que celle engendrée par la fameuse série « Twilight Zone », comme je l’avais déjà fait remarquer. Gaines et Feldstein, même s’ils ont de délicieux tics, n’abordent pas l’horreur de manière unilatérale, couvrant un large panorama du genre allant de l’histoire de monstre classique au crime fantastique en passant par l’angoisse pure, les phobies, l’étrangeté, le spiritisme, le vaudou ou la hantise, et naviguant entre les thèmes fondateurs et les époques (le contexte typiquement américain et bien connu des films d’horreur et de SF des fifties laisse place par intermittence à des voyages dans le passé, utilisant des éléments historiques forts comme Jack l’éventreur ou le règne de la terreur en France pour nous saisir d’effroi…). Au-delà du terreau d’artistes talentueux et de la liberté d’expression qu’ils expriment, les récits de « Tales from the Crypt » constituent aussi une merveilleuse anthologie rêvée de l’horreur…

 

Ensuite (dans la série des réjouissances sublimement honteuses), il y a bien sûr le génial trio de monstres déglingués qui nous présentent chaque épisode (le gardien de la crypte, la vieille sorcière et le gardien du caveau), nous consternant par leurs sempiternelles accroches morbides et leurs horribles blagues de fin de récit, nous faisant osciller entre rire et plaisir coupable… Il est intéressant de constater combien chaque dessinateur a investi avec talent la grande case de présentation de la première page où chacun des membres de ce trio infernal annonce la couleur du récit : on sent qu’un soin tout particulier a été porté sur cette case introductive, à grands renforts de hachures, d’à-plats et de fioritures graphiques engendrant de belles images terrifiantes. C’est toujours passionnant, émouvant et savoureux d’admirer les dessins d’artistes tels que Wood ou Davis, enfants turbulents des comics qui ont participer à l’émancipation d’un art à part entière, mais les autres dessinateurs ayant fauté à EC Comics étaient loin d’être des manches, et on redécouvre ici leur travail avec grand intérêt. Ainsi, un Johnny Craig (seul scénariste/dessinateur du casting de cet album) s’approche parfois stylistiquement de Milton Caniff, et il est intéressant de voir combien ce style classique de l’âge d’or eut de l’influence sur d’autres créations que celles acceptées par la société parce que bien lisses. De même, les dessins de Graham Ingels sont loin d’être dénués d’intérêt, parfois un peu maladroits et à d’autres moments sublimes grâce à des jeux de hachures et un sens du contraste qui fait mouche et nous plonge dans un sentiment de malaise certain… N’oublions pas non plus deux épisodes plus « glamour » dessinés par Joe Orlando, ou le style un peu brutal de Jack Kamen… L’ensemble donne un beau spectacle quant à l’art du noir et blanc, avec souvent des petits bijoux de cases d’une grande puissance atmosphérique. Patrimonial et absolument décalé : deux adjectifs qu’on ne peut accoler ensemble qu’à propos de ce genre d’œuvre ouvrant grand les voies de la liberté et du second degré… Tout simplement historique, vous le savez !

 

Cecil McKINLEY

« Tales from the crypt » T2 par Bill Gaines, Al Feldstein & co

Éditions Akileos (26,00€) – ISBN : 978-2-3557-4138-8

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