Les amateurs de son œuvre le savent bien : Jacques Tardi est un boulimique de travail qui dessine matin, midi et soir. Or, « Dessins matin, midi et soir », c’est le titre d’un beau petit recueil édité par Oblique Art (structure dirigée par Pierre-Marie Jamet) qui nous propose pas moins de 160 pages rassemblant des illustrations réalisées par le créateur d’« Adèle Blanc-Sec », sélectionnées dans les nombreux carnets qu’il a noircis (voire mis en couleurs) tout au long de sa remarquable carrière d’auteur du 9e art : croquis, études de personnages… et même courtes bandes dessinées iconoclastes inédites.
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Surtout connu comme illustrateur de livres pour enfants, Bruno Heitz a toutefois réalisé quelques incursions en bande dessinée, et ce depuis 1996 ; ne serait-ce qu’à travers la jouissive série « Un privé à la cambrousse » (dix tomes indépendants parus aux éditions du Seuil)(1) : laquelle met en scène les enquêtes d’un drôle de détective franchouillard et rural dans les années 1950.
Avec cette nouvelle histoire d’un pauv’ gars de Lorraine qui va devenir un petit escroc minable dans les assurances parisiennes, l’auteur s’adapte, sans problème, à la toujours intéressante collection « Bayou » des éditions Gallimard : passant habilement du noir et blanc à la couleur. Et si l’action se situe, cette fois-ci, dans la France urbaine (et dans les années 1960), on retrouve ce même trait rondouillard et minimaliste qui colle parfaitement à la narration et qui fait sa particularité !
Sorti de son bled de Ruméville, le jeune Jean-Paul traîne sa flemme dans la capitale jusqu’au jour où un revendeur de belles bagnoles de chez Peugeot lui propose de bosser pour lui en l’aidant à faire disparaître, dans la Seine, des voitures récemment acquises : le bonhomme gardait le double des clefs de l’auto, les piquait à leur nouveau propriétaire, et quand l’assurance avait casqué, le bourgeois revenait lui acheter une autre voiture ! Un job facile qui lui rapporte gros… Jusqu’au jour où Jean-Paul retrouve un ancien ami de jeunesse devenu inspecteur d’une compagnie d’assurances. En échange de son silence, ce dernier l’oblige à participer à ses activités politiques extrémistes qui visent à débarrasser la France du président De Gaulle : car c’est à cause de lui que l’Algérie française est en train de devenir l’Algérie algérienne !
Un très amusant portrait, frais et décalé, d’une époque révolue qui est fort bien évoquée, tout le long des 116 pages de cet acerbe et passionnant roman graphique !
Gilles RATIER
? J’ai pas tué de Gaulle mais ça a bien failli… ? par Bruno Heitz
Éditions Gallimard-Bayou (17 Euros)
(1) Mais même quand il s’adonne au 9e art, Bruno Heitz ne délaisse pas le lectorat des plus petits puisqu’il vient de publier une judicieusement pédagogique « Histoire de France en BD » (avec Dominique Joly, chez Casterman) et qu’on lui doit aussi la série « Louisette la taupe » (dans la collection « MiniBD » de Casterman, depuis 2005) et une adaptation du « Roman de Renart » dans la collection « Fétiche » de Gallimard, en 2007 !