COMIC BOOK HEBDO n°122 (22/05/2010)

Cette semaine, revenons sur un album incontournable paru ce printemps et qui signe l’achèvement d’une ?uvre majeure : Promethea. C’est toujours une drôle de chose, que d’accéder à la fin d’une série. On est à la fois heureux de pouvoir enfin lire le dénouement de ce qui nous a tant fait vibrer, et triste parce qu’on sait que l’inconnu est derrière nous… La semaine prochaine, même traitement de faveur pour la fin de Transmetropolitan.

PROMETHEA vol.7 (Panini Comics, 100% ABC)

Voici donc la fin de Promethea, au bout de 7 volumes et 32 épisodes… C’est un vrai soulagement que de savoir que cette œuvre aura pu être éditée intégralement en France, malgré sa nature constituant un vrai défi au commercial et la reprise par un autre éditeur après 3 tomes parus. Car, vous devez le savoir si vous êtes un habitué de cette chronique, je n’ai jamais manqué une occasion d’encenser – à juste titre – cette œuvre merveilleuse, unique, sûrement l’une des plus brillantes qu’ai jamais créées Alan Moore. La plus pointue, la plus sensible, la plus intime, comme un voyage intérieur métaphysique et graphique tentant d’explorer la substantifique moelle de toute création artistique. Promethea est bien plus qu’une bande dessinée, c’est un manifeste dédié au processus créatif et à notre conscience collective de l’art dans notre vie. Promethea est une pure merveille, un bijou, un ovni dont la lecture engendre des émotions semblant neuves, inconnues. Un véritable sentiment de découverte, d’exploration d’un terrain qu’on n’aborde pas à cause d’un monde normé, d’une création normée, de sujets normés. Contre l’art mort-né. Je ne vais pas recommencer à vous présenter Promethea (pour ceux qui ne connaissent pas, je vous conseille plutôt de lire mes chroniques antérieures consacrées à cette œuvre), ayant déjà eu assez de remords pour hésiter à vous bassiner une nouvelle fois avec cette obsession que je suis loin d’être le seul à exprimer, mais je vous rappelle tout de même que Promethea est l’incarnation de l’imagination, et que cette magnifique série se penche sur la dernière incarnation en date, sous les traits de l’étudiante Sophie Bangs. Et quelle incarnation, mes aïeux! Plutôt irrésistiblement sensuelle, l’imagination faite chair… Car il n’y a pas que le scénario génial de Moore, il y a aussi le dessin génial de J.H. Williams III, un artiste protéiforme qui a su insuffler à cette œuvre une charpente graphique en éventail et une esthétique qui – et c’est tellement rare – est transcendée par l’esprit: l’image redevient ici spirituelle… L’association de Moore et Williams fait des étincelles, s’exprimant dans un découpage et une science narrative de tout premier ordre. Rarement la narration aura été autant explorée, jusque dans le tréfonds de ses ultimes possibilités…

Qu’elle est belle et fascinante, Promethea… Mais dangereuse, aussi, si elle laisse son pouvoir prendre le dessus. Après avoir tenté de réfréner et d’enfouir cette incarnation dévorante, Sophie n’a pu faire autrement que de laisser Promethea s’épanouir totalement, ultimement, dans une dernière apothéose. Mais l’imagination au pouvoir, engendrant l’Armageddon, est-elle un réel danger ou bien plutôt une délivrance? Et cette explosion peut-elle réellement changé le cours des choses, et nous rendre plus respectueux de la vie et de ses trésors? Cela reste à prouver, et c’est bien ce « cataclysme » qui clôt l’œuvre, dans des derniers épisodes plus mystiques et métaphysiques que jamais. Alternant différents styles graphiques, Williams III aborde la fin de Promethea avec toujours autant de passion, nous offrant des visions saisissantes et pleines d’émotion. L’équipe artistique reste de toute manière irréprochable jusqu’au bout, l’encrage de Mick Gray étant toujours aussi précis et respectueux du style de Williams, et les couleurs des excellents Jeromy Cox et Jose Villarubia s’avérant résolument magiques. Et n’oublions pas de souligner le fait que Promethea soit une œuvre qui n’a pas honte de son amour et de sa poésie. Moore y parle au lecteur droit dans les yeux, droit dans le cœur, sans fausse pudeur, nous demandant explicitement d’arrêter d’avoir cette « posture » de lecteur, et nous invitant à aller au-delà des apparences, de la fiction et de la réalité. Une œuvre magique, tout simplement…

Cecil McKINLEY

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